Partie II : chapitre 8




           

« - Déjà trois jours que nous sommes ici et toujours rien ! Ne me dites pas qu'il est devenu invisible Monsieur ! Il y a forcément quelqu'un dans cette ville qui l'a vu ces temps-ci !

   - Oui, c'est évident madame, il est forcément quelque part... Mais il semblerait qu'il s'emploie à brouiller les pistes... J'ai interrogé plusieurs personnes, et je n'ai pas obtenu d'information pour le moment... Vous savez, Honfleur est un port, il y a énormément d'hommes de passage ici, alors les gens retiennent peu les noms et les visages... Mais en interrogeant le personnel des auberges je finirai par le trouver. Ce n'est plus qu'une question d'heures Madame de la Chevaleraie, assurait Monsieur de Voluret tentant de calmer par ses certitudes la fureur de la Comtesse.

  - Alors mettez-vous efficacement au travail ! Je ne vous paie pas pour la promenade, je veux des résultats ! »

Immédiatement, Monsieur de Voluret saisit son tricorne de feutre bleu marine et sortit. La Comtesse avait bien raison, il était impossible que personne n'ait entendu parler du jeune homme en fuite. Encore deux auberges et il aurait fait le tour...Ses espoirs s'amenuisaient, il craignait d'avoir perdu la piste de Saffré. Ceci dit, si le jeune Comte était encore dans cette ville, l'étau se resserrait et il ne tarderait pas à le trouver.

« Bien, voici une petite auberge que je n'ai pas encore étudiée... Voyons si je trouve les indices escomptés ici... Il est forcément dans le coin, ouvrons l'œil et laissons traîner nos oreilles... » pensait-il pour se redonner du courage à l'ouvrage. Il poussa la porte de l'établissement et constata qu'à cette heure matinale, il n'y avait pas beaucoup d'animation si ce n'était le va-et-vient des employés affairés. Pas la trace de clients correspondant au profil recherché, seuls deux ou trois loups de mer étaient accoudés sur une table devant une choppe bien entamée. Mais il fallait tout de même se renseigner auprès de celui qui dirigeait l'établissement.

« - Excusez-moi mon brave. Je cherche quelqu'un qui est probablement passé chez vous...

   - Les clients souhaitent pas être dérangés, j'ai rien à vous dire, de toute façon les gens font que passer ici, je retiens rien les concernant.

   - Oui je comprends... seulement, cette personne-là est tout à fait remarquable... Un jeune homme d'une vingtaine d'années, aux cheveux noirs, sourcils larges, regard noir, plutôt grand... Il s'appelle Saffré de la Chevaleraie.

   - Oui, ça s'peut... je sais plus très bien...

   - Allons... souvenez-vous... insistait de Voluret tout en glissant trois pièces sur le comptoir.

   - Non, non, j'vois pas bien... Ca me dit bien quelque chose mais je sais plus de quand ça peut dater... minaudait l'autre.

   - Enfin, j'ai besoin de savoir... s'obstinait de Voluret en ajoutant une pièce de plus.

   - Bon, moi je vous dirai rien. Mais j'accepte votre argent, et en échange, j'vous laisse aller interroger mon personnel... Ces demoiselles s'occupent des chambres et ça se pourrait bien qu'elles aient servi le monsieur que vous cherchez. »

De Voluret se dirigea immédiatement vers l'une des domestiques qui allait s'engouffrer dans les escaliers menant aux chambres du premier étage. Celle-ci secoua la tête en entendant la description de Saffré, mais pinça le bras d'une autre jeune fille brune pour lui faire part de la requête. En entendant à son tour la description, l'autre tourna la tête afin de croiser le regard de Monsieur de Voluret et acquiesça en souriant. Ce dernier écarquilla des yeux brillants de curiosité.

« - Vous l'avez vu ? Où ça ? Est-il encore ici ?

   - Oui, il loge dans une de nos chambres. A cette heure–ci il travaille à l'extérieur, mais il rentrera ce soir avec la nuit. Pourquoi voulez-vous le voir ?

   - Nous avons une affaire à régler. C'est votre ami ?

   - Non monsieur, c'est tout l'inverse. Il s'est conduit très mal avec moi et je crois bien que personne ne peut se prendre d'amitié pour un individu si odieux... enchaîna la demoiselle, tandis que ses yeux se remplissaient de larmes qu'elle dissimulait et enterraient dans le terreau fertile de la vengeance.

   - Vous a-t-il fait du mal ? Sachez mademoiselle que ses parents sont des gens d'éducation et qu'ils seront prêts à racheter les fautes de leur fils. Je leur parlerai de vous, et croyez-moi qu'ils sauront être généreux. Pour l'heure, veillez à ce qu'il ne ressorte pas de sa chambre une fois rentré. Nous lui rendrons visite demain matin à la première heure. Mais surtout, ne lui dites rien où il partirait sur le champ. Ce lâche ne veut pas faire face à ses obligations familiales. De grâce, soyez muette comme la pierre, et vous ne le regretterez pas. »

Avec un petit rictus de victoire, Monsieur de Voluret quitta l'auberge et marcha d'un pas rapide et joyeux à travers le port, transporté par ce succès qu'il voulait partager avec le Comte et la Comtesse. Enfin, il allait toucher son solde.

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