Chapitre 2
Mircea entra dans la caravane crasseuse et bancale après avoir compris qu'elle ne pouvait contenir qu'un célibataire endurci allergique aux douches ou bien deux moroï terrorisés.
— J'ai rien fait !
La strigoï referma la porte et ramassa le malheureux verrou qu'il avait fait sauter. Il était immense : sa tête frôlait le toit du mobile home malgré le fait qu'il se courbe en deux. Ses yeux noirs semblaient enfoncés dans leurs orbites à cause des cernes qui les entouraient et son teint sombre le rendait plus inquiétant qu'il n'était déjà. Ses longs cheveux étaient soigneusement tressés. Des éclairs argentés jaillissaient des bijoux qui maintenaient sa coiffure en place.
— Désolé pour la porte.
Un énorme sanglot monta de la poitrine de l'adolescente et jaillit de sa bouche comme si elle l'avait vomi.
— S'te plaît, chuinta-t-elle, campée sur ses appuis et les mains tendues. S'te plaît, va-t'en ! J'ai rien fait !
— Je sais.
Le vampire leva le visage vers la fille. La blancheur de ses yeux ressortait de façon effrayante et Amika sentit l'un de ses genoux trembler sous elle, menaçant de se dérober traîtreusement. Ses crocs n'étaient pas extériorisés. Il sentait par ailleurs davantage le strigoï que le moroï. Amika n'avait pas extériorisé ses propres crocs. Elle savait que la position basse, face à un dominant, était la seule qui avait la possibilité d'éviter un bain de sang. Le strigoï avança un peu et manqua tomber en avant, déséquilibré par un mouvement de l'instable habitation. Sa main s'agrippa au mur en carton qui se trouvait à un mètre devant Amika. Les ongles bien taillés de Mircea ne semblaient pas sur le point de laisser place aux griffes mortelles qui pouvaient arracher les tripes de n'importe quel animal en un rien de temps, mais la main était immense.
— J'ai rien fait, c'était pas moi, je voulais pas qu'ils meurent, papa et maman et grand-mère voulaient pas qu'ils meurent !
Le vampire, qui fixait intensément le visage de la jeune fille, laissa un éclair de fureur traverser son regard. Amika sentit ses deux genoux se dérober sous elle. Elle tomba en avant et se cogna sur le rebord d'une petite commode qui s'écroula avec elle. Les tiroirs s'ouvrirent et déversèrent leur contenu – un mélange de seringues, de bouteilles vides et d'ustensiles de cuisine mal lavés – sur la moroaică dans un joyeux tintamarre.
— LAISSE MA SŒUR TRANQUILLE !
— DAMIR, NON !
Amika eut juste le temps de saisir à bras-le-corps son petit frère avant que ce dernier ne se jette, tous crocs dehors, sur Mircea. Saisi, ce dernier avait aussitôt fait jaillir ses crocs, ce qui n'apaisa pas la situation.
— Laisse-moi, Amika ! Laisse-moi ! Cours ! Je vais l'occuper !
Un rire guttural jaillit de la gorge du strigoï.
— T'as vu ta taille, morpion ?
Tout en continuant à rire, il rentra ses crocs dans les maxillaires et secoua la tête, faisant voler ses tresses autour de lui. Ça faisait toujours aussi mal, songea-t-il.
— Je vais pas vous abîmer, t'inquiète, minus.
— Damir ! cracha Amika qui avait senti qu'il y avait une chance, même infime, qu'ils aient la vie sauve. Damir, cache tes dents !
— Non ! Papa a dit qu'il fallait jamais cacher ses dents à un ennemi !
Le petit feula de toutes ses forces à l'adresse de Mircea qui ricana à nouveau avant d'émettre un grondement qui fit trembler les cuillères et les fourchettes réparties partout sur le sol. Damir ne se laissa pas démonter : il écarta largement ses mâchoires et poussa un miaulement qui aurait pu passer pour un rugissement si l'on avait beaucoup de bonté.
— Ton vieux avait raison. Faut jamais cacher ses dents à un ennemi. Et est-ce que je te montre mes dents, moi ?
— Je veux que tu partes ! explosa Damir, dont les yeux rougissaient de colère. T'es un Draculea ! On sait ce que vous avez fait au clan ! Je te hais !
Amika tenait toujours fermement son frère. Elle devait lutter pour le retenir et le sentait glisser de son étreinte. Si le petit lui échappait, il foncerait tête baissée sur le strigoï – qui pourtant ne leur voulait pas de mal !
— Damir ! finit-t-elle par murmurer dans un sanglot. Arrête, s'il te plaît.
— Il a tué papa et maman ! hurla l'enfant, en proie à une fureur non maîtrisée, propre à son espèce.
Mircea connaissait parfaitement ce genre de fureur. Il ne les connaissait que trop bien. Il vit la jeune Amika le supplier silencieusement, des larmes coulant de ses yeux bleus. Elle se mordait les lèvres jusqu'au sang tout en retenant son petit frère de toutes ses forces. Forces qui finirent par lui manquer. Damir lui échappa, elle bascula en arrière et tout ce qu'elle put faire fut lancer un :
— Non !
Avant d'entendre un phénoménal boucan, suivi d'un gargouillis immonde. Damir, malgré le fait d'avoir été violemment projeté par Mircea contre le mobilier de la kitchenette, s'était redressé et avait vomi du sang digéré sur son adversaire. Recouvert de cette substance immonde, le strigoï ôta rapidement le manteau qui le calfeutrait et le lança comme un filet de pêche sur le gamin qui, après avoir été jeté à travers une cloison interne du mobile home, revenait à la charge. Le manteau lui permit d'immobiliser l'enfant et de lui couvrir la tête, l'empêchant de vomir à nouveau en direction de son ennemi.
— Putain ! Pas facile de vous avoir vivants, hein ?
Mircea avait voulu détendre l'atmosphère – à sa manière – mais lorsqu'il put à nouveau croiser le regard d'Amika, dont il pensait s'être déjà fait une alliée, il constata qu'elle était bien trop près. Et que les deux rangées de crocs aiguisés qu'elle arborait se trouvaient bien trop près de son cou.
— Et merde...
*
Voilà pour ces deux premiers chapitres ! J'espère que ça vous plaît et je vous remercie de m'accompagner tout au long de mes pérégrinations bizarres d'écrivain en herbe ^^
Bisous
Sea
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