16. Le Dieu Retors
Marcher dans les rues de Juvélys, mains dans les poches, comme si rien ne s'était produit. Anonyme, tranquille, à l'image de mille autres citoyens, qui cheminent, échangent et vaquent, tout simplement, à leurs petites vies médiocres.
Les paroles d'une chanson lui reviennent.
Et moi je danse, je danse encore,
Dans le Palais, et sur le Port
Juvélys m'a jeté un sort,
Je danse, je danse, je suis plus fort.
Un sort, une illusion, un mirage.
Qui en est responsable ?
Valgrian, le dieu tutélaire ? Flamboyant à vous en griller la rétine ?
Ou plutôt Gallud, le petit frère subtil, dissimulé derrière son flux de magie, qui combine les énergies pour travestir la réalité du monde ?
Difficile à dire. Sans doute aucun des deux. Seulement des hommes qui s'en réclament. Ou même pas.
Trahir, tromper, tricher, l'être humain est maître en ces matières, et il n'a nullement besoin d'entités surnaturelles pour gagner à ce jeu misérable.
Il pense aux humains, mais les elfes ne valent pas mieux. Ni les néjos, bien sûr, même s'ils embrassent les ténèbres avec moins d'hypocrisie.
Et moi je danse, je danse encore,
Dans le Palais et sur le Port
Je danse même quand tout le monde dort
Je danserai jusqu'à la mort.
Puisqu'ils le chantent, pourquoi les priver de leur désir ?
L'humain aspire à la ruine, même s'il s'en défend. Il se complait dans le mensonge, offre son âme au plus vulgaire, celui qui pavoise, domine et assassine. Il se donne, les yeux voilés, stupide, minable.
Il a envie de vomir sur les pavés de cette rue ensoleillée, devant ces imbéciles qui miment le bonheur sans rien y comprendre.
Les Juvéliens ne méritent que mépris. Ils osent se prétendre supérieurs à leurs voisins, plus intègres et plus libres, éclairés, même, et tout ça n'est que poudre aux yeux. Un vernis malfaisant pour piéger les plus faibles, les broyer, les détruire.
Passez votre chemin, vous qui croyez avoir trouvé un havre : cet endroit est pire qu'un autre, car il se pare d'atours hypocrites.
Il y a cru, pourtant, autrefois. De toute son âme, sans réserve, en ne pensant qu'aux autres et jamais à lui-même. Jusqu'à l'embrasement.
Grossière erreur : ils dansent encore.
Il n'y a que l'obscurité.
Ils disent qu'il n'y a pas d'ombre sans lumière. Peut-être.
Mais ce n'est pas l'ombre, à laquelle il aspire, c'est au néant.
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