Chapitre 41 : Irrespect

Bonne lecture <3

Les rires éclataient dans la stoa, parvenant à couvrir le bruit de la pluie qui frappait la roche là où les toits s'arrêtaient et remontaient vers les cieux.

Lin Zhou fixait l'eau de son thé, les pensées calmes et vides. Elle attendait le départ pour la province Go, puisqu'elle y escorterait Xuoha Be et Xuoha Jun pour qu'ils assistent au procès de Xuoha Lan. Elle espérait que les familles de Jade sauraient voir la vérité : il n'aurait jamais pu tuer Maître Shen.

La vérité triompherait.

— Ah-Zhou.

Elle se tourna vers Lin Mo, qui observait quelque chose du côté de l'estrade. Ses yeux suivirent le même chemin et elle vit le chef du clan, à moitié ivre, rire à pleins poumons sur son ample fauteuil aux coussins rouges et noirs. Son fils se tenait le ventre et lui souriait, peinant à se remettre de la même hilarité.

Lin Zhou pinça les lèvres. Ils n'éprouvaient visiblement aucune tristesse à l'idée que le dernier membre de leur famille allait être jugé pour meurtre et, même si elle ne voulait pas abandonner tout espoir, mis à mort.

Lin Mo était envahi par les mêmes pensées.

— Ils rient tellement... Ils ont tant bu... murmura-t-il. Alors que...

— Je sais. Nous allons rentrer dès que la bienséance nous le permettra, soupira sa sœur en avalant une gorgée de son thé.

Le cadet joua un moment avec ses doigts, pressé de partir du banquet. Xuoha Be l'avait organisé pour célébrer le retour de mission de son héritier. Il avait éliminé un puissant démon non loin de la Vallée des Cendres, et selon les dires des exorcistes présents, il n'avait pas vraiment brillé par sa force ou son courage, puisqu'il l'avait piégé et même ainsi, avait dû utiliser toute son énergie pour parvenir à le détruire. Il en était ressorti fiévreux et épuisé, incapable de décaler les effets secondaires de ses efforts puisqu'il n'avait pas suivi le même entraînement que les disciples du clan.

Xuoha Be célébrait une victoire, mais les exorcistes du clan murmuraient déjà que leur futur chef n'était peut-être pas assez puissant pour maintenir leur position parmi les Jades. Ils risquaient de se retrouver à la sixième place, alors qu'ils occupaient à présent la seconde, notamment grâce aux exploits de Xuoha Lan.

— Chef de clan !

Un serviteur se précipita dans l'allée de la stoa, entre les tables basses et les groupes d'exorcistes qui discutaient. Tous baissèrent d'un ton et observèrent le jeune garçon qui trébuchait presque sur ses robes trempées pour arriver devant l'estrade et s'incliner avec précipitation.

— Chef de clan, nous avons des nouvelles du convoi qui est parti pour la province Go.

— Ah ? Sont-ils arrivés ?

— Ils ont été attaqués par des démons peu après être entrés dans la province Mo, expliqua le serviteur, les yeux rivés au sol.

— Des survivants ? soupira Xuoha Be en levant une flasque de vin, l'air peu intéressé.

— Oui, mais peu. Et... le jeune maître... a été tué par les démons... son âme a été dévorée...

Xuoha Be reposa le récipient rempli d'alcool sur la table avec précipitation, les yeux écarquillés. Le jeune homme s'inclina plus bas encore, surpris, avant de se crisper. Et si son chef explosait à l'entente de cette nouvelle ? Et s'il reportait sa colère sur lui ? Ou bien sa tristesse ?

Pourtant, tous purent voir que sur le visage du chef du clan, nulle colère ne se dévoilait. C'était un simple étonnement, ainsi qu'une lueur au fond de ses yeux. Il se pencha sur la table, y posant les mains dans un mouvement révélant son ivresse.

— Quoi ? Il est mort ? Vraiment ?

Xuoha Jun fixait le serviteur, impatient, les doigts crispés sur ses robes.

— Oui, ce sont les nouvelles qui... nous sont parvenues...

— Tu entends ça ?

Xuoha Be éclata de rire.

Lin Mo et Lin Zhou, eux, semblaient frappés par la foudre.

— Il est mort ! Haha ! Il n'a même pas eu droit à son jugement, quel dommage... !

Xuoha Jun, un peu plus sobre que son père, posa une main sur sa manche et lui murmura à l'oreille. Mais le plus âgé le repoussa d'un geste impatient, comme l'on chasserait une mouche.

— C'est bon, je ne dis rien de mal ! râla-t-il.

— Père, vous devriez vous retirer, vous ne savez plus ce que vous-

— Tais-toi.

La froideur dans cet ordre gela la stoa entière. Les conversations s'étaient arrêtées bien avant cette dispute, mais tous étaient témoins de la scène qui se déroulait sous leurs yeux et ne savaient qu'en penser. Xuoha Be n'avait jamais agi ainsi précédemment.

— Bois, mange, et tais-toi, ajouta-t-il. Un meurtrier est mort, notre clan a retrouvé sa pureté d'antan...

— Ce n'est pas un meurtrier.

Xuoha Be plissa les yeux, la main figée devant sa bouche. Il renonça à prendre une gorgée de son vin et vociféra.

— Qui a parlé ?

Une silhouette fière se détacha de la foule et s'arrêta derrière le servant toujours incliné devant l'estrade. Une épée au côté, d'amples robes grises et noires, de larges épaules et un regard acéré ; Lin Zhou soutint celui de Xuoha Be et répéta, d'une voix claire et puissante qui résonna clairement entre les colonnes du bâtiment.

— Xuoha Lan n'était pas un meurtrier.

Un coup de tonnerre parut souligner ses mots. L'orage dans la montagne s'intensifiait, percutant la roche de gouttes glaciales.

— Il n'a pas été jugé. Rien ne vous permet de salir ainsi son nom.

Lin Mo observait sa sœur, bouche bée. Il ne l'avait jamais vue s'imposer ainsi pour contredire leur chef. Une admiration sans borne lui gonfla la poitrine, ses paupières brûlèrent alors que son cœur battait plus fort contre ses côtes.

Il avança lui aussi, déterminé à défendre la réputation de leur ami. Ses doigts tremblaient, mais il se mordit la joue et s'arrêta à côté de sa sœur, qui ne déviait pas son regard de celui de Xuoha Be. Ce dernier paraissait s'étouffer d'indignation.

— Nous l'avons surpris sur le fait ! clama-t-il. Son arme a tué Maître Shen ! Comment osez-vous le défendre ? Êtes-vous ses complices ?

— Vous l'avez surpris avec le corps de Maître Shen dans les bras, mais personne ne peut affirmer l'avoir vu l'assassiner !

Lin Zhou avança d'un pas encore, les poings serrés. Sa voix portait ses mots aux oreilles de tous, tous entendaient la force qu'elle y insufflait.

— Il pleurait sa mort, il criait sa douleur ! Il priait pour que tout ne soit qu'un cauchemar !

Elle s'arrêta au pied de l'estrade, leva le visage pour maintenir ses yeux dans ceux de son chef. Une profonde vague de dégoût déferla en elle.

— Il a tenté de le sauver !

Son pied se posa sur la marche de marbre qui menait aux fauteuils des deux hommes. Un venin perceptible s'infiltra dans sa voix lorsqu'elle se dressa de l'autre côté de la table basse vernie et qu'elle articula, bien distinctement :

— Comment vous, osez-vous l'accuser du meurtre de la seule personne qu'il n'aurait jamais blessée ?!

Le silence qui s'abattit sur la stoa fut transpercé de coups de tonnerre bien plus forts que les précédents.

Lin Zhou se pencha, posa une main sur le bois entre deux flasques d'alcool.

— Vous avez de la chance que je ne peux pas prouver tout ce que vous avez fait, murmura-t-elle. Parce que croyez-moi ; après avoir vu vos vrais visages ce soir, si j'avais le moindre doute, il s'est envolé. Vous teniez tant à briser votre fils, à l'éloigner de ce qu'il a toujours désiré, jusqu'à tuer son amant... et l'accuser du crime...

Elle eut un sourire glacial.

— Vos âmes pourriront aux Enfers, torturées pour l'éternité, pour ce que vous avez fait.

— Comment osez-vous ?

— Ne vous fatiguez pas, ricana-t-elle.

Elle se détourna et défit sa ceinture de quelques gestes rapides, puis ôta les robes grises qui couvraient sa tunique noire et son pantalon. Elle jeta les tissus au pied de l'estrade, et s'en éloigna d'une démarche assurée, traversant la foule sans que personne ne l'arrête.

— Lin Zhou ! brailla Xuoha Be.

Son visage se déformait sous la colère, rouge et gonflé, hideux.

Lin Mo commença à défaire sa ceinture. Il imita sa sœur, puis leva le visage et surpassa la peur qui lui serrait le ventre pour parler lui aussi.

— Xuoha Lan était innocent. Aucun jugement sous les cieux n'a prouvé son crime. Si le clan Xuoha est mené par un chef qui se délecte de la mort de son enfant, et qui salit son nom sans aucun respect, alors nous le quittons.

Il prit une inspiration tremblante, lâcha ses robes grises et accourut à la suite de sa sœur.

Ils disparurent dans la tempête et ne revinrent jamais au Palais des Vents Gris.

***

J'ai déjà dit que je les aimais, eux ? 🥰

Bon, il semble que Lanou soit bel et bien mort... 😭 Mais au moins, il a toujours des amis loyaux !

On se voit demain, j'espère que ce chapitre vous a plu 🔥

Celui de demain est assez particulier et plutôt court, mais important ! Je l'aime bien... 😏

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