Chapitre 5 - Irina

Mes valises ne sont pas encore vides que j’entends du bruit dans la pièce principale, je termine de remplir mes armoires à mon aise puis sort rencontrer mes futurs colocataires.
Dans le canapé, une blonde est étendue sur le ventre, ses pieds levés bougent au rythme d'une musique que je n’entends pas, mais qui doit inonder les oreilles de leur propriétaire. Elle chantonne la mélodie en tapant à tout-và sur l’écran de son iphone dernier cri. Ses sacs, valises et cartons sont éparpillés dans l’entrée de l’appartement. Un mec un peu trop pâle, du style qui ne voit pas assez le soleil, est assis sur un des hauts tabourets qui longent l'îlot de la cuisine. Ses yeux sont fixés sur le galbe marqué des fesses de la fille. Ça promet si je dois partager mon espace avec un petit voyeur. Il va falloir mettre des limites rapidement.

— Hey ! m’écrié-je pour attirer l’attention. Je suis Irina.

La jeune femme se relève, arrache ses pods et m’offre un sourire éclatant. Au contraire de son admirateur qui se rend compte qu’il a été grillé.

— Bonjour, je suis Lily-Rose et lui, c’est Jimmy.

Elle le pointe du doigt comme s’il y avait d'autres possibilités. Je lui souris et il hausse les épaules d’un air blasé.

— Nous ne voulions pas t’interrompre dans ton installation, on a vu que ta porte était ouverte mais ici on respecte le caractère privé des chambres. On n’entre que si on est invité.

— Oh ! C’est un bon principe, je suis pour, évidemment.

— Je suis en deuxième année, je connais bien la résidence et le campus, si tu as besoin de quoique ce soit, demande.

— Tu as de bonnes adresses pour sortir ?

— Oui, répond-elle avec un sourire suffisant. Et j’ai des entrées dans toutes les fraternités. Je sors avec un des quarterback.

— Et toi ? Tu fais partie d’une équipe, j’interroge le mec de manière directe.

Youri serait fier de moi. Je pense à connaître mes colocataires et peut-être détecter de potentiels problèmes. Bien qu’il semble avoir plus peur de nous que l’inverse.

— Au contraire, je suis juste un informaticien non sportif et asocial.
Il se dandine un peu et détourne le regard. Il rougirait presque de notre intérêt soudain pour sa personne.

— Tu pourrais être un amour et installer les affaires de Lily-rose dans sa chambre, je propose en lui offrant mon plus beau sourire. Pendant ce temps, nous allons préparer quelques petites choses pour boire et manger.

— On en profitera pour mieux se connaître ! s'exclame la blonde en tapant dans ses mains comme une gamine excitée le jour de Noël devant ses cadeaux.

Elle me semble un peu ingénue et superficielle. Mais je ne vais pas sauter à la conclusion sans faire l’effort de pousser plus loin mes investigations. En plus, tout est bon pour se faire de nouveaux amis et organiser une fête.
Il ne nous faut que quelques minutes pour nous retrouver tous autour d’une table basse recouverte de verres, cocktails de fruits et de chips.

— Si tu as un moyen de nous procurer quelques bouteilles et de la bière, ce serait top, je soupire.

Lily-Rose rit de mon expression déçue devant notre maigre repas.

— Ce n’est pas un problème, j’ai une fausse carte pour ça. Attends, j’ai une surprise.

Elle admet sans sourciller ce petit délit, je commence à l'apprécier de plus en plus. Si elle savait que d’ordinaire, je peux avoir de l’alcool à volonté sur un simple coup de fil, elle me verrait autrement. J'ai promis à maman de ne pas tricher et de ne pas utiliser la famille pour ce genre de choses. Elle ne s’inquiète pas de me voir boire en étant mineure car elle sait que je ne dépasse jamais mes limites. Mon père m’a trop bien inculqué que je devais toujours rester maîtresse de la situation. Par contre, personne ne m’a demandé de ne pas passer par Lily pour nous fournir un minimum de boissons avec des bulles. J’aime tordre légèrement mes engagements et jouer sur les mots.
Lily-rose vient de s’engouffrer dans sa chambre et en ressort les bras chargés de bouteilles de bière. Je ricane en lui en prenant une pour la soulager.

— On devrait aussi acheter de quoi manger correctement.

La voix de la raison vient de Jimmy. Nous rions ensemble de ce constat, il va devoir nous tempérer cette année, le pauvre.

— Trinquons à ces bonnes paroles !

Nos verres s’entrechoquent joyeusement.

— Vous avez déjà vu notre dernier coloc ?

— Pas du tout, soupire Jimmy en terminant le paquet de chips, j’espère que ce sera quelqu’un comme vous.

— Comme nous ?

— Gentilles.

— Attends de me voir demain matin, ne me croise pas avant ma première tasse de café, tu regretterais notre rencontre.

Je le taquine avec une grimace imitant ma tête des mauvais jours. Il devient aussi rouge qu’une tomate et se met à bégayer. Nous le chambrons gentiment quand soudain la porte d’entrée s’ouvre en grand.
Je reconnais immédiatement le canon que j’ai bousculé plus tôt. Suis-je chanceuse au point qu’il vive sous le même toit que moi ?

—  Salut, je suis Lily-Rose, me devance ma colocataire, un sourire coquin aux lèvres.

Et son quaterback alors ?

— Falco, articule-t-il, presque sans bouger ses lèvres.

Je rigolais tout à l’heure en prétendant qu’il pourrait bosser pour mon père, mais là, il fait aussi froid dans le dos que certains de ses hommes. Ses yeux se portent partout dans la pièce. Je n’en distingue pas la nuance d’où je suis. Il occupe tout l’espace de l’encadrement de la porte tant il est baraqué. Est-ce qu’il y a une section muscu’ à Princeton dont je n’aurais pas entendu parler ? J’humecte mes lèvres avant de me présenter à mon tour.

— Salut, moi, c’est Irina.

Il hoche la tête dans ma direction. Rien de plus. Je crois comprendre son problème. Qu’on est bêtes !

— Tu ne parles pas notre langue, c’est ça ?

—  Il a compris ce que je lui ai dit, me signale Lily-Rose comme si j’étais demeurée.

— Peut-être qu’il comprend ce qu’on dit, mais qu’il ne sait pas la parler, m’agacé-je de son ton condescendant.
Elle me cherche ou je rêve ?

— On se calme, intervient Falco. Pas de barrière de la langue. Je ne suis juste pas très bavard.

Son accent que je devine du sud est comme une caresse sur ma peau. C’est chantant et attirant.

— Tu viens d’où ? lui demandé-je, curieuse.

— On va peut-être le laisser entrer avant de le passer au grill ? suggère Lily-Rose en passant son bras sous le sien pour l’inviter dans le salon.

Pour mon plus grand plaisir, il se défait de son accolade en un rien de temps, sans être brusque pour autant.

— J’ai des origines italiennes, se décide-t-il à répondre après un temps infini.

— Est-ce qu’on ne profiterait pas d’être tous présents pour discuter des règles de notre colocation tout de suite ? Je suis assez possessive avec ma nourriture. Donc lorsque vous verrez mon prénom écrit sur un paquet ou une boîte hermétique, vous n’y touchez pas, nous avertit Lily-Rose.

Quelle radine, celle-là !

— En ce qui me concerne, je vous conseille de ne pas m’adresser la parole tant que je n’ai pas eu ma dose de caféine nécessaire le matin et de ne surtout pas me réveiller quand je n’aurai pas cours.

— Jimmy ? insiste ma coloc voyant qu’il ne se décide pas à parler.

— Juste, ne touchez pas aux câbles de mes ordinateurs. Jamais.

— Logique, lui réponds-je. Et toi, Falco ?

Le géant cligne des yeux en les braquant dans les miens. Un frisson remonte le long de mon échine. Si j’en crois le léger rictus qui soulève le coin de sa lèvre, il n’a rien loupé de l’effet qu’il me procure.

— Personne n’entre dans ma chambre. Sous aucun prétexte.

— Ça me rend curieuse, minaude Lily-Rose d’une voix mielleuse.

Elle pense vraiment qu’il joue, mais mon instinct me crie qu’il est tout ce qu’il y a de plus sérieux. Son physique impressionnant et l’intensité de son aura devraient lui mettre la puce à l’oreille. Ce mec est baraqué et si j’en crois ses phalanges rougies et gonflées, il n’a pas peur des conséquences d’une bagarre sur le campus. Dès le premier jour, il risque des sanctions et n'a pas l’air d’en avoir quelque chose à foutre. Un bad boy sexy comme je les aime.

— Je te déconseille de transgresser la seule règle que je fixe, gronde-t-il d’une voix sévère.

— Sinon quoi ? réplique–t-elle, vexée et pour masquer la légère peur qu’il lui a inspirée.

Falco semble peser ses mots avant de lui répondre :

— Je mangerai tout ce qui t’appartient dans les placards.

Une pointe d’humour ? Surprenant. Et j’aime être prise aux dépourvus.

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