— Maman ! Regarde-moi !

L'enfant, un adorable garçon d'à peine quatre étés, se tenait assis sur une robuste branche d'un chêne centenaire. Les rayons du soleil matinal se reflétaient dans ses mèches grises comme les cendres et faisaient briller ses iris bleus. Un grand sourire lui mangeait le visage.

Une femme d'âge mur se tenait au pied de l'arbre, quatre mètres plus bas que son fils. Vêtue d'une ample robe brune et d'un tablier beige, elle paraissait en bonne forme, mais ses poignets osseux et son visage creusé laissaient voir sa maigreur maladive. Elle sourit au petit garçon et le regarda avec tout l'amour d'une mère, les yeux brillant de fierté, délaissant un instant sa cueillette de fruits rouges. La douleur et la faiblesse de son corps s'évanouissaient comme par magie, lorsqu'elle voyait le sourire de son fils.

— Je regarde, Ash, lui lança-t-elle.

Le garçon se mit debout sur l'écorce. Ses pieds nus sur le bois ne semblaient pas le faire souffrir et il étendit des bras de part et d'autre de son corps pour se stabiliser.

— Regarde, regarde ! Je vais sauter !

La femme rit doucement et lui assura qu'elle gardait les yeux rivés sur lui.

Ash marcha lentement, les traits à présent plissés par la concentration. Il s'approcha de l'extrémité de la branche, où le bois se faisait de plus en plus fin, mais cela n'arrêta pas l'enfant.

Il s'immobilisa à mi-distance en équilibre précaire et s'apprêta à sauter. Il regarda un bref instant ce qui se trouvait en contrebas, puis s'accroupit et se jeta dans le vide.

Sa mère ne bougea pas, mais un pli inquiet vint lui barrer le front. Oh, son fils l'avait déjà fait plusieurs fois, mais son cœur cessait brièvement de battre à chaque saut. Même si ce n'était pas si dangereux que ça, il pouvait se casser un membre à la réception...

Ash toucha le sol sur ses pieds, fléchit les genoux et roula pour amortir, avant de se redresser pour courir vers sa mère, tout sourire.

— Tu vois, je suis grand maintenant ! hurla l'enfant en se jetant sur ses jupes.

— Oui, tu es déjà grand, mon loup, souffla la mère en se baissant à la hauteur de son fils.

— Maintenant, je peux te protéger !

— Me protéger de quoi, mon petit ? Il n'y a personne dans cette forêt, tu sais, répondit sa mère avec tendresse en lui caressant les cheveux.

— Il y a peut-être un dragon dans la montagne ! S'il vient ici, je vais l'affronter ! Je vais le mordre et lui montrer ce qu'un loup peut faire ! cria Ash en levant les poings au ciel.

La femme rit doucement et posa ses mains sur les joues douces de son fils, rougies malgré la couleur mate de sa peau. L'enfant se calma et la fixa avec une forme de vénération touchante. Il adorait les yeux de sa mère. Quand il avait peur ou qu'il n'arrivait pas à dormir, il se les imaginait qui veillaient sur lui, brillants et bleus comme le ciel. Alors, il était sûr de faire de beaux rêves.

— Ash, écoute-moi bien. Tu ne dois jamais dire à personne que tu es un loup, d'accord ? lui dit-elle d'une voix sérieuse, mais douce.

— Tu me l'as déjà dit, bougonna l'enfant. Mais... Pourquoi ?

— Certaines personnes n'aiment pas les loups, alors ils vont t'embêter s'ils savent que tu en es un.

— Je comprends pas pourquoi ils me feraient du mal. Ils ont peur que je les morde ?

— C'est trop compliqué pour un petit garçon de quatre ans, Ash. J'aimerais juste que tu me promettes que tu ne le diras à personne.

— Mais tu as dit que j'étais grand, tout à l'heure, protesta-t-il en faisant la moue.

Devant l'air sérieux de sa mère, il délaissa son air grognon et pencha la tête sur le côté. Même s'il ne comprenait pas pourquoi il devait promettre, il voulait lui faire plaisir. Sa mère pensait que c'était important. Il sourit, puis se blottit contre le cou de sa maman, dans son odeur rassurante. Là où aucun dragon ne pourrait l'atteindre, là où aucun cauchemar ne pouvait le tourmenter. Là où il était en sécurité pour toujours.

— Promis, souffla l'enfant.