Chapitre 11 - Irina

27 Août

Mon sac Balenciaga vole à travers l’entrée et atterrit sur le canapé, pendant que je me déchausse en claquant la porte derrière moi. J’abandonne mes sneakers et avance en chaussettes dans l’appartement. Cette première journée de cours a été intense et pleine de nouvelles rencontres.

Mon emploi du temps n’est pas trop chargé, j’ai beaucoup de temps libre qui doit me permettre de travailler à la bibliothèque ou ici pour mes recherches et mes lectures. J’ai de la chance d’avoir quatre jours de la semaine où les cours débutent à dix heures. Je pourrais donc en profiter pour dormir autant que je veux. Je n’y peux rien, je suis un oiseau de nuit. Le milieu dans lequel j’ai été élevée est principalement nocturne. Bien que maman ait insisté pour que je ne sois pas trop en contact avec le club de papa, j’ai toujours réussi à contourner ses règles. J’adore l’ambiance effrénée des salles de jeux ou celle plus excitante des stripteases. La musique, la sensualité et les regards tournés vers moi. Faire la fête, rire, danser et ne dormir que quelques heures. 
Bien entendu, le réveil est plus compliqué. Pour mes études, j’ai pris la décision de ne pas exagérer. Ce sont mes bonnes résolutions d’étudiante de première année. Bosser et étudier sans pour autant ne pas profiter de la vie.

Je les mets donc en application dès aujourd’hui en restant à l'appartement au lieu de participer à la soirée de bienvenue de la fraternité du quaterback de Lily-Rose. Il y aura bien d’autres occasions de faire connaissance avec les beaux mecs de la fac.
Je m'écroule sur mon lit après une douche chaude. Ma peau rougie absorbe le frais des draps et je soupire de bien-être. Comme c’est agréable de ne pas avoir à prévenir de mes déplacements ni de devoir écouter le laïus de Youri sur mes relations. Personne à mes basques pour jouer les gardes du corps. Je me sens libre bien qu’avec un sentiment de manque. Il me faudra encore quelques jours pour m’habituer à ne pas dépendre des hommes de mon père. Ce qui me fait penser à ma promesse de joindre régulièrement ma mère pour donner des nouvelles.

— Hey bonjour maman, je chantonne quand elle décroche.

— Irina, mon choux à la crème !

— Maman ! Arrête avec tes surnoms horribles, je t’ai déjà dit que c'était gênant.

— Mais c’est le but, mon canard.

Je lève les yeux au ciel en souriant. Ses taquineries sont une des choses qui me manqueront pendant mon absence pour mes études. Elle n’est pas très démonstrative dans ses sentiments, mais prouve qu’elle tient à moi en trouvant toujours le moyen de me remonter le moral avec ses piques amusantes.

— Comment vas-tu ? Bien installée ? Tes colocataires sont sympas ? Les cours se sont bien passés pour cette première journée ?

— Oulalà ! Que de questions ! J’ai adoré ma première journée, c’était intense et tellement stimulant.

— Tu ne téléphones que maintenant, j’ai droit à me renseigner, non ? Tu remarqueras que je ne t’ai pas harcelée. À part un petit message hier auquel tu as répondu trois heures plus tard.

— Je dormais, j’avoue en me redressant sur mes coussins.

— Tu as fait la grasse matinée tout ton dimanche, c’est ça ? La nuit a été longue je suppose.

— Tu as raison, j’ai fêté mon arrivée avec mes colocataires. Et oui, ils sont sympas, mais…

— Mais ? Toi, tu as un truc à me dire. Un problème ?

— Et bien, je me demandais si tu es certaine que papa a tenu parole ?

— Que veux-tu insinuer ? À quel propos ?

— Allez, tu le connais trop bien, maman. Est-ce que papa n’aurait pas trouvé un moyen de se défiler et de me trouver un mec qui passerait son temps à me suivre pour me surveiller ?

— J’ai insisté auprès de lui et il m’a juré qu’aucun de ses hommes ne te suivraient à l’université.

Un silence se fait et je ne le coupe pas. Ma mère est en train de réfléchir, j’entends presque les rouages de son esprit tourner au travers de la ligne téléphonique.
— Il y a quelque chose qui cloche en effet, reprend-elle.

— Comme quoi ?

— Tu es comme lui, tu tiens ton caractère et ton habileté à contourner les promesses.

— Maman ! Je ne suis pas malhonnête ! je m’écrie blessée par ses paroles.

Elle m’a éduquée avec des valeurs malgré le milieu dans lequel nous vivons.

— Bien sûr que non, mais tu as le chic pour jouer sur les mots et manipuler les phrases dans ton sens. Et tu as appris du meilleur. Anton Yourenev réussit toujours à avoir ce qu’il veut.

— Et donc ?

— Donc, sa promesse tenait à ce qu’aucun de ses hommes ne te suivent, mais il a des alliés. Il a pu faire jouer ses relations.

Je me mordille le pouce en réfléchissant. Son raisonnement tient la route, papa est machiavélique quand il est motivé. C’est bien ma chance que le seul mec qui me fait vibrer ici a un physique et les manières d’un homme de main. Il est trop sérieux, trop froid et ses yeux ont déjà vu, j’en suis certaine, beaucoup de violence.

— Je vais faire mon enquête, me propose ma mère dans un soupir.

— De façon discrète, mais ne t’embrouille pas avec papa, s’il te plaît. Je n’ai aucune certitude de ce que j’avance.

— Tes intuitions sont souvent les bonnes.

— Merci, je tiens de toi pour elles.
Nous parlons encore pendant quelques minutes, puis je raccroche en lui promettant de l’appeler plus souvent.

Un bruit sourd et un gémissement m’attirent vers la pièce principale. Je m’arrête face au spectacle qui se déroule devant mes yeux. Je me mords l’intérieur de la joue pour ne pas rire, ne voulant pas le vexer. Jimmy est affalé dans un désordre de bras et de jambes sur le pas de la porte. Il est emmêlé avec son sac de cours, des fournitures informatiques et mes chaussures. Aie, il est tombé par ma faute.

— Ça va, tu n’as pas mal ? je lui demande en me précipitant à ses côtés.

Je l’aide à se relever en agrippant ses bras. Dans un effort, je resserre les doigts et Jimmy grimace tout en se tendant.

— Pardon, je suis parfois un peu trop énergique.

— Non, non, ce n'est pas toi, murmure-t-il la tête basse. J’ai des bleus sur les bras.

Pendant qu’il ramasse ses affaires, je pousse mes basquettes hors du chemin. Autant ne pas piéger les deux autres coloc’s qui doivent revenir.

— Oh ! Tu t’es cogné quand ?

Il marmonne si bas que je ne peux que distinguer le prénom de Falco.

— Quoi ? Falco t’a frappé ?

Une boule se forme dans mon ventre. La colère se mêle à l’incompréhension. Le mec ne semblait pas être quelqu’un qui s’en prend à plus faible que lui.

— Oh non, c’est le contraire !

Son visage, embarrassé par sa chute dans l’entrée de l’appartement, s'éclaire de joie et d’adoration.

— Explique-toi, je ne comprends rien à ton histoire, je ricane en lui servant un verre pour le détendre.

Youri dirait que c’est une façon de détourner l’attention pour collecter des informations sans verser le sang. J’ai une pointe de nostalgie pour ses conseils de vie bancals.

— Samedi, pendant que tu dansais avec Lily-Rose, j’ai voulu rentrer dormir. Des mecs avec qui on avait eu des mots dans la boîte m'ont attaqué dans la rue et allaient me passer à tabac.

Je commence à avoir une vision nette de la scène. Jimmy est au mieux un type pâle et gringalet. Il est plus cérébral que physique, certainement pas doué pour se battre ou juste se défendre. Ce mec n’avait aucune chance contre un adversaire, encore moins plusieurs.

— Au moment où j’allais être frappé, Falco est venu m’aider et à fait fuir ces quatre types. Le chef est reparti à genoux.

Le regard du geek est rempli d’étoiles. L’italien a gagné un fan inconditionnel. Jimmy va vénérer chaque paroles du type. Mes soupçons reviennent en force. Falco va devoir être convaincant s’il a été missionné par mon père. Un plan se dessine dans mon esprit pour découvrir la vérité sur sa présence à Princeton et sur son choix plus que bizarre de suivre des cours sur l’art.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top