Chapitre 37 : Thé
Bonne lecture <3
TW : violences physique et verbale
— Eh bien, au moins il a arrêté de pleurer.
Xuoha Lan n'ouvrit pas les yeux quand les claquements métalliques des verrous résonnèrent dans la cellule.
— Tu as arrêté de te lamenter de la mort de celui que tu as tué ? Enfin.
Cette voix, il commençait à la reconnaître. C'était celle d'un exorciste aux cheveux coupés un peu sous les épaules, qui avait toujours le mot aussi blessant qu'un couteau. Il venait avec un homme plus âgé, moins bavard, mais beaucoup plus brutal.
Ce dernier tenait sans doute un pichet de thé empoisonné qu'ils allaient lui faire boire. De force, de préférence.
Les phrases qu'on lui jeta à la tête ensuite lui étaient familières. Il les entendit vaguement, appliqué à garder les yeux clos, assis contre un mur glacial. Les deux gardes s'étaient arrêtés face à lui, l'acculant.
— Il t'a soigné pendant plusieurs années et tu l'as tué.
— Pourriture.
— Nous avions oublié ton sang trouble, mais ton sourire n'était que pour nous berner, et berner Maître Shen. Tant de cinéma pour finalement te faire prendre sur le fait, tu dois être plein de rage. Mais nous t'avons attrapé. Tu seras condamné à mort, c'est tout ce que tu mérites.
Un crachat atterrit sur sa joue. Il ne leva pas la main pour l'essuyer.
— Regarde-nous !
Des doigts lui attrapèrent le menton avec violence pour lui lever le visage. Sa nuque craqua.
— Ouvre tes yeux.
Il pinça les lèvres. Au fond, il ignorait pourquoi il résistait encore. Il savait comment se terminaient leurs visites pour « boire le thé »...
Sa tête partit sur le côté lorsque la main du plus jeune des deux hommes lui explosa la joue. Sous le choc, il ouvrit les paupières. Aussitôt, on lui ramena le visage avec la même brusquerie.
— Mieux. Maintenant sois gentil et bois ce thé préparé spécialement à ton intention, railla le garde.
S'il n'avait pas été entravé, Xuoha Lan l'aurait envoyé au tapis d'un seul souffle sur son visage buriné.
Mais ça ne servait à rien d'y penser.
— Allez, apporte le thé.
Le plus âgé lui tendit la flasque, qu'il débouchonna.
Xuoha Lan s'agita, reculant contre le mur en s'aidant de ses talons.
— Tu ne vas nulle part, le meurtrier, cracha le premier homme.
Il lui attrapa la mâchoire d'une main et de l'autre, approcha le goulot de ses lèvres. Mais Xuoha Lan les gardait obstinément closes. Comme à chaque fois.
Il lui claqua le crâne contre la pierre.
— Ouvre cette petite bouche.
— Attends, je vais lui faire ouvrir.
Le plus âgé s'avança et vint lui pincer le nez. Privé d'air, Xuoha Lan tint quelques secondes, puis une minute, les muscles crispés. Mais bientôt son visage vira au mauve et il dut reprendre son souffle, écartant les lèvres.
On lui enfonça le goulot dans la bouche.
Il hoqueta, se mit à se tordre. Mais deux mains puissantes lui tenaient les épaules en appuyant pour le clouer contre le mur. Il battit des talons contre le sol, sentit la pierre de la flasque lui cogner contre les dents et le palais, s'enfonçant bien trop loin jusqu'à sa gorge. Une réaction instinctive faillit lui faire vomir de la bile, mais le thé coula, amer, jusqu'à lui peser dans l'estomac.
Enfin, les deux gardes le lâchèrent et il put reprendre son souffle en toussant, le corps parcouru de tremblements irrépressibles, les yeux écarquillés. Il serra sa main contre le tissu de ses vêtements, et sentit sa vue se voiler. Déjà.
L'infusion de Belle-des-Montagnes faisait effet.
Devant lui, les deux gardes commencèrent à discuter. Il ne voyait plus que des taches sombres, parfois orangées avec la lueur crépusculaire qui passait jusqu'à la cellule par la porte ouverte.
— Dommage qu'il ait la main coupée.
— Comment ça ?
— J'aime pas les infirmes. Lui, il a un beau visage, mais bon...
Xuoha Lan se crispa. Sa tête tournait.
— Quoi, tu pourrais toucher un meurtrier ?
— Bah ça le remettrait à sa place. Et puis, s'il est mignon... Ça passe, tu vois.
— Arrête de dire des sottises. C'est encore le fils du chef.
Il entendait son cœur battre trop fort dans ses oreilles sifflantes. Ça lui vrillait le cerveau, le faisait grimacer. Il retenait ses plaintes, les dents plantées dans sa lèvre. Ce n'était vraiment pas le moment de gémir de douleur.
— Tu sais bien qu'il s'en foutrait qu'on s'amuse avec son bâtard.
— Quand même, on sait jamais. Et puis la question est réglée puisque tu n'aimes pas les infirmes. Allez, on repassera plus tard voir si la dose plus forte l'assomme assez pour le transporter.
La porte claqua, les verrous se fermèrent avec un bruit métallique qui fit sursauter Xuoha Lan.
Il avait des bouffées de chaleur, tout tournait. Il tenta de retenir sa nausée, mais finalement abandonna et vomit tout le thé sur la paillasse, ne parvenant qu'à se pencher un peu pour ne pas se salir encore plus. Le liquide malodorant lui fit froncer le nez, mais il n'avait pas la force de s'éloigner. Tout son corps tremblait, des sueurs froides lui dévalaient le dos et il se retrouvait presque aveugle.
La Belle-des-Montagnes possédait cette particularité d'être absorbée très vite par l'organisme. Xuoha Lan commençait à bien connaître ce poison, malgré lui. Et rejeter le contenu de son estomac n'avait ainsi aucun effet, puisque son corps était déjà touché par la fleur infusée.
Fiévreux, grelottant et épuisé, il finit par s'endormir contre le mur, réduit à un état de faiblesse bien plus grave que les précédents.
*
Lorsqu'on le tira hors de sa cellule, puis dehors, Xuoha Lan pouvait à peine rester conscient.
Il roula en bas des marches, poussé par les gardes. Son crâne cogna plusieurs fois la pierre, mais tout était comme anesthésié ; il ne voyait rien, entendait à peine, sentait de manière confuse et atténuée.
On le releva sèchement, s'aidant des entraves divines qui lui rentrèrent dans le torse. Les filins lui mordirent la peau au travers des restes de robes tenant encore sur son corps, mais il n'émit aucun son. Ses cheveux cachaient son visage, lui épargnaient la vue d'un public d'une curiosité malsaine. Ils protégeaient également ses yeux sensibles des rayons du soleil levant.
Les mêmes mains brutales le bousculèrent à travers plusieurs allées, jusqu'à la cour devant les escaliers sans fin qui menaient au Palais des Vents Gris. Il sentit la brise des montagnes lui glisser sur la peau, bien plus agréable que les poignes de ses geôliers.
— Xuoha Lan. Tu vas être conduit jusqu'au palais du clan Goha, où les familles de Jade se réuniront dans dix jours afin de prononcer leur jugement.
La voix de son père. Il tenta de se redresser, mais on le força à demeurer prostré, incliné.
— Leur décision sera irrévocable.
— Mon frère, je te fais mes adieux.
Une main se posa sur son épaule.
Haine.
Il leva le visage le plus possible, parvint à croiser les yeux de Xuoha Jun, lesquels masquaient à peine l'éclat de satisfaction qui y luisait. C'était de l'indifférence qui dominait.
Un sourire ensanglanté lui étira les lèvres. Les gerçures éclatèrent, laissant des gouttes vermeilles lui ruisseler sur le menton, gouttant jusqu'au sol de dalles claires.
— Puissiez-vous tous souffrir de la pire mort, souffla-t-il.
Xuoha Jun eut un rictus dégoûté.
— Je vois que la maladie a pris possession de tout ton esprit. Nous ne pouvons plus discuter avec toi.
Il lui lâcha l'épaule et Xuoha Lan fut poussé dans une charrette. Plusieurs exorcistes la firent flotter à l'aide de leur énergie, et quelques chevaux se mirent en marche à leurs côtés. Quelqu'un lui plaça un sac de toile rêche sur la tête et on lui enleva les entraves divines, les remplaçant par des liens enchantés de moindre puissance. Un trésor devait rester dans le clan, après tout. Pas question de lui faire traverser les provinces voisines.
Puis, Xuoha Be salua le convoi d'une voix forte, clamant qu'ils se reverraient au jugement. Un garde expliqua la dose adéquate de Belle-des-Montagnes à infuser dans les boissons du prisonnier, puis les retardataires arrivèrent pour escorter tous les membres du clan qui partaient. Ils n'étaient qu'une dizaine, mais ils seraient rejoints par des exorcistes du clan Moha sur la route.
Et enfin, on annonça le départ. La charrette s'ébranla, maniée avec peu de précautions. Le prisonnier se cogna contre ce qui ressemblait à un banc, mais il ne pouvait pas vérifier, aveuglé et toujours sous l'effet des infusions.
Ils descendirent la Montagne des Vents Gris et Xuoha Lan regretta de ne pas pouvoir la contempler une dernière fois.
***
>.<
Ça s'annonce mal, hein ?
Mais il reste l'espoir du jugement. Peut-être que Lanou ne sera pas exécuté, qu'il trouvera un moyen d'inculper son père grâce aux Lin...
On se revoit demain, j'espère que vous vous portez bien et que vous buvez assez d'eau (moi non. ne soyez pas comme moi. ça donne mal à la tête)
Je profite de cette petite note pour vous informer que, si vous n'êtes pas au courant, mon roman "Chasseurs des Ombres" sortira cet octobre chez Imaginary Edge éditions, alors checkez leur instagram et/ou le mien, ainsi vous ne raterez rien ! <3 Le cover reveal se déroule bientôt... Vendredi prochain, il me semble... ;)
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Bref, assez parlé d'autre chose que Lanou x)
La bise <3
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