10

Dana observait avec joie l'horizon depuis la fenêtre de sa chambre. La mer, calme et paisible, l'apaisait. Le soleil, si loin, rendait l'étendue bleue infini et lui procurait un profond désir de voyage. Elle voulait partir d'ici. Elle voulait quitter cette prison d'or et découvrir le monde. Que faisait-elle ici d'ailleurs ? Iris ne lui avait pas interdit de partir alors pourquoi rester ? À chaque fois qu'elle regardait par cette fenêtre, elle désirait écrire. La poésie l'aidait à s'exprimer et à ouvrir son cœur. À son arrivée ici, elle ne perdit pas un instant et écrivit ces quelques lignes qui résonnaient encore en elle.

Liberté doucement rêvée

Enfin caresse mon teint

Fini les chaines, fini les tourments, fini la terreur

Seulement, elle les avait écrites alors qu'on la poussait à rester. Veleim la retenait.Veleim qui, pour son plus grand malheur, devenait de plus en plus distant. Elle s'était si reposée sur lui qu'à présent, elle était incapable d'être seule. Elle était complètement dépendante. Qui allait la protéger dans ce monde violent ? Qui se battrait pour elle ? Qui l'aiderait quand elle serait au plus mal ? Si elle partait, elle tomberait dans la solitude. Et ça, c'était sans doute plus effrayant encore que ces monstres. Elle ne s'imaginait pas parcourir le monde seule, pourtant elle devait le faire. Elle devait prendre son envol, devenir indépendante. De toute façon, depuis quelques jours Veleim lui parlait moins. Il passait ses journées enfermé, à s'entrainer encore et encore : il voulait devenir un grand sorcier. Et elle, elle n'aimait pas la magie. Quitte à se sentir mal, autant partir. Non ?

Alors dans un profond soupir, elle sortit et descendit l'escalier à toute vitesse. Elle n'avait pas une seconde à perdre, elle devait trouver Veleim et lui faire ses adieux. Tant qu'elle en avait la force.

— Veleim ? appela-t-elle.

Elle fouilla chaque pièce sans jamais le trouver alors elle sortit. L'île n'était pas très grande, à vrai dire elle était même minuscule. Dès qu'elle le vit au loin, elle fronça les sourcils. Il y avait quelque chose à ses côtés, une étrange masse grosse comme un rocher. Des frissons électrifièrent sa peau, elle fut prise d'un mauvais pressentiment. La boule au ventre, elle s'approcha délicatement de lui. Et dès qu'elle fut assez proche, elle se figea. Face à lui se dressait une créature immense au corps composé d'une carapace verte. Quatre ailes surplombaient son dos, toutes étaient rabattues sur ses flancs. Un monstre.

— Veleim ?

Son frère se retourna et lui lança un regard qu'elle ne connaissait pas. Un regard empli d'animosité.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Mon armée, déclara-t-il d'une voix grave.

Dana recula subitement. C'était la première fois qu'elle avait peur de Veleim, c'était la première fois qu'elle désirait le fuir. En cet instant précis, il n'était plus lui-même. C'était comme s'il était possédé, et cela la tétanisait. Plus il s'approchait d'elle, plus elle se sentait en danger.

— Veleim... Tu me fais peur...

Aussitôt, il se figea et grimaça avant de lever ses grands yeux vers elle. Il était revenu à lui. Et, dans un profond rugissement, le monstre chargea.

*

Gad posa pieds sur cet îlot ridicule avec un mauvais pressentiment lui secouant les tripes. Il dégaina son épée sans attendre et fonça tête baissée vers les voix qu'il pouvait entendre depuis l'embarcation. Il ignorait Yelenna, tout ce qui lui importait c'était sa mission. Tuer Mazak.

— Attends ! l'appela-t-elle.

Il les voyait au loin. Les jumeaux ciblés par Yorkin, la fille tremblait de peur et l'autre, son frère, il dégageait quelque chose d'obscur. C'était lui l'hôte de Mazak, il le sentait. Il revenait. Et il comptait bien l'exterminer ici et maintenant. Au même moment, son monstre se jeta sur eux. Gad jura, il était hors de question que cette bête lui vole tout le mérite. Il s'interposa, et frappa. Le monstre le survola et réattaqua. Il esquiva la charge et, en un instant, se retrouva sur son dos. Sa lame, démesurée, perça sa carapace. Le monstre rugit de douleur. Gad se maintenait à son épée, enfoncée dans sa chair ; la bête agonisante se débattait. Et lui, la rage l'animait. Cette mise à mort choqua ces deux adolescents qui reculèrent aussitôt. Le garçon se plaça devant sa sœur, comme s'il avait la moindre chance de la protéger. Gad ricana et leur lança un bien sombre regard.

— Qui êtes-vous ? s'écria Veleim.

Gad ne prit pas la peine de répondre. Il leva son épée et frappa. Sous ses yeux agacés, un bouclier s'était formé de justesse. La lame étincelait contre ses parois. Il n'allait pas laisser une vulgaire protection l'arrêter. Il frappa encore et encore jusqu'à ce qu'il explose en un éclair.

— Kugoneo.

Avant même qu'il n'atteigne sa tête, il s'immobilisa. Il aurait reconnu cette voix entre mille tant son arrogance était grande. Yorkin. Il était là, juste au-dessus d'eux, perché sous la forme d'un condor géant. Gad sentit la colère monter en lui et embraser son sang. Pourquoi fallait-il qu'il l'empêche de tuer ce misérable sorcier ?

— Changement de plan, souffla le sorcier. L'empereur les veut vivants. Ramenez-les au plus vite, je vous attendrai là-bas.

Et il s'envola, les laissant faire le sale boulot comme à son habitude. Il ignorait ce que manigançait l'empereur, mais il était sûr d'une chose : ça allait l'énerver.

— On ne viendra pas ! souffla le garçon.

— Comme si t'avais le choix ! cracha Gad. Allez, en route.

Non ! Hiyr !

Aussitôt, une sphère enflammée fendit l'air et explosa sur son torse. Dans un puissant cri, il vola en arrière. La violence du choc, en plus de brûler son corps, avait frappé sa cage thoracique tel un bélier. Le souffle coupé, il se releva et adressa un regard noir à l'ennemi.

— J'vais t'crever... J'vais tellement t'crever que tu vas morfler sur dix générations !

La rage qu'il ressentait, intense et bouillante, transperça ce sorcier telle une épée. Gad pouvait ressentir sa peur, ce minable ne parvenait même pas à cacher ses tremblements. Et visiblement, sa sœur était trop terrifiée pour l'aider. Malgré tout, il tenta une attaque. Encore et toujours du feu. Cela rendait Gad fou, fou de soif de sang. Il fendit les airs, traversa les flammes et se rua sur lui. Ce que ce sorcier ne comprenait pas c'est qu'il était né pour éliminer la menace, il était né pour pulvériser la moindre once de magie. En cet instant, Gad ne dégageait que rage. Une rage pure et puissante. Les explosions de flammes retentirent de partout autour de lui, la chaleur l'étouffait et pourtant, il avançait. Le garçon esquiva son premier coup ; la terreur se lisait dans ses yeux. Son bouclier explosa au deuxième.

— Kugoneo !

Un sort d'immobilisation. Inefficace sur lui. La surprise le frappa si fort qu'il ne put parer son poing qui s'écrasa sur son nez. Avant qu'il ne tombe, Gad l'attrapa par la gorge et le fixa droit dans les yeux. Ce pathétique sorcier tremblait, comme tous avant leur mort. Il venait de comprendre que, bien que dépourvu de magie, Gad le dominait.

— Tu n'as plus de sorts en réserve ? ricana-t-il.

Un sourire de défi éclaira son visage et un murmure s'échappa de ses lèvres. Aussitôt, Gad bondit en arrière et la foudre s'abattit au sol dans un grondement assourdissant.

— Bien essayé ! rugit Gad.

Ce gosse était possédé par Mazak, il le sentait. Le sorcier n'était pas encore revenu à lui, mais il débordait de puissance magique au point où il l'énervait. La plupart auraient abandonné. Et lui, il bombardait le sol d'éclairs aveuglants. Gad volait entre les assauts, sa détermination le poussait à survivre. Un éclair le frappa. Puis un autre ; il hurla. Et encore un autre ; la rage détonna en lui. Malgré la douleur, il l'atteignit. Le garçon pâlit. L'épée s'abattit sur lui avec une telle violence qu'elle brisa son bouclier, coupa sa peau et trancha le sol. En sang, en larmes, il s'effondra au sol.

— Dépêche-toi de le soigner ! ordonna Gad à l'attention de sa sœur.

Sans hésiter, en sanglots et terrifiée, elle courut vers lui.

— Iaoruhi.

Gad jura. Une des raisons de sa haine envers la magie provenait des sorts contre nature. Soigner n'importe quelle blessure relevait de l'aberration, tout comme ceux qui s'essayaient à la nécromancie. Il la voyait trembler et grimacer alors qu'elle absorbait sa douleur. Douleur si forte qu'une fois son frère cicatrisé, elle s'évanouit.

— Soit je t'assomme, soit tu viens, lui dit-il furieux.

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