Chapitre 16 - Falco
9 septembre.
La porte claque si fort que les murs de l'appartement tremblent. Irina est une bombe à retardement. Je savais que j’aurais dû la recadrer dès qu’elle a commencé à flirter, mais j’avoue y avoir pris goût. Et sans même l’avoir senti venir, son charme a opéré. Ses sourires m'amusaient, ses allusions me titillaient et ses légers rapprochements physiques me chauffaient. Je n’avais pas envie de m’en priver. Et j’en subis les conséquences maintenant. Ce n’est qu’au prix d’un gros effort que je suis parvenu à tourner les talons. Je me voyais déjà entrer sous la douche avec elle pour terminer ce qu’elle avait commencé en solitaire, rien que pour mon plaisir des yeux. Mon cerveau a su in extremis prendre le dessus sur l’envie urgente qu’elle a fait naître en moi.
J’attrape mon blouson et mon arme avant de quitter les lieux. Irina serait bien capable de sortir à poil de la salle de bains et de s’allonger sur mon lit pour tester une dernière fois ma volonté. Et je crois que dans cette situation, je ne répondrais plus de rien.
Une fois dehors, je hèle un taxi et lui indique l’adresse de l’immeuble squatté par le cartel mexicain. J’espère pour Irina qu’elle va rester à l’appart’ parce que si je dois changer de programme par sa faute, je vais péter un plomb. Ce qui n’est jamais de bon augure avec moi.
Mon téléphone se met à vibrer alors que j’effectue un exercice de respiration, inculqué par Valentina, pour me calmer les nerfs.
— Quoi ? grogné-je à mon interlocuteur.
— C’est comme ça que tu accueilles ta cheffe de clan ? me taquine Francesca.
— Future cheffe de clan, à moins que tu m’appelles parce qu’il y a un problème avec papa, ce qui est impossible parce que tu ne me ferais pas chier avec tes conneries dans ce cas.
— Oulah, mais qu’est-ce qui t’arrives ? C’est l’air du New Jersey qui rend encore plus irascible qu’avant ? Je n’aurais pas cru ça possible.
— Tu me passais un coup de fil juste pour le plaisir de me faire chier ou tu avais quelque chose à me dire ?
— C’est à propos de la note à ton devoir.
— Vois ça avec ton mari, c’est lui le responsable.
— Justement, il a fait appel à une major de promotion. Impossible qu’elle se soit foirée.
— Pourtant, le B- sur ma copie prétend le contraire.
— Est-ce que le prof’ a mis des remarques pour justifier sa note ?
— Faudrait que je vérifie.
— Tu peux le faire maintenant ?
— Non, je suis sorti.
— Irina est en vadrouille ?
— Non, soufflé-je en repensant aux derniers événements.
— Y’a un problème dont tu voudrais me parler ? me demande ma sœur aînée, devinant que je cache quelque chose.
J’hésite à lui faire part des agissements de celle que je dois surveiller et protéger. Après tout, c’est une nana. Elle saura peut-être me donner un conseil avisé pour éconduire Irina sans trop la vexer.
— Elle me drague.
— Qui ça ?
— Irina, précisé-je agacé d’avoir à le faire.
Je l’entends émettre une sorte de grincement dans le combiné.
— Surtout tu ne fais rien.
— Sans déconner ? Je commençais à me dire que le père Yourenev comprendrait que j’ai été contraint à une garde rapprochée.
— Pourquoi ça te met autant en pétard ?
C’est une bonne question ça… à laquelle Francesca répond avant que je ne puisse le faire moi-même.
— Putain, Falco ! Elle te plaît, c’est ça ?
— Excuse-moi, mais Irina n’est pas particulièrement repoussante.
— Peu importe ! Tu ne poses pas un doigt sur elle, c’est bien compris ?
— Comme Alessandro avec toi ?
— Ça n'a rien à voir ! s’insurge-t-elle immédiatement.
— Pourquoi ça ?
— Parce qu’on fait partie du même clan pour commencer.
— Papa et maman sont amis avec ses parents.
— Y’a pas d’amitié qui vaille dans notre milieu. Son père t’a interdit de la toucher, tu t’y tiens. Point ! Tu as conscience des risques si tu le mets en colère ? J’ai entendu parler de la réputation des russes et crois-moi, on n’a pas envie d’avoir affaire à eux.
— Le problème, c’est qu’Irina n’a aucune conscience des enjeux. Pour elle, je suis son coloc’ et elle ne voit aucune entrave à un flirt entre nous. Comment je gère ses avances ?
Ma soeur garde le silence quelques instants pour réfléchir, avant de reprendre :
— T’es sûr qu’elle ne sait pas qui tu es ?
— Impossible. Elle est trop impulsive, elle m’aurait déjà castré dans la nuit.
— J’sais pas… Peut-être qu’elle a des doutes alors et que c’est pour ça qu’elle essaie de te séduire. Elle te teste pour voir si tu es à la botte de son père.
— Génial ! Donc si je ne réponds pas à ses avances, je bousille ma couverture et son père me fera la peau, et si j’y succombe, son père me fera la peau pour avoir touché à sa petite fille chérie. Dans tous les cas, j’suis baisé.
— Qui aurait cru que cette mission serait si intéressante ? rigole franchement Francesca.
— C’est ça, fous-toi de moi !
— Tu trouveras une solution, j’en suis certain.
— Pour l’instant, je vais aller casser quelques dents pour me calmer les nerfs.
— J’en conclus que tu es parvenu à t’infiltrer chez les mexicains.
— C’est sur la bonne voie.
— Parfait.
— J’arrive justement à l’endroit où ont lieu les combats. Je te laisse.
— Envoie-moi ta copie avec les remarques du prof ! me rappelle-t-elle avant de raccrocher.
Cette fois-ci, les deux gamins à l’entrée de l’immeuble me laissent entrer sans broncher. Je ne perds pas de temps et dévale l’escalier menant au sous-sol. Felipe me repère dès la dernière marche. Il semble ravi de mon apparition inattendue si j’en crois son grand sourire.
— Yo mec ! Ça fait plaisir de te voir.
Je lui réponds par un croassement renfrogné.
— C’est une visite de courtoisie ou tu viens te faire un peu de fric ?
— Seconde option.
— J’aime cette réponse ! se réjouit-il.
Dès la fin du combat en cours, il m’annonce. J’enchaîne les rounds les uns derrière les autres. Mes phalanges sont en sang, mes mains écorchées. J’encaisse quelques coups, ce qui ne fait qu’accroître ma soif de violence. Je me déchaîne, laissant libre court à ma part d’ombre. Je la tiens en sourdine depuis l’annonce de cette fichue mission qui part en vrille. Mon quatrième adversaire s’étale sur le sol, inconscient. Felipe lève à nouveau mon bras en l’air sous les cris des spectateurs. Je peine à reprendre mon souffle tandis que j’essuie la sueur qui perle sur mon front.
— Mec, je crois que c’est la dernière fois que tu te donnais en spectacle dans cette cave miteuse, me lance Felipe alors qu’il me file une liasse de billets.
— Pourquoi ? feinté-je l’étonnement alors que c’est tout ce que j’espérais entendre.
— Parce qu’avec ce que tu as fait ce soir, tu auras forcément attiré l’attention de notre chef.
— Et ? C’est positif ou négatif ?
Il faut absolument qu’il me croit largué sur leurs systèmes de fonctionnement. L’étudiant lambda qui n’a aucune idée de ce dans quoi il met les pieds.
— Je prédis de grandes choses pour toi, mon pote !
Il s’apprête à enrouler son bras autour de mes épaules, mais mon regard assassin lui rappelle que je ne suis pas tactile. Il lève les bras en l’air, penaud, avant d’éclater de rire.
— Je crois que quelqu’un t’attend là-bas, me dit-il avant de retourner au milieu de la foule pour lancer la prochaine rencontre.
La même nana que l’autre jour est effectivement là, à m’observer, le regard charmeur. Je ramasse ma veste, abandonnée sur une chaise et passe à côté d’elle.
— Pas ce soir, ma douce, désolé.
Malgré mon défoulement, j’ai une autre femme en tête et tu ne lui arrives pas à la cheville. Et je suis le premier à le regretter.
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