Chapitre 15 : Marionnette

Bonne lecture <3



— Le chef de clan demande la présence du jeune maître Xuoha.

Shen Sizhan soupira et se tourna vers le serviteur qui s'inclinait dans l'embrasure de sa porte. Il délaissa donc sa lecture de rouleaux de médecine, passablement agacé d'être interrompu.

— Il est en convalescence, je suis le seul à pouvoir décider s'il est apte à reprendre les missions.

— Le chef a précisé qu'il ne s'agissait pas de cela, articula l'homme sans se redresser. Il s'agit d'une simple discussion, il désire voir comment se remet son second fils.

« Il aurait pu venir en personne, si son fils comptait tant à ses yeux... Et cela fait plusieurs jours...»

Mais le médecin ne livra pas sa pensée, et sourit à la place.

— J'en discuterai avec mon patient. Vous pouvez disposer.

Lorsque le messager fut parti, Shen Sizhan se leva en soupirant. Il se dirigea vers la cour arrière, espérant ne pas déranger Xuoha Lan dans une combinaison difficile de mouvements.

Mais lorsqu'il s'arrêta au sommet des petites marches qui menaient à la cour pavée, il ne trouva pas son patient en plein exercice physique. Immobile sous l'arbuste en fleurs qui lui offrait un peu d'ombre, il paraissait se concentrer. Mais ce n'était pas sa main gauche qui se tendait devant lui, paume vers le ciel. Il s'agissait de son moignon bandé.

La respiration calme du jeune exorciste et la fine pellicule de sueur sur son front témoignaient d'un effort spirituel. Shen Sizhan décida de ne pas l'interrompre, préférant l'observer.

Ses sourcils se fronçaient, ses lèvres se serraient. De légères vagues translucides ondulaient autour de son corps, puis s'assemblèrent en une sphère blanche qui vint s'immobiliser au-dessus de sa main manquante.

Essayait-il se diriger l'énergie grâce à son bras droit également ? Ce n'était sûrement pas impossible à faire, songea le médecin.

Mais l'énergie crépita soudain bien plus fort et explosa dans un éclair aveuglant. Xuoha Lan grogna de frustration, ouvrant des yeux agacés. Il n'y arrivait pas.

— Xuoha Lan, l'apostropha Shen Sizhan. Un messager vient de repartir, nous devons discuter.

*

La peinture du loup derrière le siège de Xuoha Be n'avait pas été remplacée. Le mur nu attendait visiblement que l'artiste ait terminé de reproduire l'œuvre centenaire. A l'idée d'avoir détruit une chose à laquelle son père tenait, Xuoha Lan dut réprimer un sourire.

Il s'agenouilla avec calme devant la petite table où trois tasses de thé fumaient. En face de lui, Xuoha Be l'observait, le regard indéchiffrable, et Xuoha Jun s'installa entre eux deux, le dos droit et le menton haut. L'ancien héritier lança un regard au ruban blanc dans les cheveux de son aîné et eut un rictus amer qu'il fit disparaître presqu'aussitôt.

Le chef du clan poussa une tasse dans sa direction, mais il ne la saisit pas, n'effectuant aucun geste.

— Buvons ensemble, insista Xuoha Be.

Mais son fils étira ses lèvres en un sourire froid.

— Les infusions sont déconseillées pour ma santé. Je risque de graves vertiges, il serait malvenu de risquer une telle chose, je suis à peine remis.

Xuoha Jun claqua de la langue, mais n'obtint même pas un regard.

Évidemment, les deux hommes face à Xuoha Lan comprenaient l'allusion. Son père abandonna l'idée de le faire boire, ce n'était pas la raison de son invitation.

Il croisa son regard étrangement calme.

— Seras-tu capable de reprendre les missions demain ?

Une lueur fugace passa dans ses yeux sombres.

« Faites-vous poignarder, empoisonner et couper une main, vous comprendrez que j'ai besoin de plus de cinq jours pour récupérer ! »

Mais Xuoha Be se moquait de l'état de son fils. Ce dernier songea que peut-être, il espérait qu'il se blesse encore plus gravement à l'extérieur, face à un démon. Il serait écarté pour de bon s'il ne parvenait plus à se lever du lit.

Alors il inclina la tête, comme si la fatigue l'empêchait de se maintenir droit. Autant leur faire penser qu'il était encore aussi faible que le serait un patient qui n'aurait pas accéléré sa rémission à l'aide de son énergie spirituelle. Plus ils le sous-estimaient, plus il avait l'avantage.

— J'ai bien peur que les conséquences de mes actes m'handicapent plus longtemps.

— Combien de temps ?

— Encore trois jours, selon Maître Shen. Ensuite je pourrai m'occuper de démons inférieurs. Je devrai éviter les efforts intenses.

Xuoha Be pinça les lèvres, mais aller à l'encontre des recommandations du médecin jouerait en sa défaveur dans le cas d'un accident.

Alors il hocha la tête, et renvoya ses fils.

Xuoha Lan sortit dans l'allée principale du palais, devant une rangée de statues de dieux et d'animaux. Ici, elles servaient de lanternes ; le soir, un serviteur les allumait, et des lueurs de flammes paraissaient sortir des gueules des loups tandis que les dieux tenaient entre leurs mains des bougies vacillantes, protégées du vent par leurs doigts dans une coupe protectrice.

Il allait retourner d'un pas lent jusqu'à la demeure du médecin, mais Xuoha Jun le retint. L'endroit était désert, personne n'arpentait cette partie du palais. Il se tourna vers son aîné avec un sourire de façade. Les cernes sous ses yeux donnaient du poids à son jeu d'acteur. Il devait paraître faible, pour l'instant. Il n'était pas assez remis pour affronter les deux hommes.

— Mon frère. Je suis heureux de te voir sur pieds, osa prétendre Xuoha Jun.

— Il faut croire que tu n'es pas parvenu à me tuer, lâcha son cadet d'un ton léger, comme s'il plaisantait.

Mais ses yeux froids démentaient ce trait d'humour. L'aîné pinça les lèvres.

— Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as, siffla-t-il.

— La chance d'être en vie ?

— La chance d'avoir pu grandir correctement. Mais tu as stupidement décidé de chercher notre père.

— Tu ne sais rien de la manière dont j'ai grandi, lâcha-t-il.

— Tu ne manquais de rien. Et pourtant tu te conduis comme un ingrat.

— Éclaire-moi, puisque tu sembles si intelligent.

— Contrairement à toi, je suis reconnaissant à notre père de m'avoir accepté au sein de son clan. Jamais je n'essaierais de le trahir, ou de m'opposer à sa volonté.

— Sois ce que tu veux, son chien ou sa marionnette.

Avant que Xuoha Jun ait le temps de se remettre de son indignation, Xuoha Lan avait parcouru quelques mètres et disparut à l'angle d'une pagode.



***

Hello ! <3

Un chapitre de transition, mais on a quand même une petite altercation... et Lanou qui refuse de boire du thé haha :p

J'espère que ça vous plaît toujours et vous dis à demain, pour le chapitre 16... Son titre ? 

"Respect"... 


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