87. La Nuit de Saule et Mysgari (2) - Marcus, Brendan et Othon
Un très long chapitre... Mais le tome en fait 94... Rapide calcul ? On est presque au bout ! Haut les coeurs !
***
Marcus était empli de lumière. Les prêtres de l'ombre avaient invoqué des brumes suffocantes, des lances de ténèbres, des boules d'obscurité, mais désormais, ils étaient tous morts, ou presque. L'intendant avait rejoint Céleste sur la butte, tandis que les autres prêtres et Flambeaux circulaient entre les arbres pour s'assurer qu'il ne restait aucun ennemi vaillant. Il y avait eu des blessés, mais plus aucun n'était en danger, on avait pansé les plaies et tari le sang versé. Il manquait quelques personnes, cependant : Othon, Brendan, peut-être un autre Flambeau. Rachel apparut à côté de lui.
« J'vais dans les bois », annonça-t-elle.
N'étant pas son supérieur, il avait peu d'ascendant sur elle, mais il se risqua quand même à dire quelque chose.
« Est-ce qu'il n'est pas mieux de se rassembler ?
— Il en reste sûrement. Faut vérifier. Puis tout le monde est pas là. Je vais pas leur laisser tout le plaisir. »
Tout le plaisir. Cette fille était folle. Mais curieusement, exalté, Marcus lui emboîta le pas, ce qu'elle regarda d'un mauvais œil. Elle ne le repoussa pas, cependant, comme si elle pouvait comprendre que la situation le rende téméraire.
« Tu fais pas de conneries, Marcus, tu restes derrière moi. »
Il sourit et s'engagea dans le sous-bois sur ses talons. Sur leur gauche, Diane et Armand discutaient auprès de deux corps immobiles. Anton, le Mivéan, s'était écarté et vomissait près d'un arbre. L'intendant songea qu'il avait sans doute reconnu un de ses bourreaux. Cela l'emplit d'affliction et de bonheur à la fois. Ils avaient défait l'ombre. Enfin.
Rachel était aux aguets.
« Combien on en a eu ? demanda-t-elle.
— Je ne sais pas. Plein. »
Elle s'arrêta et le dévisagea avec incrédulité.
« Plein ? C'est pas du langage d'intendant, ça. Je croyais que tu savais compter. »
Marcus haussa les épaules.
« Je n'en sais rien. Je ne suis pas... un faucon, ou quoi, qui aurait survolé le champ de bataille...
— Les faucons, ça voit rien la nuit, Marcus. »
Il s'apprêtait à rétorquer quelque chose lorsqu'il sentit un courant d'air froid lui baigner le front. Quelques secondes plus tard, une voix résonna dans son crâne, fruit d'un sortilège de murmure, rare et toujours intrusif.
Florent a des ennuis, près de la mare du vieux saule.
Puis plus rien. L'intendant frissonna. Albérich était venu, comme il l'avait promis.
« Où est Florent ?
— Florent ? Il est sur la butte... Enfin... Il y est resté un moment... »
Rachel haussa les épaules.
« Viens ! On doit aller au saule ! » s'exclama Marcus, en l'attrapant par la manche.
Elle résista un instant, puis se laissa entraîner. Une seconde plus tard, elle courait deux mètres devant lui, malgré le poids d'un haubert bien plus lourd que sa protection de cuir. Le souffle lui manqua rapidement mais l'intendant ne se laissa pas distancer, en dépit de ses poumons en feu et de son cœur battant. Plus qu'effrayé, il se sentait protégé. C'était une nuit extraordinaire et il en était acteur. Albérich avait eu raison : il était crucial que la crise soit résolue par chacun d'entre eux, pour qu'ils prouvent à Maelwyn ce qu'ils valaient, mais surtout à eux-mêmes. Le bout du tunnel, le renouveau.
Rachel s'était immobilisée et, la masse coincée au creux de l'aine, elle psalmodiait à mi-voix. Devant eux, à l'endroit où aurait dû se trouver le saule et sa mare, il faisait noir, comme si une tache de nuit s'était posée entre les arbres.
Il y avait du bruit au-delà, des chocs sourds, une lutte invisible. C'était surprenant : Florent aurait dû parvenir à se défaire d'un sortilège aussi basique, mais il n'était pas impossible qu'il n'en ait pas le recul, aux prises avec son adversaire. Reconnaissant le sortilège de lumière que préparait Rachel, Marcus incanta pour les renforcer tous deux d'une bénédiction. Il n'était pas capable de grand-chose, mais c'était mieux que rien.
L'onde scintillante de Rachel frappa la nuit de plein fouet, tandis que la jeune femme reprenait déjà sa masse pour charger droit devant. Les ténèbres se dissipèrent dans un souffle glacé, révélant un Flambeau combattant une créature ombreuse, campé au-dessus du corps immobile de Florent. Sur la gauche, une silhouette encapuchonnée était en train d'incanter, peu perturbée par le retour subi d'une obscurité naturelle.
Rachel jura et se rua vers l'adversaire, tandis que Marcus filait vers son collègue tombé. Il glissa à genoux dans l'herbe rase, et pria sans réfléchir, libérant son énergie curative sans même savoir si Florent était vivant. Il l'était. Marcus ne fit qu'entrevoir l'état épouvantable dans lequel la bête l'avait mis, avant que la lumière bleue n'avale ses blessures.
Il se releva ensuite, malgré son choc, et courut vers Rachel. Avec le retour de la lune, le jeune chevalier, Horace, avait réussi à vaincre la créature monstrueuse qui le harcelait. Rachel, de son côté, avait interrompu le prêtre dans son incantation et lui avait manifestement brisé un bras et défoncé la moitié de la poitrine. Il gisait sur le sol, crachant son sang, toisé par la jeune femme furieuse.
« Je ne sais pas ce qui s'est passé, murmura Horace en les rejoignant, manifestement choqué. Nous étions sur lui et...
— Certaines incantations sont très brèves », dit Marcus.
Il s'accroupit près de l'homme agonisant.
« Je vais le...
— Gaffe ! » s'exclama Rachel en lui flanquant un coup de coude qui l'écarta de l'Obscur.
Ce dernier avait sorti une petite dague des replis de sa tunique, dont la lame diffusait une lueur verte de mauvais augure. Il balaya le vide où s'était trouvé Marcus une seconde plus tôt puis, dans son mouvement, se poignarda lui-même dans l'épaule. L'intendant revint à quatre pattes vers lui mais c'était trop tard : l'homme convulsa quelques secondes et retomba inerte.
« Tu voulais le sauver ? dit Rachel, incrédule.
— Je ne sais pas... Valgrian dit que...
— Marcus, t'es vraiment... t'es trop... Merde. »
Elle secoua la tête, poussa le cadavre du pied, puis partit vers Florent, qui s'était assis dans l'herbe, sonné. Marcus l'entendit murmurer des remerciements d'une voix altérée tandis que Rachel l'aidait à se remettre sur pied.
« Je me disais... il savait peut-être quelque chose... » offrit l'intendant au Flambeau qui était resté en arrière, maigre justification.
Celui-ci, le visage zébré de sang, acquiesça. Mais il avait l'air complètement ailleurs.
Quelques minutes plus tard, Florent repartait vers la butte, appuyé contre Horace, tandis que Rachel jetait le cadavre sur son épaule, non sans grimacer de dégoût. Marcus vérifia rapidement qu'ils n'abandonnaient rien de compromettant derrière eux puis leur emboîta le pas. Aucune trace d'Albérich, mais il savait qu'il avait été là, veillant sur eux.
C'était la plus belle nuit du monde.
***
Un peu ailleurs, Brendan et l'Obscur s'observaient. C'était un homme jeune, encore, moins de quarante ans, mince, le nez long, les cheveux sombres, très courts, les lèvres minces et le sourire facile. Il était plutôt beau mais il avait l'air un peu fou. Ses vêtements paraissaient uniformément noirs, peut-être le fait de la nuit. Le Mivéan était persuadé qu'il mijotait quelque chose. Ce flegme devant le trépas, ce n'était pas normal, même pour un servant de l'Ombre. Il regrettait de ne pas avoir emporté une arbalète, histoire de l'abattre à bonne distance. Mais pourquoi hésiter ? Le regarder se vider de son sang n'avait rien de satisfaisant.
Il fit un pas en avant, la rapière brandie, et l'autre déplia son bras valide, révélant un fouet aux reflets rouges luminescents. C'était une arme imbue de magie, Brendan n'en doutait pas, et son allonge était bien supérieure à sa lame. Mais l'Obscur était blessé et il ne pourrait pas se servir de pareil instrument très longtemps. Il le fit néanmoins tournoyer puis claquer avec dextérité, forçant le Mivéan à reculer. Son sourire supérieur lui portait sur les nerfs, mais Brendan n'avait pas l'intention de se laisser déchirer par cette horreur. Il fallait juste qu'il se montre... adroit... attentif... et téméraire. Il évita aisément les deux premiers coups de son adversaire, le troisième de justesse. L'Obscur se fatiguait mais Brendan n'était pas un être patient.
Il pria Mivei une seconde puis s'élança vers son adversaire, se penchant pour esquiver la mèche meurtrière.
Il la sentit mordre dans son manteau, raper son épaulière de cuir, puis lui lécher la joue, avant qu'il ne se fende d'un coup placé à l'abdomen. Il aurait pu viser la gorge, mais in extremis, une petite voix lui avait soufflé de tempérer sa fureur. Il sentit la lame pénétrer les chairs flasques puis frapper l'arbre derrière l'Obscur et s'y planter. Ce dernier lâcha son arme dans un gargouillement et le sang perla à ses lèvres. Mais loin de s'effondrer, il adressa un sourire humide à son meurtrier et posa les mains sur la rapière. Dans son agonie, il était à nouveau en train de psalmodier.
Il faisait bien trop sombre pour que Brendan puisse distinguer son expression, et la mélodie du sortilège était beaucoup trop étouffée par le liquide qui obstruait la bouche de l'Obscur pour comprendre ce dont il s'agissait. Sans qu'il puisse le contrôler, Brendan eut subitement peur, très peur, et portant la main à sa ceinture, il en dégagea une dague qu'il plongea directement dans la gorge de l'homme, coupant court à sa magie. Cette fois, le cultiste se contorsionna dans un grognement, aspergeant Brendan des gerbes de son trépas, puis resta inerte.
A bout de souffle, dégoûté, le Mivéan demeura immobile quelques secondes avant de reculer. Le corps s'affala sur le sol dans un bruit répugnant. Stupéfait par sa propre violence, Brendan resta interdit, les deux lames maculées, les vêtements et le visage couverts de sang. Il ne se souvenait pas d'avoir jamais combattu de la sorte. Dans la Vallée, dans sa jeunesse, son équipe avait affronté des brigands à quelques occasions, mais surtout des créatures belliqueuses, animaux ou êtres féériques, dans des affrontements où, souvent, le plus faible finissait par renoncer et déguerpir sans demander son reste. Lutter à mort contre une crapule...
Il frissonna. Il avait tué un homme responsable de la mort de ses novices. Un homme qui avait torturé ses prêtres, ses amis. Il n'y avait aucun regret à avoir. Aucun. Le sang qui le recouvrait était le sang de la justice.
Il se pencha et essuya la lame de sa rapière dans les vêtements du cadavre, puis en fit de même pour la dague. Autour de lui, le bois paraissait désormais silencieux. Il ne doutait pas de la victoire de leurs forces : dès l'attaque initiale, ils avaient clairement pris le dessus.
Brendan se redressa et attrapa l'Obscur par un pied, puis entreprit de le remorquer vers la butte, où devaient se trouver les autres. Il lui semblait apercevoir, par intermittence, la lueur de leurs torches entre les troncs. Puis il se figea et fit brusquement volte-face. Il lui semblait avoir entendu un cri... Son regard courut sur le sous-bois, dans les ténèbres. Le vent soufflait doucement dans les frondaisons, couvrant les murmures. Puis il le vit. Un bref éclair de lumière bleue, sur la droite, suivi du fracas d'une petite explosion.
Sans hésiter, il lâcha le prêtre mort et se mit à courir. Il ne songea guère au fait qu'il aurait pu constituer une cible alléchante, seul entre les arbres, et pour une fois, la chance fut de son côté, car personne n'entrava sa course.
Son inquiétude se mua en certitude, comme il distingua bientôt un amas de ténèbres violacées, un tourbillon chargé d'éclairs intermittents, rouges, dans lequel il parvenait à discerner des silhouettes imprécises. Alors qu'il débouchait hors du bois, sur le gazon ras du Parc, la brume cracha une ombre, qui trébucha en arrière et tomba assise dans l'herbe avec un juron furieux.
Brendan se porta à son secours et Othon releva un visage crispé sur son ami. La lumière de la lune, généreuse hors des fourrés, leur permit de se reconnaître.
« Kyle est à l'intérieur. Je ne sais pas s'il est vivant. Cette ordure m'empêche d'approcher », lâcha le Flambeau avec fureur.
Il s'appuya sur le Mivéan pour se relever, puis chercha son épée des yeux, qui gisait sur le gazon.
« Combien sont-ils ? demanda Brendan.
— Il est seul. Il a l'air très jeune, je ne comprends pas comment il peut déployer une telle puissance.
— Distrais-le. Je vais l'aborder par l'arrière. »
Le Flambeau acquiesça et Brendan entreprit de contourner l'entrelacs de brume, la rapière à la main. Il avait tué un Obscur, il pouvait en tuer dix. Avant de pénétrer dans le maelström ténébreux, le Mivéan pria pour invoquer la bénédiction de sa déesse, la suppliant de lui accorder un destin clément. Puis il entra.
Aussitôt, des courants d'énergie l'environnèrent, visqueux, putrides, une sensation d'abandon, de déréliction, comme un fruit pourri, une pièce humide qu'on n'a plus ouverte depuis des années, un puits sans fond, un désespoir sourd. Déstabilisé, Brendan songea à ces heures de solitude douloureuse, entravé dans sa chapelle, le visage en sang, témoin impuissant de ces hurlements lointains, d'une mort semée sans qu'il puisse la repousser.
Jamais il ne serait pardonné. Il avait failli. Il était maudit. Mivei méprisait ses faibles tentatives de reprendre le dessus. Il était faible, lamentable, même. Il méritait les pires cauchemars, et plus jamais personne ne lui ferait confiance. Il avait été nommé grand prêtre par erreur, parce qu'après la dictature, il ne restait plus personne de digne pour assumer cette tâche, et qu'il fallait bien quelqu'un.
Par sa faute, le culte de Mivei allait disparaître de Juvélys. Par sa faute et sa faute seule. Brendan Devlin. L'incapable.
Figé dans la brume noire, les larmes brouillant son regard, Brendan tomba un genou en terre, accablé par cette vérité implacable. Il était trop tard. Il pouvait tuer dix Obscurs, cent, mille, cela ne changerait rien. Les novices étaient morts, les prêtres étaient blessés, et toute cette agitation était stérile.
Il avait échoué. Il aurait dû mourir.
***
À l'autre bout du tourbillon de brume, Othon tentait de progresser vers le prêtre ennemi. Mais ce dernier le harcelait d'une pluie noire et acide, qui lui brûlait le visage et les mains, grésillait sur son armure, le forçant à fermer les yeux. Le Flambeau ne craignait guère cette menue douleur. Son souci était Kyle, affalé sur le sol, cloué d'un pied entre les omoplates, inerte. S'il était mort, il ne restait rien à faire, sinon trancher la vie de celui qui l'avait tué, mais s'il était vivant, Othon se doutait que l'Obscur en userait tôt ou tard comme otage. Mais pour saisir son prisonnier immobile, le prêtre maudit devrait baisser sa garde et c'était le moment que le Flambeau comptait bien saisir. Il progressait donc contre les projections âcres, bras relevés devant le visage, renforcé par un sortilège de protection qui s'étiolait peu à peu, sans s'inquiéter des mille brûlures qui le piquetaient peu à peu.
Othon était presqu'au contact lorsqu'un cri retentit, bref, comme un aboiement sourd. Une onde de choc fusa dans un sifflement, renversant le chevalier comme un fétu de paille et le repoussant à la lisière de la brume, comme la première fois. Dans un juron, il tenta de se remettre debout. Il devait y avoir un bouclier invisible autour de l'incantateur, qui déclenchait ce contrecoup violent, et tant qu'il n'était pas dissipé, il serait impossible de s'en approcher.
Abandonner n'était pas une option, mais harceler l'individu pour qu'il ne puisse pas s'en prendre à Kyle, une nécessité. Aucun sortilège n'était éternel et l'Obscur, à rester immobile sur sa pelouse, n'y gagnait rien. Prenant une profonde inspiration, le Flambeau reprit son assaut. Peut-être que Brendan, quelque part, s'approchait de la cible.
Malheureusement, cette fois, lorsqu'il approcha de son ennemi, Othon découvrit que le prêtre était arrivé à la même conclusion que lui. Il avait suspendu son attaque de pluie acide et avait redressé Kyle contre lui. Une dague à la teinte verdâtre était appuyée contre la gorge du jeune Flambeau inconscient. Othon vit, dans la pénombre violacée, sa carotide palpitante, nimbée de la lueur maladive de l'arme. Il suffirait d'un mouvement pour que la lame tranche cette vie fragile. Même si vaincre les Obscurs était leur objectif, Othon n'était pas prêt à sacrifier son cadet.
« Recule, aboya le prêtre. Ou je le saigne ! »
Une voix si jeune, si effrayée. Un homme plus expérimenté aurait été moins dangereux. Celui-ci pouvait déraper à tout instant.
Othon planta son épée dans le sol et leva les mains.
« Laisse-le partir », répondit-il, très calme.
Où diable était Brendan ?
« Et puis quoi encore ? C'est moi qui vais partir. Avec lui. Si tu bouges, je le tue. »
Othon ne se faisait pas d'illusions, il le tuerait de toute façon, s'il le laissait l'emporter. Et Kyle était bien trop massif pour que cet homme, même désespéré, parvienne à le traîner bien loin.
« Il est trop lourd pour toi. Dépose-le. Je te laisserai partir. »
Mais pas Brendan. Le Mivéan restait invisible dans la tourmente grise chargée d'énergie mauvaise. Othon s'inquiéta soudain de son ami. Il n'était pas impossible qu'il y ait quelque chose, dans ce nuage, qui l'ait affecté. L'aura d'un Flambeau était puissante, mais Brendan n'avait pas disposé d'une telle protection.
L'homme recula d'un pas en arrière, traînant la carcasse inerte de Kyle derrière lui. Comme l'avait craint Othon, son visage se crispa sous l'effort. Ses yeux roulaient dans leurs orbites, trahissant sa panique. La petite vingtaine, la certitude d'avoir perdu la partie, il était susceptible de craquer à tout moment.
« Recule ! aboya-t-il. Mets-toi à genoux ! »
La main tendue en signe d'apaisement, Othon obtempéra, abandonnant son épée plantée dans le sol.
Puis, de manière imprévue, les ténèbres se dissipèrent d'un seul coup, révélant les pelouses endormies, le Temple au loin, le mur est, massif et escarpé, qui séparait le Parc des quartiers difficiles. A la mine stupéfaite de l'Obscur, Othon devina qu'il ne s'y était pas attendu, et la lame verdâtre plongea vers la gorge de Kyle.
« Non ! » s'exclama Othon en se redressant, horrifié.
Comme frappé par ce simple mot, l'homme suspendit son geste dans un sursaut et versa en arrière, lâchant son otage et son arme, pour retomber dos au sol. Derrière lui, à plusieurs mètres, se trouvait Brendan, agenouillé dans l'herbe. Il paraissait avoir vu un fantôme et il dévisagea Othon à la lumière de la lune, le regard hanté. Le Flambeau se releva et courut vers l'Obscur qui se contorsionnait sur le gazon, les yeux exorbités. La main à la gorge, les doigts en griffes, il cherchait inutilement à arracher le carreau d'arbalète qui l'avait transpercé.
« Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? » s'exclama une voix sur la droite, et Othon tourna les yeux pour apercevoir une silhouette approcher, l'arme encore à la main.
C'était un elfe aux cheveux courts, aux vêtements de toile et cuir près du corps, et à l'expression franchement courroucée.
Brendan s'était redressé et approché.
« C'est un Obscur de moins », annonça-t-il avec une satisfaction manifeste.
Othon se pencha sur Kyle pour prendre son pouls à la gorge. Le jeune chevalier gémit et leva une main qu'il posa sur l'avant-bras de son confrère. Le natif de Fumeterre se sentit immensément soulagé, léger même. Ils étaient vivants, le soleil allait se lever et le cauchemar serait terminé. Définitivement.
Dans son ombre, l'elfe paraissait choqué, son regard courant du cadavre à Brendan, puis de Brendan à Othon, sans parvenir à s'y arrêter.
« Que voulez-vous dire ? demanda-t-il, finalement.
— Juste ça. Un Obscur de moins », répéta Brendan.
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