Chapitre 35 : Douleurs
Bonne lecture <3
TW : auto-mutilation (je ne sais pas si c'en est réellement, mais les plus sensibles, soyez prudents)
« C'est de ma faute »
Les heures s'écoulaient dans la cellule sombre et cette pensée revenait, encore et encore, dans sa tête. Il ne pouvait pas la repousser, il n'en avait plus la force.
Peut-être était-ce les effets du thé qu'on le forçait à boire régulièrement, ou bien ceux de la tristesse ; mais il avait glissé du mur au sol, recroquevillé sur lui-même sur la pierre, délaissant les restes moisis d'une paillasse.
Parfois, une larme traversait la saleté de sa joue et y laissait une ligne pâle. Mais il ne la sentait presque plus.
« C'est de ma faute »
Il aurait voulu vomir, mais il n'avait rien dans l'estomac. Il ne pouvait pas soulager cette nausée qui lui retournait le ventre.
Le goût amer du thé empoisonné s'ajoutait à la culpabilité, et il se tordait violemment dans le désordre de ses vêtements déchirés, en proie à des haut-le-cœur réguliers. Les quelques gardes qui passaient vérifier s'il était toujours vivant le laissaient bien vite seul, sans chercher à le soulager.
Ses lèvres saignaient à force d'être mordues. Son menton devait être écarlate, désormais. Il ne savait pas et s'en moquait. Qu'il ait l'air dément n'aggraverait pas sa situation ; tout le monde le pensait malade de l'esprit, de toute manière. Il était impuissant ; on l'emmènerait pour le juger, on le condamnerait à mort et il terminerait enterré avec une simple pierre tombale. Les exorcistes réciteraient les rituels nécessaires afin de l'empêcher de revenir hanter le monde des vivants et alors, tout serait fini. Il serait envoyé aux Enfers sept jours plus tard et si son âme était jugée vertueuse, il accèderait au cycle de réincarnation.
Peut-être reverrait-il Shen Sizhan dans sa prochaine vie.
— Jeune maître ? Nous avons apporté des Biscuits du Tigre, vous devez manger...
— Répondez, je vous en prie...
Les murmures se glissaient par la grille, alors que des silhouettes passaient devant les lueurs orangées. C'était déjà le crépuscule ?
Lin Zhou et Lin Mo l'appelèrent encore et cette fois, il se força à répondre. Sa voix était faible, rauque, usée ; mais ils l'entendirent dans le silence de la cellule.
— Partez.
Un bref silence, puis ce qui ressemblait à un soupir de soulagement.
— Jeune maître, vous êtes éveillé !
— Nous allons passer les biscuits par la grille, venez les chercher...
— Partez.
Mais Lin Zhou poursuivit.
— Vous devez manger. Vous laisser mourir n'arrangera rien. Vous devrez vous défendre au procès.
Xuoha Lan ricana. Une toux lui râpa la gorge et il dut reprendre son souffle un moment avant de pouvoir répondre. Son ton sonnait sarcastique. Amer.
— Vous pensez qu'ils m'écouteront ? Vraiment ?
— Oui, je crois encore en l'impartialité d'un tribunal formé des familles de Jade.
— Je vous respecte mais vous êtes stupide si vous pensez qu'il me laisseront me défendre, Lin Zhou. Je suis malade, vous vous souvenez ? J'ai tué un innocent. J'ai tué Shen Sizhan...
— Non.
Il sursauta un peu, releva le visage, papillonnant des paupières. La voix de la jeune femme avait la fermeté des certitudes.
— Non, vous ne l'avez pas tué. Vous en êtes incapable. Nous le savons. Nous avons appris à vous connaître et vous n'êtes pas un meurtrier, Xuoha Lan. Vous n'avez pas tué Shen Sizhan. Ce que nous ignorons, soupira-t-elle, c'est qui a utilisé votre épée pour commettre ce crime. Mais nous trouverons et nous ferons ce qui est en notre pouvoir pour vous innocenter...
Un rire désabusé échappa au jeune exorciste. Il se força à bouger ses membres ankylosés, il sentit son cœur battre plus vite, comme épuisé par la tristesse, incapable de soutenir un effort. Il appuya sa main sur la pierre humide, se tira jusqu'à la grille.
Les deux exorcistes dans le couloir l'entendirent haleter alors qu'il rampait sur le sol.
Enfin, des doigts crasseux se glissèrent dans les interstices qui séparaient les fines barres de métal. Lin Zhou y posa un morceau de Biscuit du Tigre. Le prisonnier rétracta sa main, avala le bout de pâtisserie. Il faillit éclater en sanglots à ce goût familier, envahi de souvenirs doux-amers qui vinrent nourrir le manque et le chagrin.
Il termina son morceau et vint approcher son visage de la grille, plongeant ses yeux sombres et cernés dans ceux de Lin Zhou.
— Votre pouvoir n'est pas assez pour faire tomber les véritables coupables. Vous ne pourrez rien changer. Autant éviter d'être vus avec moi. Vous devez partir.
Sa voix baissa de volume, se fit murmure fragile alors qu'il baissait le regard et appuyait son crâne contre la grille.
— De toute manière... Je ne suis même plus sûr... d'être innocent... et même si je ne tenais pas mon épée, il est... c'est de ma faute. Alors je suis coupable, finalement...
— Pourquoi dites-vous cela ? Qui a tué Shen Sizhan ? intervint Lin Mo.
Xuoha Lan soupira. Il ferma les yeux, revit Xuoha Be déclamer tout son beau discours devant tout le clan, dans la stoa. Scellant son avenir. Et il se souvint de l'éclat satisfait qui brillait dans son regard, du double-sens de ses paroles.
Dire que pour satisfaire son père, il devait mourir coupable d'un meurtre qu'il n'avait pas commis. Finalement, il parviendrait à remplir ses exigences, au bout du compte.
Quelle ironie.
— Jeune maître ?
— C'est mon père. C'est mon père qui a tout organisé.
Le silence choqué qui suivit le fit sourire, un rictus fatigué.
— Eh oui, il a tout manigancé pour tuer son fils. Je le gêne depuis plusieurs années, j'aurais dû comprendre qu'il n'allait pas me laisser savourer ma petite revanche au tournoi. Mais qu'il s'en prenne à quelqu'un d'autre pour me briser, pour m'écarter... Ha. Si j'avais seulement encore l'espoir qu'il la joue à la loyale, il s'est évanoui. Mais il a commencé à tricher au duel, alors pourquoi serais-je surpris ?
Il inspira, tremblant. La colère resurgissait par vagues, lui comprimait les poumons, le forçait à tout avouer, à cracher ce qu'il avait gardé en lui. Il n'en avait parlé qu'à Shen Sizhan, après tout. Et même si Lin Zhou et Lin Mo ne le croyaient pas, tant pis. Peu importait.
— Il a d'abord miraculeusement retrouvé mon frère aîné lorsque j'ai commencé à mettre en cause ses décisions. Puis, sachant que je gagnerais le duel, il m'a empoisonné. Vous connaissez les conséquences de cette défaite, cracha-t-il.
Il leva la main, la posa sur les entraves divines qui maintenaient le haut de ses bras contre ses flancs.
— Et il semblerait qu'il ait mal digéré ma revanche au tournoi. Mais... il a préféré attaquer un innocent. Il a impliqué quelqu'un d'autre dans notre conflit... Quelqu'un qui ne méritait pas...
— Jeune maître, vous êtes... sûr... ?
— Lin Mo, j'en suis certain, ricana-t-il.
— Je vous crois, intervint Lin Zhou.
Son frère la fixa, étonné par sa certitude. Il se tourna à nouveau vers la grille, tout en se tordant les doigts, nerveux. Il parla à voix basse, l'air désolé.
— Je ne pense pas que vous mentiez, jeune maître, mais de là à accuser un chef de clan... Enfin, je veux dire...
Sa sœur posa une main sur son épaule.
— Nous n'avons pas de preuves, mais comme je l'ai déjà dit, je crois Xuoha Lan. Je sais qu'il ne tuerait jamais Maître Shen. C'était...
Elle se pinça les lèvres.
— C'était lui qui vous rendait si heureux, n'est-ce pas ? souffla-t-elle doucement.
Et c'est peut-être cette phrase qui le fit craquer à nouveau.
Il s'effondra. Ses yeux débordèrent de larmes brûlantes, un gémissement passa ses lèvres, il tenta de cacher son visage en se détournant. Sa main tira sur ses cheveux défaits et emmêlés, lui enflammant le cuir chevelu. Mais il ne sentait pas cette douleur. La seule qui rugissait, qui le dévorait à présent était celle qu'il ressentait à l'intérieur.
Lin Mo écarquilla les yeux, les paupières humides.
— Je... Je suis désolé... articula-t-il, la gorge serrée.
Mais Xuoha Lan ne comprit pas ses mots, ils n'avaient pas de sens. Il murmurait, et les deux exorcistes de l'autre côté de la porte purent entendre quelques phrases qui leur brisèrent le cœur. Lin Zhou serra les poings. Elle aurait aimé pouvoir détruire cette porte de métal et tirer Xuoha Lan dans ses bras, pour essayer de soulager un peu tout ce qu'elle entendait. Tout ce qu'elle ressentait presque elle-même à travers la grille.
Un nouveau gémissement s'éleva dans la cellule et elle ferma les yeux.
Xuoha Lan se grattait le bandage. Il pendait de son poignet mutilé, sale, rougi de sang. Ses ongles arrachaient la peau pâle, et cette douleur ne surpassait toujours pas celle qui l'étouffait.
— C'est à cause de moi que Shen Sizhan a été tué, je l'ai tué, hoqueta-t-il.
Il claqua l'arrière de son crâne contre la grille de métal. Le bruit résonna dans la cellule et il sentit une lance de feu lui dévaler la colonne.
Sa main quitta son poignet lacéré pour tirer à nouveau sur ses mèches noires, et il remonta comme il put ses genoux contre son torse, collé au mur.
Sa respiration hachée fut, durant un instant, le seul son audible.
Puis sa voix se brisa.
— Pardon, Ah-Zhan, pardon...
***
Lanou... 😭
C'est juste dur comme chapitre... Je n'ai pas grand chose à dire 🥺
On se voit demain, espérant que tout va s'arranger... Mais au moins, il a tout expliqué à ses deux amis... ❤️
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top