Chapitre 1.1
« Conformément, à ce que j'avais annoncé, nous avons enfin mis au point la première chimère. La créature ne ressemble à aucune autre espèce répertoriée à ce jour, pourtant quelques fragments de la chose nous donnent à dire qu'il s'agirait d'un spécimen hors du commun. Elle présente tout de même de nombreuses anomalies génétiques que nous ne comprenons pas. Hier à 21h56, deux protubérances ont émergé de ses omoplates. Après analyse il s'agirait d'humérus. »
Enregistrement du Professeur Edward Stones - dossier numéro I - date inconnue
17 septembre 2043.
Ophira avait eu du mal à se réveiller. Sa nuit n'avait pas été longue et avait été écourtée par un appel de son chef. Les yeux rougis par un manque de sommeil important, la jeune femme ne put s'empêcher de les frotter énergiquement, tout en bâillant plusieurs fois. Elle déposa ensuite son regard émeraude sur l'horloge de son bureau. Il n'était que 4h30 du matin, mais la section Dracologique d'Interpol avait besoin d'elle. Elle n'attendait qu'une chose, qu'elle identifie : le dragon qui avait commis l'irréparable. Forte de son Doctorat en Cryptozoologie et Dracologie, Ophira avait très vite trouvé une place au sein d'Interpol et y travaillait maintenant depuis cinq ans. La cohabition entre humain et dragon n'avait jamais été simple, et parfois des accidents arrivaient.
Ophira entreprit d'étirer ses muscles engourdis, elle n'avait dormi qu'une heure tout au plus, trop occupée à examiner les ossements d'un spécimen tout à fait remarquable, découvert dans une rivière de l'est de la Chine. Elle adorait son métier et particulièrement la recherche liée à la découverte de nouvelles espèces.
Elle souffla, elle n'arrivait pas à se remettre totalement de cette nuit.
Finalement, la jeune dracologue se dirigea vers la salle de bain espérant qu'une douche la réveillerait un peu plus. Elle ôta son pyjama qu'elle laissa choir sur le tapis rouge et s'observa dans le miroir au-dessus du lavabo. Des cernes violacés ornaient ses beaux yeux verts et ses taches de rousseur étaient presque devenues indiscernables à cause de sa pâleur. Elle comprenait mieux pourquoi aucun homme ne s'intéressait à elle depuis quelques années. Elle repousserait même le plus hardi des hommes.
Ophira finit par sortir de la salle de bain une demi-heure plus tard, vêtue d'habits simples et décontractés pour sa mission du jour. Valise en main, elle sortit de chez elle prenant soin de ne rien oublier et de refermer la porte à clef.
Il faisait encore bon dehors alors que l'automne approchait. Une légère brise fit voltiger quelques mèches de sa crinière écarlate, qu'elle replaça d'un geste précis avant de se diriger vers un pré où reposait un lac d'eau cristalline. Tel le paysage d'un conte de fées, ce lieu était magnifique. Les quelques rayons de la Lune se reflétaient sur la surface de l'eau rendant l'atmosphère des plus agréables et le bruit des feuilles remuant au grès des vents, étaient un son mélodieux aux oreilles d'Ophira. Quelques lucioles parsemaient l'air et venaient parfaire ce spectacle d'une pure beauté, que la jeune femme contemplait avec émotion.
Les rugissements de trois créatures finirent par la sortir de sa transe. Un sourire naquit sur son doux visage dévoilant de jolies dents. Ils étaient venus l'accueillir, elle qui avait toujours été là pour eux. Même si elle en avait l'habitude depuis sa plus tendre enfance, elle n'arrivait jamais à détourner le regard face à l'atterrissage de ces splendides spécimens qu'elle gardait auprès d'elle pour diverses raisons. Trois êtres inimaginables, s'étaient posés auprès de la jeune femme qui les observait de ses grands yeux pétillants.
Le plus fou des trois, sautillait de droite à gauche bousculant de temps en temps son compagnon, qui avait l'air d'être exténué par un tel comportement. Il s'agissait d'un Diamantin de petite taille, huit mètres d'envergure environ. Son corps couvert de pierres proche du diamant resplendissait de mille feux sous l'astre céleste, ce qui ressemblait étrangement à une boule à facette.
Ophira souriait, même s'il était âgé de cent douze ans - ce qui était relativement jeune pour cette espèce qui pouvait aisément vivre un peu plus de neuf cent ans - il était encore un enfant dans sa tête et les autres dragons faisaient en sorte de l'éduquer chaque jour, même si cela s'avérait parfois très compliqué. Elle dut tout de même le calmer, afin d'éviter d'énerver davantage l'un des dragons.
Non loin de lui se trouvait un Midgard, Dragon des Pôles qui appréciait difficilement le climat, ce qui irritait deux fois plus l'énorme lézard. Pour y remédier, il s'ébouriffa légèrement, décollant quelques morceaux de glace de son patagium que son corps générait. Il pouvait ainsi s'allonger dessus et réguler sa température en attendant qu'Ophira s'occupe de ce jeune avorton.
À la gauche de la jeune femme ronronnait un magnifique spécimen de Dragon-étincelle, qu'on accusait souvent comme responsable des coupures de courant. Ce petit filou se postait fréquemment au niveau des centrales électriques et utilisait ses ailes noires électrifiées, pour engloutir une quantité phénoménale d'énergie.
Curieux, il reniflait la valise de la jeune femme et entreprit de la faire valser dans tous les sens, pensant sans doute qu'il s'agissait d'une créature dévorant les vêtements de sa jeune amie. La pauvre valise fut sauvée in-extrémis d'un jet de flammes par une Ophira très en colère, qui en profita pour expliquer à celui-ci, qu'il s'agissait d'un objet pour transporter ses effets personnels.
La jeune femme souffla, ses dragons lui en faisaient voir de toutes les couleurs, mais elle les aimait. Chacun d'entre eux avait été recueilli par la jeune femme, alors qu'ils allaient finir euthanasiés par la police humaine pour divers motifs. Sans raison apparente, elle les saisit l'un après l'autre dans ses frêles bras, espérant leur montrer les sentiments qui l'animait en ce moment même. Ces êtres cracheurs de flammes ou de glaces, gigantesques et effrayants devinrent de véritables boules d'écailles remplis d'amours et ils n'hésitèrent pas à montrer à leur amie leur reconnaissance.
Émotive, Ophira effaça une perle humide égarée sur sa peau laiteuse, avant de repartir vers un bâtiment de bois, laissant ses dragons s'amuser entre eux. Elle les chérissait d'un amour profond...
L'intérieur du bâtiment était vétuste. Fait de bois, de corde et de quelques clous, elle ne savait pas encore comment cette monstruosité tenait encore debout. Elle en était sûre, dans peu de temps l'endroit ne serait qu'un tas de ruines, envahi par les rats et autres bestioles en tout genre. Voilà pourquoi, un peu plus loin de cette ancienne ferme, elle faisait construire un lieu où ses dragons pourraient se sentir mieux. Cependant, elle ne comprenait pas l'être qui aimait venir s'y nicher. Le lieu n'était plus habitable depuis des lustres, mais lui, continuait d'y venir.
La jeune femme appuya sur l'interrupteur, et dut attendre quelques secondes que l'ampoule veuille bien s'allumer, éclairant l'endroit d'une lumière tamisée. Elle sursauta lorsqu'un rat apparut dans son champ de vision, et réprima un frisson. Ces créatures la répugnaient depuis que l'un d'entre eux, avait mangé les restes de son chien. Elle plaça ses mains autour de son buste et s'empressa de retrouver celui qu'elle était venue chercher.
Ophira remarqua une immense masse noire dans le fond du bâtiment, reposant sur le foin qu'il plaçait de temps à autre ici. La jeune femme s'approcha de cette chose informe, elle savait qu'il s'agissait de lui, elle n'en avait aucun doute, elle le sentait au fond elle. Force et respect s'imposaient à elle à chaque fois qu'elle lui faisait face. La masse inspira profondément, avant d'ouvrir un œil puis l'autre, il ne bougea pas d'un poil - ou plutôt d'une écaille - attendant que l'humaine fasse ce qu'elle avait à faire.
- Antanáklasi lève-toi s'il te plaît, grommela-t-elle à l'intention du Dragon-Miroir.
Le Dragon détourna le regard et émit un petit bruit pour signaler son mécontentement. Il n'allait pas lui obéir aussi facilement.
- Ça fait une semaine que tu boudes Antanáklasi, je me suis même agenouillée devant toi pour me faire pardonner, alors par tous les dieux, arrête de faire l'enfant.
Le lézard volant resta indifférent à ses paroles, il lui en voulait toujours. Pourtant, ce n'était pas totalement de la faute de la jeune fille qui n'avait pas su, comment défendre les intérêts du dragon devant le conseil de discipline draconique.
Antanáklasi était une véritable terreur nocturne et sa dernière sortie, n'avait pas plu aux fermiers des alentours. Il s'était amusé à ravager plusieurs hectares de plantation agricole, dans le seul but de dénicher la proie qu'il convoitait le plus, un chevreuil. Par la suite, le lézard volant se vit condamné à manger exclusivement des pousses de soja, jusqu'à ce qu'il se décide à venir en aide aux fermiers. Ce qu'il fit après deux semaines, mais têtu comme il était, il ne pardonna pas à Ophira le fait qu'elle ne l'ait pas défendu lors du procès.
- Antanáklasi, souffla-t-elle exaspérée par ce lézard géant. Je te l'ai déjà dit, je ne pouvais rien faire pour toi. Tu avais ravagé les plantations de ces fermiers, alors que je t'avais prévenu que tu finirais par avoir des problèmes.
Le dragon grogna. Il n'aimait absolument pas qu'on lui dicte ce qu'il devait faire ou non, cela l'agaçait. Après tout, il était un dragon fier et puissant, il voulait faire ce qu'il souhaitait sans qu'on le lui reproche. Ophira comprenait le dragon, il voulait être libre, mais des lois avaient été votées et elle ne pouvait pas aller à l'encontre d'elles, juste parce qu'il l'avait décidé.
- Réfléchis un peu, tenta-t-elle. Si tu m'aides dans cette affaire, je pourrais envisager d'aller voir ces deux idiots de frères Gudane et de leur demander de te laisser chasser sur leur terre. À condition bien sûr que tu ne détruises pas tout à ta guise, finit-elle en se mordant la langue. Elle allait devoir sortir une sacrée somme d'argent pour pouvoir les acheter, mais elle avait beaucoup plus besoin de son Dragon.
Antanáklasi regarda la jeune fille dans les yeux. Disait-elle cela, seulement dans le but de le convaincre ou allait-elle réellement lui offrir ces terres tant convoitées. Il jugea à son expression qu'elle ne mentait pas et qu'il pouvait lui faire confiance.
De ses puissants muscles, il se releva et heurta une poutre qui était pourtant située à six mètres de haut. Il émit un petit gémissement de contrariété et Ophira souffla de désespoir. La jeune femme faisait construire un bâtiment à la hauteur de ses protégés, mais Antanáklasi restait sur ses positions et ne voulait pas quitter ces lieux. Le monde ne tournait pas rond avec lui.
La jeune dracologue s'en alla chercher une selle confectionnée sur-mesure par son amie Eléonore. L'objet était fait de cuir souple, et était d'une couleur proche de celle de l'améthyste.
Elle sortit dehors, suivie du dragon qui a chaque pas, soulevé une quantité incroyable de poussière.
Antanáklasi rugit en voyant ses camarades dehors, espérant avoir un peu de respect à son passage. Seul le plus jeune ne comprit pas cela et vint l'importuner en le bousculant et en lui mordillant la queue. Déjà de mauvais poils, Antanáklasi ne se fit pas prier pour remettre à sa place ce dragonau de bas étage. Le Diamantin gémit et galopa se réfugier derrière les deux autres dragons, la tête basse et sa queue écailleuses entre ses pattes. Il comprenait enfin qu'il avait été un peu trop loin et avait manqué de respect face à un aîné.
Le Dragon-Miroir se baissa de tout son long sur l'herbe du pré et la jeune femme put facilement déposer la selle sur son dos et s'y installer. Ophira était excitée quand il s'agissait de monter à dos de dragon. C'était une sensation unique que peu de personnes pouvaient décrire, car très peu de dragons acceptaient cela. Antanáklasi en était l'exception.
Elle pouvait enfin s'envoler pour les forêts de Longuenée, à l'Ouest de sa position initiale.
Le puissant lézard déploya ses ailes translucides et dans un grand mouvement, sous le regard des trois autres dragons, il se propulsa dans les cieux, soulevant un immense nuage de poussière. Le temps que le rideau de myriade se dissipe, le dragon n'était déjà plus qu'une tâche dans l'empyrée.
Fouetté par le vent, son doux visage se crispait à chaque bourrasque dû à la vitesse à laquelle le Dragon volait. S'ils se faisaient surprendre par la Police de l'air, tous deux seraient sans doute arrêter pour excès de vitesse, mais Antanáklasi était doté d'une capacité unique à son espèce. Doué d'écailles métamorphes, il pouvait à sa guise les manipuler pour leur donner la forme qu'il voulait. Pour l'occasion, il avait opté pour un camouflage, teintant ses écailles de noir. Il représentait, ainsi le ciel nocturne qui n'abhorrait aucune étoile.
Antanáklasi battu des ailes avec ardeur, il ne voulait pas perdre une seule minute. Son dîner l'attendait.
Voici la représentation que je me fais, la plus proche du Midgard :D
Ce dessin a été fait par Elena María Vacas
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