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« La sorcellerie est dangereuse ! Mazak en est la preuve, cette hérésie rend fou. »

— Interdiction de la Sorcellerie.

Iris n'aimait pas la Ténérie. Le pays s'écroulait peu à peu sous les batailles sanglantes et il ne restait que quelques ruines où les criminels faisaient fortune. Et bien sûr ce roi minable n'était pas apte à rétablir l'ordre. Il préférait chasser les sorcières, toutes les atrocités étaient dues à la magie pour eux. Il tuait des innocents alors que d'autres tentaient de survivre dans un royaume déjà mort, un être abjecte selon elle. Au moins, son récent voyage lui permis de rencontrer une petite sorcière esclave de barbares sanguinaires. Elle y pensait encore après quelques jours. Elle détestait ce monde qui manipulait les mages, et elle espérait pouvoir la sortir d'ici, de même pour son frère. Leur place n'était pas dans ce royaume détruit, non, elle était ici à ses côtés, à Conmore. Conmore et ces grandes tours accueillant plusieurs habitants, Conmore et sa sécurité, Conmore et ses nombreuses fleurs et arbres poussant à chaque coin de rue. Une merveille. Et que dire de Solis, la capitale ? Cet endroit abritait la plus grande place marchande qu'elle n'ait vue, et les plus féroces chasseurs de monstres et de sorcières. Le seul défaut de ce royaume qu'elle appréciait un tant soit peu.

Au cœur même de Solis, une foule acclamait ses sauveurs et huait celles et ceux qui se retrouvaient attachés aux bûchés. Des mages, tout comme elle. Aucun ne parla, aucun ne supplia, aucun ne s'énerva. Conscients de leur sort, ils se turent. Iris ne pouvait s'empêcher de les juger. Pourquoi ne se défendaient-ils pas ? Certes ils finiraient par mourir, mais ils pourraient au moins incendiés ces misérables qui souhaitaient leur mort. A leur place, elle serait tombée au combat. Même si en réalité, elle aurait échappé à la mort. Ainsi, elle les regarda avec mépris et détachement. En un instant, les flammes s'élevèrent dans les cieux et les cris fusèrent. Elle n'imaginait pas la douleur qu'ils devaient ressentir. Après tout, ils se voyaient mourir, ils voyaient les flammes fondre leurs vêtements, déchirer leur peau et arracher leur chair. Et puis, il y avait l'odeur. L'horrible parfum de la chair brûlée devait irriter leurs narines. Alors que ce concert de hurlements continuait, une violette vola au-dessus d'elle.Dès qu'elle l'attrapa du bout des doigts, un sourire illumina son visage. La violette était un symbole fort, celui de la magie. Et dès qu'elle se retourna, elle croisa le regard d'une femme vêtue d'une longue cape rouge cachant ses deux chignons blancs. Triss. Alors elle quitta la foule pour s'immiscer dans cette ruelle où elle se trouvait.

— Mes salutations, Triss Olend.

La dernière fois qu'elle vit Triss, cela remontait à une quinzaine d'années. Ses cheveux étaient alors d'un roux éclatant et son visage dépourvu de rides. Toutefois, Iris remarqua qu'elle continuait à donner cet éclat rose si particulier à ses lèvres. Triss continuait aussi à faire ressortir ses deux magnifiques yeux bleus.

— Me salutations, Iris Vellaris. Marchons, si tu le veux bien.

On aurait pu croire que les sorcières ne se dévoilaient jamais en public, pourtant c'était bien le contraire. Rien n'était plus discret que deux amies qui marchaient ensemble au cœur de la ville.

— Cela faisait longtemps.

— En effet, tu n'as jamais répondu à ma lettre.

Iris soupira.

— J'étais prise par le temps et les voyages.

La vérité, c'était qu'elle n'en avait eu aucune envie. Triss désirait monter tout un complot afin de pousser les puissants à accepter la sorcellerie, sauf que cela ne l'intéressait pas. Que la magie soit punie de peine de mort ou envier, elle agissait normalement. Elle arrivait à se cacher, cela suffisait amplement.

— Le temps presse. J'ai réuni quelques sorciers et j'aurais besoin de toi, ta puissance pourra faire changer les choses, j'en suis convaincue.

Iris s'esclaffa.

— Tu m'excuseras mais j'ai mieux à faire.

— Qu'est-ce qui est mieux que sauver tes confrères et consœurs ? cracha-t-elle. Te rends-tu compte de l'état de notre monde ?

— J'étais en Ténérie il y a quelques jours, crois-moi je m'en rends très bien compte.

— Tu n'étais pas là il y a cinquante ans ! Tu n'étais pas là quand Mazak a été vaincu, tu n'étais pas là quand le monde a décidé d'exécuter toutes les sorcières sans exception.

Iris soupira. Certes, Triss avait vécu plus de choses que n'importe quel simple mortel. Quand Mazak plongea le monde dans le chaos, elle était déjà là. Elle perdit d'innombrables proches avant de pouvoir vaincre ce sorcier et de ramener la paix sur leur monde. Paix qui ne fut qu'éphémère. Les rois et reines trahirent les mages et les exécutèrent un par un, jusqu'à ce qu'il n'en reste presque plus. Triss, comme bien d'autres, se cachaient à travers le monde. Toutefois, elle restait trop attachée au passé. Et ça, Iris ne le comprenait pas. Elle la jugeait même. A quoi bon s'attacher à un temps qui n'était plus ? le mieux restait de faire avec.

— Il me reste pas mal de travaux à terminer, expliqua-t-elle.

Triss grinça des dents, visiblement exaspérée.

— Tu auras toute ta vie pour étudier la magie. Pense à toutes les exécution qui se déroulent en ce moment même. Nous avons besoin de tout le monde, même de toi. Quels sont donc ces travaux ? pesta-t-elle.

— J'ai toujours été intriguée par la mort. Rien n'est inéluctable sauf la mort, fascinant non ?

Triss fronça les sourcils. Iris connaissait très bien son avis sur la nécromancie et autres sortilèges usant des cadavres, et c'était bien la raison pour laquelle elle aimait ce monde. Si des mages comme Triss arrivaient au pouvoir, elle était convaincue qu'elle l'arrêterait aussitôt.

— Ne joue pas à ça, Iris. Mazak s'y est essayé et regarde où nous en sommes !

— Mazak était un fou, moi je suis saine d'esprit. J'ai trouvé deux jeunes sorciers, des jumeaux, et je compte bien aller les chercher. J'en ferai mes apprentis et dès mes recherches aboutiront, je viendrai.

— Je compte sur toi, ne me déçois pas.

Plus le temps passait, moins elle appréciait Triss. La faire revenir juste pour une réunion, pathétique. Cela lui prouvait aussi qu'il fallait impérativement qu'elle récupère Dana et Veleim et qu'elle leur offre une éducation digne de ce nom. Vivre dans un tel lieu devait avoir des conséquences, heureusement sa demeure était aussi grande que fleurie. Un endroit convivial loin d'être ennuyeux. 

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