CHAPITRE XXXIV : FAMILLE DE CŒUR

Maho scruta un moment les alentours, mais, il devait se rendre à l'évidence : elle était bel et bien partie.

— Seriez-vous en train de chercher Siannie ? lui demanda Oisan. Elle a profité du discours de la reine pour s'éclipser. Elle est entrée dans la mairie pour rejoindre le portail. Tenez, elle m'a laissé cela pour vous.

Il lui tendit le livre d'apothicaire qu'elle lui avait offert la veille. Maho caressa la couverture en tremblant.

— Elle s'en va, comme ça ? Sans dire au revoir ?

Oisan les observa attendri puis sourit.

— J'ai peut-être une solution. Un petit sort de transportation vous intéresserait-il ?

— Vous m'auriez proposé cela il y a quelques semaines, je n'aurais même pas voulu vous écouter. Mais, après tout ce que j'ai vécu dernièrement, j'ai envie de vous répondre : « pourquoi pas ».

Cadine éclata de rire en entendant son époux.

— Pourrais-je me joindre à vous ? leur demanda la reine.

— Votre Majesté, votre statut ne vous permet pas d'en formuler la requête, puisque tous vos désirs sont des ordres. Mon cher Pembroke, je suppose que nous devrons vous supporter.

— Quelqu'un doit bien s'assurer que vous ne détruisez rien, mon cher Oisan.

Le magicien roula des yeux à ces mots.

— Maître Galeknar et mon cher Iomaire, ferez-vous partie du voyage ?

— Nous devons décliner votre invitation, nous nous rendons de ce pas à l'édivrerie, au chevet de Maître Darkec. Nous discuterons également d'un plan pour qu'il puisse s'évader en toute discrétion.

— Bien. Monsieur Branne et mon cher Pembroke, tenez-moi chacun par une manche, quant aux autres donnez-vous la main. Attention... 1... 2... 3... Dazfuldesok !

Des fourmillements le traversèrent et une chaleur le submergea. Maho se surprit à penser que ces sensations lui apparurent comme familières. Cette magie qui le terrifiait et qui, pourtant, pouvait se révéler fascinante, grisante, éblouissante. Autour de lui, tout tourbillonnait au point de se transformer en des rayures multicolores qui finirent par fusionner entre elles et ne devenir qu'une lumière blanche. Le cuisinier ne put s'empêcher de fermer les yeux. Quand il les ouvrit, ils avaient atterri devant la pièce dans laquelle se trouvait le portail de la mairie.

— Dépêchez-vous de la rejoindre, l'exhorta le magicien.

Maho tira Cadine à l'intérieur et ils tombèrent nez à nez sur Siannie qui s'apprêtait à traverser. Elle se retourna quand elle les entendit entrer.

— Maho ? Comment as-tu...

— ... Le lanidrac nous a transportés jusqu'ici.

La magicienne roula des yeux.

— Trente-huit ans sans le voir, et plus moyen de m'en débarrasser !

— Vous alliez vraiment partir sans me dire au revoir ?

Face à la mine déçue du cuisinier, elle soupira tristement :

— Je... je ne savais pas comment m'y prendre. J'ai vécu si longtemps seule, que je crois avoir oublié comment me comporter en ces circonstances.

Maho lui sourit.

— Je ne pouvais pas vous laisser vous en aller sans vous présenter Cadine.

La jeune aubergiste s'approcha et attrapa les mains de cette femme au visage sévère qui paraissait immense à côté d'elle.

— Merci, merci de l'avoir sauvé.

— C'est ce bon Galeknar que vous devez remercier. Moi, je lui ai juste fourni la pénimune.

— Vous avez fait bien plus, et vous le savez. Maho et moi souhaitons vous confier une requête.

— Seriez-vous d'accord pour choisir le prénom de notre fille ? interrogea timidement le jeune homme.

Les lèvres de Siannie tremblèrent.

— Es-tu conscient de ce que tu es en train de me demander ?

Oui, Maho en avait parfaitement conscience. Dans la tradition valêmoise, les parents de l'enfant à naître offraient la responsabilité du choix du prénom à l'un des grands-parents. Cadine resserra les doigts de la magicienne.

— Ce que nous sommes en train de vous demander, corrigea-t-elle.

Siannie ne parvint pas à cacher son émotion et répondit d'une voix chevrotante :

— À une seule condition.

L'expression interrogative du couple l'amusa.

— Par pitié, cessez de me vouvoyer, tous les deux !

Maho la serra dans ses bras.

On frappa à la porte. Siannie s'empressa de s'essuyer les yeux quand Oisan passa sa tête par l'entrebâillement.

— Loin de moi l'envie d'interrompre vos effusions, mais Sa Majesté désire s'entretenir avec vous.

Il s'écarta pour laisser entrer la reine qui s'avança vers Maho et s'inclina. Le cuisinier en ressentit en immense malaise.

— Monsieur Branne, si j'ai insisté pour vous accompagner, c'est pour vous demander quelle récompense vous souhaitiez recevoir pour nous avoir aidés à combattre ce géant.

— Vous m'avez déjà largement récompensé en prouvant mon innocence. Et puis, je n'ai pas fait grand-chose.

— Ne dites pas de sottises, voyons : je n'ai effectué que mon devoir, et nous n'y serions jamais arrivés sans votre idée ! Existe-t-il quelque chose que je puis vous offrir ?

— Eh bien... il y a peut-être une chose que je souhaite.

Il coula un regard vers Cadine qui lui répondit avec un sourire d'encouragement.

— Seriez-vous d'accord pour goûter à ma cuisine ?

Illustration : ValessiaGo

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