Chapitre 45 : Querelle
Bonne lecture <3
TW : idem
Xuoha Jun ne fit pas le poids.
Toutes les techniques qu'il avait apprises ne suffirent pas à arrêter le démon assoiffé de vengeance, assoiffé de son âme. Déjà lorsque le cadet était humain, son aîné ne pouvait pas le vaincre. Désormais, il n'avait aucune chance.
Moha Yin et son père élevèrent plusieurs barrières, tentèrent d'attaquer le démon irradiant d'énergie, en vain. Xuoha Lan ne se préoccupait que de son frère et son désir de le tuer surpassait toute autre détermination.
Les autres exorcistes s'étaient avancés pour les aider, mais la meute de démons-loups les fit battre en retraite, parvenant même à en blesser plusieurs sévèrement. Les crocs claquaient, les lames brillaient, le sang giclait. Parfois, il était rouge et ferreux ; parfois, il était noir et nauséabond.
Xuoha Lan, lui, n'y prêtait aucune attention. Ses yeux écarlates, luisants, restaient rivés à ceux de son frère terrifié. La peur suintait par tous ses pores, dégageant une odeur acide qui faisait frémir les narines du démon, lequel laissait son énergie crépiter et s'agiter sans aucune retenue. Xuoha Jun esquivait, encore et encore, le souffle court, couvert de sueur, les doigts glissants sur la garde de son épée.
Il la leva soudain pour parer et la paume de Xuoha Lan vint s'y écraser. Le choc libéra une vague d'énergie sanglante qui se rua dans toute la cour, traversant les loups comme s'ils n'étaient qu'illusions, mais percutant les humains de plein fouet.
Les deux Moha furent touchés également, et même si Moha Yin eut le temps d'ériger une protection dérisoire, elle fut soufflée. Son père heurta une colonne avec un craquement brutal, et elle fut envoyée contre l'autel. Son dos le percuta avec violence et tout l'air fut chassé de ses poumons, la laissant au sol, recroquevillée, hoquetant pour respirer à nouveau. Ses yeux se remplirent de larmes, et lorsqu'elle releva le visage, ce fut ce qui lui épargna la vision cauchemardesque de la mort de son mari.
Au moment où la vague d'énergie l'avait atteinte, le souffle avait emporté son voile rouge et or, qui avait flotté un instant dans les airs et à présent, retombait avec la grâce d'une plume.
Lorsque le tissu précieux toucha le sol, l'âme de Xuoha Jun fut aspirée par Xuoha Lan.
Moha Yin avait la vue brouillée, mais elle clignait des paupières frénétiquement, cherchant à voir le visage de l'homme à qui elle venait à peine de se lier. Ce fut peine perdue.
Lorsqu'elle recouvrit une acuité suffisante, il était trop tard. Le corps s'affaissa au sol, la peau couverte de craquelures, grise, Xuoha Jun était méconnaissable.
— Non ! hoqueta-t-elle.
Ses poings se serrèrent, elle attrapa son épée qui lui avait sauté des mains. Prenant appui sur l'autel encore décoré pour la cérémonie, désormais couvert de griffures et de coups, elle se releva et inspira en observant les alentours. Son cœur battait avec violence dans sa poitrine, ses oreilles bourdonnaient, mais elle essuya ses larmes et le maquillage gâché de la manche et glissa ses doigts le long de ses vêtements.
De quelques gestes tremblants, elle découpa le bas de ses robes de mariage, puis se redressa, et fit circuler son énergie dans tout son corps, prête à faire face.
Les loups, pendant ce temps, avaient soit tué, soit blessé gravement les exorcistes qui ne s'étaient pas réfugiés dans les bâtiments. Les cadavres commençaient à refroidir sur les dalles imbibées de sangs noir et rouge mêlés, l'air se saturait de l'odeur de la mort.
Xuoha Lan contempla le corps de son frère, puis celui de leur père, et porta ses doigts à sa bouche.
Il siffla, et les démons-loups bondirent par-dessus les toits, disparaissant dans les lueurs crépusculaires qui déjà coloraient le ciel de taches sanglantes. Lui resta immobile au milieu de la cour, les bottes tachées par le liquide lourd qui paraissait s'infiltrer dans la roche, la recouvrir pour toujours, comme si la pierre allait rester rouge pour l'éternité. Serait-ce même possible de lui faire retrouver sa teinte grise ?
Il leva la main, observa les quelques éraflures qu'il avait récoltées. Le coup d'épée aveugle de son géniteur lui avait percé le flanc, mais la blessure n'était pas profonde. Il lui suffirait de la bander et de la nettoyer...
Ses yeux retombèrent sur les corps des deux personnes qu'il était venu tuer. Un mélange d'émotions se débattaient dans son esprit, dans sa poitrine, le laissant là, le regard vide, perdu dans un étrange état muet et aveugle. Comme si une voix lui murmurait « et maintenant ? »...
— Xuoha Lan !
Cette voix rauque le fit sursauter. Il pensait que le combat s'était achevé...
— Moha Yin, articula-t-il d'un ton indifférent.
D'autres pourraient penser qu'il nourrissait un ressentiment envers la jeune femme. Après tout, elle avait mis fin à ses jours.
Pourtant, lui savait pourquoi elle l'avait fait, et puis, elle n'avait qu'avancé une fin qui l'attendait déjà. Exécuté dans la ravine ou devant tous les clans de Jade, quelle différence ? Il serait mort de toute manière.
La seule chose qu'il aurait pu lui reprocher aurait été de l'avoir laissé face aux démons sans protéger son âme, mais elle avait fui avec ses subordonnés pour survivre. Et s'il n'était pas devenu un démon, il n'aurait pas pu revenir et accomplir sa vengeance...
Pourquoi voudrait-il la tuer ? Ce serait inutile. Sa mort n'apaiserait pas le tourbillon qui rugissait derrière son visage impassible.
— Êtes-vous réellement satisfait ? s'écria l'exorciste. Est-ce que ça en valait la peine ?! Tuer votre famille, ainsi que des gens qui n'étaient pas impliqués dans votre petite querelle, quelle qu'elle soit ?
— Petite querelle ? répéta-t-il lentement.
Il se tourna pleinement vers la jeune femme aux robes déchirées qui se dressait devant l'autel, baignée des rayons crépusculaires, la lèvre tremblante, échevelée et égratignée. Le maquillage minutieux avait coulé sur sa peau pâle, de la poussière maculait le tissu précieux de ses vêtements de mariage dont les fils d'or reflétaient le soleil couchant.
— Petite querelle ? Vous pensez que je serais venu les tuer pour une « petite querelle » ? cracha-t-il.
Sa colère se ralluma, plus vive que les autres émotions qui se débattaient en lui.
Il fit quelques pas menaçants, jusqu'à pouvoir river son regard à celui de la mariée veuve.
— Je suis venu venger la mort d'une personne innocente. Je suis venu leur faire payer leurs crimes, siffla-t-il.
— Quel innocent ?
— Celui qu'ils m'ont accusé d'avoir tué.
— Le médecin ? Mais vous avez été pris sur le fait. C'est votre lame qui lui a transpercé le cœur.
— C'est effectivement Fendeuse de Nuit qui lui a infligé une blessure fatale...
Xuoha Lan sourit, dévoilant ses canines. Aucune joie ne remonta jusqu'à ses yeux aux paupières rougies.
— Mais je suis arrivé lorsqu'il rendait ses derniers soupirs. Je n'ai pu que le tenir dans mes bras, essayant d'arrêter l'écoulement du sang... Ils l'ont tué pour me briser, pour me faire exécuter. Je ne leur pardonnerai jamais ce crime. Ils n'avaient pas le droit de le toucher.
Moha Yin secoua la tête.
— C'est... Je refuse de vous croire. Vous l'avez tué et vous n'arrivez pas à supporter le poids de cette mort sur votre conscience. Blâmer votre famille, la tuer, ne fait que noircir votre âme.
— Mon âme était condamnée dès l'instant où vous avez abandonné mon corps, rétorqua-t-il avec un rire cynique. Si j'avais commis le crime dont on m'accuse, pourquoi revenir ici ? Pourquoi ? Si j'avais effectivement la conscience trop lourde, si le regret m'étouffait, pensez-vous que j'aurais eu la force de devenir ce démon que vous voyez ? Je les aurais laissé me dévorer. Pourquoi rester en ce monde si tout n'est que souffrance ? J'avais un désir plus fort que cette envie de disparaître, et ce désir était de venger l'innocent qu'ils ont osé toucher.
Voyant que la jeune femme s'apprêtait à répliquer, il balaya l'air d'un geste, et reprit la parole sans la laisser prononcer un seul mot.
— Si vous ne me croyez pas, je ne peux rien y faire.
— Battez-vous contre moi, ordonna soudain Moha Yin, levant son épée. Laissez-moi venger mon mari, laissez-moi vous renvoyer au néant pour payer tout ce sang que vous avez fait couler aujourd'hui. Pour payer les crimes que vous venez de commettre.
Elle se plaça en garde, et ses yeux flamboyèrent.
— Vous mentez. Vous osez salir la réputation des morts, vous osez salir celle de celui qui vous a accueilli dans sa famille alors que vous auriez dû mourir avec votre mère dans un caniveau, là où ceux au sang sali finissent. L'enfant d'une vulgaire concubine traîtresse n'aura pas pu vaincre le destin, puisque nous sommes ici à présent. Vous étiez visiblement destiné à apporter le Mal.
Xuoha Lan éclata de rire.
— Que vous souhaitiez venger les gens que j'ai tués aujourd'hui, je peux le comprendre. Mais défendre ces pourritures, oser prétendre que je suis celui qui manque de reconnaissance, oser insulter ma mère... M'insulter en se servant d'une histoire d'ascendance stupide...
Son énergie vibra soudain autour de son corps, rugissante, d'un rouge sombre et vicieux.
— Votre âme sera sûrement meilleure que la leur !
***
Un mort de plus, et une exorciste en mauvaise posture! Fallait pas insulter Lanou >.<
Il ne reste qu'un chapitre *pleure* et le premier jet sera publié entièrement !
J'espère que vous me suivrez jusqu'à demain, jusqu'à cette dernière étape... :D
Que pensez-vous qu'il va se passer ? ^^
ps : je travaille sur la réécriture, donc à mon avis, je la publierai lorsque je l'aurai peaufinée (je ne sais pas quand, ceci-dit). Il y a aura pas mal de scènes ajoutées, sûrement quelques modifications de certains chapitres... ce sera une vraie v2 ! :p
en exclu : il y a aura + de Shen, + de ShenLan, + de l'enfance de Lanou...
ça va être bien <3
La bise, à demain !
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