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«Gloire à l'empereur ! Gloire à notre sauveur, celui qui réduira à néant la magie !»

— Ode à L'empereur Tyron

Gad observait les sorcières avec le plus grand mépris. Toutes suppliaient pour qu'on les sauve qu'on les libère. Il en était hors de question. Ces monstruosités méritaient la mort, elles méritaient de souffrir jusqu'à en perdre conscience. Il les détestait toutes. Et quand la hache du bourreau s'abattit sur la tête de la première, il en fut satisfait. Si ça n'avait tenu qu'à lui, l'exécution se serait faite en public. Mais l'empereur préférait les conduire dans le donjon, à l'abri des regards, là où tout était permis.

— Qui est le monstre entre vous et nous ? osa déclarer l'une d'elle. Nous n'avons commis aucun crime alors que vous, vous nous traquez pour nous tuer !

Il grimaça et, d'un geste de la main, empêcha le bourreau de la tuer. Elle, il comptait s'en occuper de lui-même. Comment pouvait-elle les traiter de monstres, eux les valeureux guerriers d'Héliar. Ils maintenaient l'ordre et la paix alors que les fléaux se répandaient de toutes parts. Et parmi la vermine se trouvaient les sorcières.

— Sans votre hideuse magie, Mazak n'aurait jamais vu le jour, cracha-t-il. Il n'aurait jamais massacré une partie de la population ! Vous méritez la mort !

Il attrapa sa tête et plongea son regard dans le sien. Il ne décela aucune peur, juste une fureur sans précédent. Cependant, elle était trop lâche pour s'en prendre à lui. Personne n'oserait attaquer l'un des gardes de l'empereur. Il attrapa alors son immense épée et l'enfonça dans sa poitrine, la sorcière s'écroula ans un cri rauque.

— Qu'on en finisse vite, pesta-t-il.

Il détestait attendre. Pourquoi fallait-il les torturer alors qu'il aurait pu toutes les tuer dès leur capture ? Il avait mieux à faire. Il devait trouver la sorcière qui avait massacré son village, celle qui lui avait tout pris. Dès que toutes perdirent la vie, il sortit de celle salle obscure, cette salle imprégnée de l'odeur métallique du sang. Ce parfum qui lui collait à la peau, qui s'enroulait dans sa gorge.

Et comme s'il ne pouvait pas être seul deux minutes, le conseiller Yorkin marchait vers lui. Il grimaça et soupira. Il détestait cet homme, et ce n'était pas uniquement pour sa magie. Il le trouvait manipulateur et arrogant, et surtout il y avait ses ordres. Yorkin adorait donner des ordres. Il se prenait pour l'empereur et Gad détestait ça, il était libre.

— Conseiller Yorkin, le salua-t-il.

— On exécute une révérence quand on tombe sur un conseiller, souffla-t-il.

S'il ne risquait pas la pendaison, il l'aurait tuée depuis longtemps.

— Soit. D'après quelques récentes informations, Mazak serait revenu.

Gad écarquilla les yeux. Tout le monde avait entendu parler de ce sorcier, tout le monde le redoutait ici même les plus grands guerriers. Il fit trembler le monde durant un temps avant de mourir, il y a cinquante ans.

— Impossible !

— C'est ce que j'aimerais savoir, souffla-t-il. Si l'empereur venait à l'apprendre, il entrerait dans une rage folle et enverrait son armée aux quatre coins du monde. Ce qui serait ennuyeux.

— En effet, pesta-t-il.

Des quatre gardes impériaux, vous êtes le plus fort et le plus téméraire, commença Yorkin. On dit que même la mort vous respecte, alors je pense que vous êtes le mieux qualifié pour vous y rendre.

Gad jura, pour qui se prenait-il ? À deux doigts de l'insulter, il se ravisa et l'écouta. Ce vieux fou comptait l'envoyer chercher un fantôme. Mazak était mort et jamais il ne serait revenu, si ça avait été le cas il aurait massacré tout le monde.

— J'ai des mages à traquer, pesta-t-il. Laissez les morts où ils sont.

— Mazak n'est-il pas un mage ? répondit Yorkin avec arrogance. Et si vous y parvenez, vous en trouverez trois.

— Vous en êtes un aussi, cracha-t-il.

Yorkin ne pensa pas un instant qu'il allait être menacé, il se croyait supérieur ici. Et Gad détestait ça. C'était pour cette raison qu'il le ramena pieds sur terre, il pouvait très bien le tuer s'il le voulait.

— La fille de la Conseillère Irina se trouve là-bas.

Ses yeux s'écarquillèrent. L'autre folle avait donc une fille, intéressant.

— Elle pense que Mazak est l'un de ses disciples. Un sorcier reste un sorcier, l'empereur désire leur mort à tous n'oubliez pas.

— Et où se trouve-t-il ce sorcier ?

— Au large des côtes de Conmore, non loin de Cindera.

Gad faillit s'étrangler, Cindera se trouvait à plusieurs jours de la capitale d'Héliar. D'ailleurs, la ville ne se trouvait même pas dans l'empire.

— La menace présente au sein de l'empire ne vous suffit pas ? demanda Gad. Vous pensez vraiment qu'il n'y a plus de sorciers à Héliar même ? Nos hommes ont intercepté des fugitifs venant de Ténérie, ils fuyaient la guerre en venant dans nos terres et vous voulez m'envoyer à Conmore ?

Hors de lui, il était à deux doigts de l'étrangler. Il en avait assez de ce vieux fou, de ces sorciers prétentieux, de l'empereur même. Dès qu'il aurait débarrassé le monde de la magie, il quitterait cette armée.

— Si Mazak est bel et bien en vie, il viendra jusqu'ici. Que pensez-vous que l'empereur ferait s'il apprenait, alors que son royaume affrontait ce sorcier, que vous auriez pu le tuer ?

Il avait chaud. Ce n'était pas la peur qui le faisait trembler, non, c'était la colère. La rage même. Yorkin, et même cette folle d'Irina, avait toujours le dernier mot. Ils se prenaient tous deux pour les maîtres d'Héliar. Ces misérables sorciers contrôlaient sans doute l'empereur lui-même. Il se rendrait là-bas, il reviendrait avec la tête de Mazak et ensuite il les tuerait tous les deux.

— La ferme, pesta-t-il. J'irai.

— Parfait, dit-il tout sourire. Je compte sur vous, l'empereur compte sur vous.

Encore un mot et il lui ferait ravaler son sourire. L'empereur se moquait éperdument de lui et de ce qu'il pouvait faire, il n'était qu'une arme pour lui. Comme les trois autres. Trois autres gardes impériaux, des soldats tout aussi puissants que lui, de véritables monstres. Il les haïssait eux aussi.


*

Gad erra jusqu'à ses quartiers. Il n'avait envie de parler à personne, il devait même se retenir de ne pas se défouler sur les quelques servants qu'il croisa sur son chemin. Il en avait assez de cet empire assoiffé de sang, de ces guerriers barbares et de ce palais obscur. C'était ici que tout se jouait, entre ces murs d'un noir profond. Il vivait entouré des mêmes monstres que ceux qu'il affrontait. Il côtoyait la violence sous toutes ses formes et, même si jusqu'à maintenant cela ne l'avait jamais dérangé, il fut pris d'une irrésistible envie de massacre.

— Tu as l'air remonté.

Yelenna. Il ne l'avait pas revue depuis longtemps, deux mois peut-être un peu plus et elle n'avait pas changée. Elle continuait de teindre quelques-unes de ses mèches brunes en une couleur feu. Elle gardait le même maquillage, ces peintures de guerres qui marquaient ses joues. La dernière fois qu'il la vit, elle partait en mission. Les espions de l'empereur parcouraient le monde pour leur souverain, pour qu'il puisse étendre ses frontières.

— Je vais devoir partir pour Conmore, j'ai un sorcier à tuer.

— Quoi ? Mais qui t'envoie là-bas ?

— Yorkin.

Ils rentrèrent tous deux dans ses quartiers. En tant que garde, Gad hérita d'un certain confort dans le palais. La permission d'avoir sa propre chambre, son propre bain et même une servante n'était pas attribuée à tout le monde.

— Tu comptes y aller ?

Il haussa les épaules. Au moins pour éviter qu'un sorcier dangereux ne revienne. Après cela, il le tuerait. Il tuerait aussi cette folle d'Irina, elle manipulait et terrifiait trop de monde dans ce fort. De toute façon, les sorciers devaient mourir.

— Je pars demain. Ça ne prendra pas longtemps, Yorkin veut juste s'assurer qu'un mage ne devienne pas une menace pour l'empire.

Yelenna écarquilla les yeux. Avait-elle compris qu'il parlait de Mazak ?

— Laisse-moi venir avec toi.

— Hein ?

Était-elle devenue folle ? Si elle abandonnait son poste, l'empereur la tuerait après l'avoir torturée pendant des heures, c'était la sentence pour la désertion.

— Je sais, je risque ma vie, mais je ne peux plus rester ici.

Elle semblait lui cacher quelque chose d'important, mais il ne posa aucune question, ça ne l'intéressait pas. Elle pouvait avoir ces secrets. Ce qui le dérangeait en revanche c'était de ne pas pouvoir être seul. Il détestait partir en équipe, c'était bien pour ça qu'il menait ses missions seul.

— Non.

— Tu n'as pas idée de ce qu'il se passe entre ces murs, souffla-t-elle d'une voix tremblante. C'est l'occasion pour moi de partir. Une fois là-bas, j'y resterai sois-en sûr.

Gad grimaça. Et lui dans tout ça ? S'il la laissait venir et qu'elle ne rentrait pas, l'empereur voudrait connaitre ses raisons.

— C'est impossible.

— Si tu dois localiser quelqu'un, tu auras besoin de moi, expliqua-t-elle. De même si tu dois t'infiltrer quelque part. Si tu veux, j'irai trouver Yorkin moi-même pour lui faire part de mon idée.

Gad poussa un cri, agacé, et accepta qu'elle vienne. Il, était inutile de se disputer avec Yelenna, elle était bien trop têtue et tenter de la convaincre allait l'énerver. Et énervé, il l'était déjà suffisamment.

— Fais ce que tu veux, mais ne me gêne pas.

— Pour ça, tu peux compter sur moi !


*

Gad et Yelenna n'étaient pas en couple, toutefois cela ne les empêchait pas de se retrouver dans le lit de l'un ou de l'autre. Yelenna frémit en sentant ses doigts caresser sa peau, de ses courbes jusqu'à sa poitrine. À califourchon sur lui, Gad observait son corps en entier, ses bleus récents et les légères cicatrices qui remontaient à plus longtemps. Elle aimait ce regard.

Dans un besoin de se sentir vivante, elle se laissa aller avec lui. Elle l'embrassa avec une certaine sauvagerie et griffa son torse, enfonça ses ongles dans sa peau alors qu'il explorait son corps. Elle voulait ressentir toutes ces choses qui risquaient de disparaitre un beau matin. La mort pouvait l'abattre du jour au lendemain alors chaque sensation aussi intense soit elle méritait d'être vécue. Gad la saisit par les hanches et lui offrit ce qu'elle désirait : une sensation jouissive, une douce chaleur qui irradia son bas-ventre. Leurs mouvements de bassin l'appelaient, l'emmenaient dans un lointain pays où nulle souffrance ne pouvait lui être infligée.

Elle connut la mort, elle connut la sensation du sang qui recouvrit sa peau et à présent, elle n'y pensa plus. Elle bouillonnait intérieurement d'un profond désir, ainsi elle ferma les yeux un instant et se laissa guider : elle était si sensible, si fragile à cet instant et pourtant, rien ne lui cria de devoir se protéger. Car cet instant magnifique la rendait heureuse et vivante.

Gad laissa glisser ses mains le long de ses hanches, elles explorèrent ensuite sa poitrine et caressèrent sa gorge. Il ferma les yeux à son tour, il n'entendait qu'elle : Yelenna et sa respiration saccadée, Yelenna et ses gémissements, ses râles. Yelenna et sa peau pâle, trop pâle.

— Yel !

Sa vue s'était brouillée un instant. Elle se sentit faible et vit, durant une fraction de seconde, un autre homme. Son cœur s'emballa. Oublier. Elle devait oublier.

— Tout va bien, t'arrête pas !

Sans prévenir, il l'attrapa par les hanches et ils reprirent violemment, ce qui arracha un grognement à Yelenna. Gad lui donnait ce qu'elle voulait, il lui offrait ses désirs alors qu'elle ignorait tout des siens. Le matelas grinça avec brutalité, les murs tremblèrent et Yelenna en fut on ne peut plus heureuse. 

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