Bootylicious

Le room-service m'apporte un petit déjeuner fabuleux : du pain croustillant et chaud, un jus d'oranges pressées le tout accompagné d'un café et de petites mignardises plus délicates les unes que les autres. J'hésite un peu entre la tentation d'aller buller au bord de la piscine de l'hôtel ou à partir en touriste pour cette matinée londonienne disponible.

La tentation de la paresse ne me retient pas et j'enfile mes bottines pour sortir me promener dans Londres. Le chemin est bien différent de jour, plus de touristes et moins de clochards. Toujours autant de joggers. Mes chemins me ramènent du côté de la famille Royale encore une fois pour mieux poursuivre jusqu'à Hyde Park et terminer par la visite du Muséum d'histoires naturelles. Faudra que je revienne à Londres pour explorer la facette Ken Loach de la ville.

Tu pourras pas. T'as goûté à la vie de Princess comme à une came trop pure. Revenir en arrière te ferait l'effet de t'enivrer avec une Tourtel tiède. Tu tiendras pas le choc. En parlant de bière tiède on y va à quelle heure ce soir ?

J'ai jamais dit qu'on y allait. Ce fut suffisamment la honte comme ça hier soir. Son commentaire composé en trois parties sur ma Fanfiction éditée chez "Hugues & ses amis" il peut faire un avion avec et se le placer comme écrit dans le chapitre "Alive".

- Aller quoi, juste une bière. C'est pas comme si tu n'aimais pas ça ? Ça ne te tente pas ?

La tentation. La colère. Le désir. La frustration. La sale Bête ne laisse rien au hasard. J'erre dans les allées bondées du Muséum en regardant sans voir des photographies de bestioles, des squelettes de dinosaures et d'autres êtres, des gravures qui n'étaient pas assez belles pour attirer l'œil d'un collectionneur mais suffisamment vieilles pour revendiquer leur droit à la postérité.

Qu'est-ce-que je fous là ?

Le sentiment est précieux à cet instant devant le squelette d'un renard européen. Je me sens libre et encombrée par l'immensité des options qui s'offrent à moi, comme si je pouvais décider de tout recommencer et qu'en plus j'en avais l'énergie par dessus la tête. En regagnant le W Leicester je souris aux anges dans la rue et rentre dans une parfumerie pour acheter un poudrier. Question féminité ça en jettera plus que ma brosse à dents cet après-midi.

Anastasia vient frapper à ma porte vers midi pour que nous nous mettions en chemin pour le rendez-vous chez Foyles.

— Tu as déjeuné ?

— Non. Pas faim.

— C'est un plaisir de travailler avec toi. Je m'attendais à passer trois jours avec une jeune femme pleine de fantaisies et je me retrouve avec une porte de prison qui se peigne un jour sur deux. T'es pas un auteur de New Romance gay : t'es à peine un brouillon de femme. Si tu ne veux pas manger ça te regarde mais tu ne te présenteras pas comme ça à la deuxième dédicace. Encore moins à la conférence de presse.

Truie à torchons.

Elle me traîne chez un coiffeur pour me rendre vendable et me donner l'air de la nouvelle recrue "Hugues & ses potes". Il me manque plus que l'invitation chez Hanouna en rentrant à Paris et je peux envisager de faire tourner une sex-tape.

Chez Foyles il y a encore aujourd'hui une longue file d'attente. C'est pire que la veille. Je comprends dès les premières signatures pourquoi les lectrices, parce que j'en ai plus que de lecteurs finalement, sont déchaînées cet après-midi.

L'effet Twitter a bombardé.

#Dylan&Saah et #Dylaah pullulent sur la toile depuis la veille. Durant toute la séance des jeunes femmes ne cessent de me demander en anglais : "Il est comment en vrai ?", "Est ce que tu le connais bien ?", "Vous êtes amis désormais ?".

Non seulement je ne le connais pas. Ensuite ce n'est pas mon ami. Et en vrai il est... Il est...

Préoccupée par ma petite personne et mes soucis de fin de romance merdique perso je m'aperçois d'un truc assez surprenant : si je suis restée à observer notre photo plusieurs secondes je me rends compte que je n'ai absolument aucun souvenir de l'homme avec qui j'ai bu une bière hier soir. Lors de la minute de dédicace j'étais tellement surprise que je ne l'ai pas regardé, et hier soir dans la pénombre de mes préoccupations et du bar je suis restée focalisée sur mon IPA. Je ne l'ai pas regardé.

Je suis troublée par cette révélation. Je poursuis mes signatures et demande cinq minutes de pause. Aux toilettes je sors le poudrier et vérifie l'état de mon visage.

Tu ne te remaquilles jamais. Déjà que tu ne te maquilles jamais, j'avoue ne pas comprendre ce que tu fais. Tu attends quelqu'un ?

 Non. Je... Je veux.. Je dois...

Non. Tu espères et tu désires. Tu as envie qu'il revienne à la fin comme hier.

T'as besoin d'aller cracher ton feu sur autre chose, je crois que tu n'y es pas du tout.

Je ne me réveille que lorsque que tu es en proie à tes envies et tes colères. Tes frustrations. Si je te parle en cet instant c'est que j'ai raison.

Je force un peu sur la zone T et je retourne à ma table. Je suis juste un peu stressée par la conférence de presse qui a lieu après. Voilà. C'est ça : la conférence de presse me stresse. Je signe, je souris et je raconte que "Dylan O'Brien est vraiment très sympathique" toute l'après-midi. À dix-huit heures tapantes les vigiles à l'entrée ferment les portes malgré les protestations de la file persistante à l'extérieur.

Les journalistes de la conférence de presse m'ennuient à mourir. Si j'étais un écrivain de sexe mâle j'aurais pris de la coke dans les chiottes et à moitié tringlé l'attachée de presse derrière l'étagère des comics. Mais je suis une auteure bien élevée et je réponds à chaque question avec un sourire, le dos droit, sans tripoter mes cheveux.

— On dit que c'est l'acteur Dylan O'Brien qui a inspiré le personnage de votre roman ? Vous démentez ?

— Non, je vous le confirme.

— Vous l'avez rencontré ?

— Je l'ai croisé hier. Il est vraiment très sympathique.

—  Est-ce que vous souhaiteriez échanger avec lui sur votre roman ?

— Pas particulièrement mais s'il a un avis à me donner dessus je veux bien l'entendre.

— Dylan a-t-il lu votre livre ?

— Je n'ai pas cette information.

— Avez-vous pensé à lui pour la couverture ?

Et ça s'enchaîne de la sorte pendant encore une bonne dizaine de questions. Ils ne me parlent QUE de Dylan O'Brien. Tout le monde s'en fout que j'ai abordé le thème de l'homosexualité masculine et que la majorité de mes lecteurs soit des lectrices. On s'en moque bien de savoir que plein de gens vivent leur sexualité dans le secret parce que c'est encore compliqué de nos jours. Que la différence d'âge peut poser des questions ou que George Michael a été malheureux toute à vie parce qu'il a dû rester au placard. On ne me parle pas de Wattpad, pas de ma façon d'écrire, de penser mon histoire. On s'en fout. Le seul truc important c'est Dylan O'Brien. La colère monte en moi sans même que j'ai le temps de contrôler quoi que ce soit.

— Pourquoi lui et pas un autre ? Pourquoi pas Thomas Brodie Sangster ou Kit Harrington par exemple ? Games of Thrones est un succès phénoménal comparé à Teen Wolf, non ? Vous auriez touché plus de monde !

Même si j'ai tout fait pour garder le contrôle je n'en peux plus, faut que ça sorte, qu'ils me lâchent avec ça une bonne fois pour toute.

Parce qu'il a un putain de cul d'enfer, répond sans ciller le Dragon à travers ma bouche.

Du coin de l'œil je vois Anastasia lâcher son stylo par terre en même temps que son sourire. Un silence gêné plane sur l'assistance et je me mords les joues pour ne pas éclater de rire devant la mine déconfite des journalistes. Pshiiitt, envolée la gentille auteure de New Romance : Tatie Fanfiction vient de faire un come-back tout en nuances.

En sortant de la séance mon éditrice ne sait pas si elle doit me passer un savon ou me féliciter pour le tintinmare que ça va produire sur la toile. Un fou rire nerveux menace à chaque seconde.

— Tu ne pouvais pas l'éviter celle-là ? Vraiment ?

— Ça faisait une plombe qu'ils me bassinaient avec Dylan O'Brien ! On est censé parler de mon bouquin, de mon histoire, de "Bromance" de tout ça et on ne parle QUE de Dylan O'Brien. Ana Todd on la fait chier aussi avec Harry Styles ?

— C'est fort probable et pourtant elle tient le choc depuis plusieurs tomes. Elle a peut-être plus de métier que toi.

— Ou peut-être qu'il a un cul plat ? lui dis-je en ne retenant plus un rire de démente.

Elle est peu à peu gagnée par le comique de la situation et nous nous arrêtons contre un mur pour laisser éclater notre hilarité.

— Non mais t'as vu la tronche du mec de ET! ? Je crois qu'il en aurait bouffé sa barbichette !

— Arrête je n'arrive pas à reprendre mon calme ! Le directeur de Foyles m'a regardée comme si t'étais un animal mal dressé.

— Y a sûrement un peu de ça. Bon, maintenant j'ai faim pour le coup. On va manger quelque part ?

Les ramen prennent le relais sur le Fish & Chips et nous passons un bon moment grâce aux fesses de l'acteur qui ont réussi le challenge de briser la glace entre nous. On nous sert deux verres de vin pas très bon mais hors de prix. Anastasia se dévoile un peu, parle de ses trois enfants et de son mari qui est musicien parfois et père au foyer tout le temps. Je lui trouve quelque chose d'humain sous ses mèches blond nordique et sa coupe impeccablement structurée, "Hugues" nous invite et nous rentrons à l'hôtel en taxi un peu grisées par la journée et le début de soirée.

Dans ma chambre je tourne et retourne la situation dans ma tête avant de me décider à descendre au bar prendre une bière à l'heure où les grands fauves vont boire. Juste histoire de vérifier si mes allégations concernant les qualités de sa croupe se vérifieront.

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Bonjour,

La petite dédicace du jour sera pour ViTwerkSaladienne qui a le gros défaut insupportable d'écrire ses commentaire en MAJUSCULES. Pourtant elle est tout à fait capable d'écrire normalement, avec une jolie plume dans ses "Âcres Appositions" entre fantastique et poésie. Méfiez-vous tout de même, elle possède un livre dans lequel elle attrape vos rêves pour en faire des montages irrésistibles !

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