épilogue
ATTENTION ; trois parties sont publiées en même temps. N'oubliez pas de lire celles qui suivent celle-ci :)
— Maman, regarde-moi !
L'enfant, âgé d'à peine quatre étés, se tenait en équilibre sur le muret de roche bordant la cour intérieure du palais. Ses grands yeux bleus brillaient de fierté et de bonheur, alors qu'une dame vêtue d'une robe soyeuse étincelante de pierreries le regardait, sourire aux lèvres.
Le petit garçon étendit les bras et avança sur la pierre. Le soleil se refléta dans ses beaux cheveux noirs. Ses éclats de rire s'élevèrent vers l'azur d'été, emplissant l'espace de sa joie. Puis, sans crier gare, il étendit deux ailes charbon et s'envola à plusieurs mètres, avant de se laisser tomber vers le sol sans cesser de rire. La femme le regarda faire avec amusement et amour, les ailes sagement repliées dans son dos. Autour d'eux, les soldats et les serviteurs leur jetaient des coups d'oeil surpris, tout en passant sans réellement s'attarder. Il faut dire que les alcyons nouvellement arrivés des terres du Sud possédaient une apparence irréelle ; femmes, enfants et hommes étaient pourvus de deux ailes immenses en plumes noires, blanches ou grises.
Derrière sa fenêtre, le roi Ethel Nihil de Jasulem poussa un soupir. Il quitta la scène des yeux et retourna s'asseoir sur son siège, posant ses coudes sur son bureau de bois précieux. Ses paumes accueillirent son visage aux traits fatigués.
La voix d'une des sentinelles qui gardaient la porte dans le couloir s'éleva.
— Altesse, Sa Majesté la Princesse Adeline Naïa de Jasulem !
Ethel releva la tête et ordonna de laisser sa soeur entrer. La princesse, élégante dans sa robe rouge vif et or, fit quelques pas dans le bureau de son aîné, puis esquissa une moue désapprobatrice.
— Tu n'as toujours pas pris la peine de ranger.
— Ce n'est pas comme si j'étais enseveli sous une montagne de paperasse à cause des traités pacifiques et commerciaux que je signe à tour de bras !
Adeline sourit avec indulgence.
— Ethel, tu dois tout de même prendre du repos, de temps en temps.
Ash aussi me répétait sans cesse de dormir.
A cette pensée, son visage s'assombrit et il lâcha un soupir. Le regard de la princesse se voila. Elle contourna le meuble encombré de manuscrits et s'appuya contre le dos de son frère. Adeline glissa ses bras autour de ses épaules, posant leurs joues l'une contre l'autre avec douceur.
— Tu prends les bonnes décisions, lui souffla-t-elle avec un sourire triste.
Ethel sentit l'éternel sentiment de souffrance lui étreindre le coeur. Sa voix, lorsqu'il murmura, se fêla.
— Il me manque...
Adeline le serra plus fort contre sa poitrine.
— Il nous manque à tous.
Ethel vint poser ses mains sur celles de sa soeur, à l'emplacement de son coeur. Cet endroit précieux où se trouvait désormais l'homme qui avait le plus compté pour lui. Et le temps passé depuis cette nuit dans la crypte n'arrivait pas à atténuer la douleur qui le transperçait à chaque pensée, chaque fois qu'il revoyait ces iris bleus, ces mèches grises et ce visage juvénile où naissait un sourire trop innocent. Il revivait ses souvenirs le soir avant de s'endormir, les joues humides.
— Je n'ai même pas pu lui dire que... qu'il soit un loup ou un humain, il restait le même à mes yeux... Il est...
Une larme brûlante roula sur sa joue pâle. Il prit une inspiration tremblante.
— Il est mort pour... pour me sauver.
Ethel repoussa doucement sa soeur et se leva, revenant s'appuyer d'un bras à la fenêtre qui donnait sur la cour. Il y observa l'enfant ailé virevolter dans les airs sous le regard aimant de sa mère. Un sourire teinté de tristesse lui releva les lèvres.
— Si seulement tu pouvais voir ça, Ash, souffla le roi.
— Je suis sûre qu'il le voit...
Adeline s'approcha et lui saisit le main avec douceur.
— Tu as rendu ce royaume plus beau, Ethel. Plus beau qu'il ne pouvait le rêver.
— Mais il pensait que je le rejetterais.
Sa main glissa des doigts de sa soeur. L'homme se détourna de la fenêtre pour s'immobiliser au centre de son bureau, le regard flou.
— Il pensait que je le rejetterais, mais... je n'aurais jamais pu.
Lorsqu'il fit face à Adeline, elle lut dans ses yeux tout ce qu'il ne disait pas.
Elle sut alors ce qui aurait pu arriver si Ash n'avait pas sacrifié sa vie, ce soir-là. Si Ethel avait pu lui prouver que jamais il ne l'aurait abandonné. Elle eut brièvement la vision de deux jeunes hommes puissants, côte à côte, gouvernant un royaume de tolérance, de magie et d'amour.
Elle les vit échanger des regards que nul mot ne pourrait qualifier.
Mais son frère était seul au milieu de son bureau froid, accablé par ses devoirs royaux, remplissant la pièce de ces parchemins comme si un espace devait être comblé. L'espace qu'aurait occupé un jeune alpha, sans doute.
Elle laissa une larme couler sous ses longs cils et vint serrer le roi contre elle. Elle l'entoura de sa chaleur, et alors qu'elle regardait derrière l'épaule d'Ethel, elle crut apercevoir une silhouette translucide.
Le jeune homme aux longues mèches d'argent lui offrit un sourire triste, inclina la tête, puis s'évanouit dans les airs en une pluie d'or.
*renifle* on se voit dans la partie suivante pour me faire pardonner... ;)
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