7 ~ la fillette blanche comme neige

— Je viens chercher le cadeau de la princesse, à la place du prince.

— Il t'envoie toujours faire ses commissions, celui-là... se moqua le bijoutier. Mais je sais ce qu'il aurait désiré lui offrir, suis-moi.

Le blond l'entraîna dans l'arrière-boutique, une petite pièce remplie de tiroirs fermés à clef et de petites tables couvertes de morceaux de métal, de petites pierres et d'outils délicats. Les murs étaient littéralement tapissés d'armoires, où se cachaient de magnifiques créations que l'artisan ne désirait pas exposer au moindre regard envieux.

Il sortit les clefs de sa poche et déverrouilla l'une des cachettes, pour en sortir un paquet enroulé dans un tissu soyeux violet. Il le posa délicatement sur un des rares espaces encore disponible dans la petite pièce et commença à dévoiler son œuvre en écartant les soieries.

Un magnifique diadème apparut sous le regard appréciateur d'Ash. Tout argenté, fait de fils entrelacés avec art, orné de pierreries translucides et scintillantes ainsi que de petites perles pour encadrer les joyaux, c'était un véritable bijou royal à la valeur inestimable. Les doigts fins de l'artiste le soulevèrent doucement pour que le capitaine puisse l'observer plus en détail, mais son choix était déjà fait.

— Il est parfait, Dryt'. Il est digne de la princesse de Jasulem, murmura-t-il.

— J'en suis particulièrement fier. Ces pierres viennent de loin, au-delà des terres des sorcières et ces perles sont issues de mon royaume d'origine, Atlantis. Ce sont les meilleures que l'on puisse trouver.

— Je n'en doute pas. Les tritons sont les plus doués pour obtenir des perles aussi belles.

L'orfèvre replaça le diadème dans son emballage et s'en alla chercher une boîte, elle aussi incroyablement raffinée, pour l'y placer. Ash lui tendit quelques pièces d'or, une petite fortune qui ne trouerait pas le moins du monde la caisse royale.

— Bien. À présent suis-moi, j'ai reçu ce que tu m'avais demandé.

Ash se laissa entraîner dans la cour, puis dans la maison de son ami. Elle avait toujours été rassurante, cette maison, où il avait passé quelques mois, à l'abri, au chaud et entouré, le temps d'oublier les horreurs qu'il avait vues.

Le sol était fait de bois, lisse et brillant, parfois recouvert de tapis doux et chauds sous les pieds. Les meubles étaient en bois brut et sec, clairs, se mariant à la perfection avec les murs beiges aux entrailles de pierre solide. Les lampes qui éclairaient la première pièce, le salon, ajoutaient une chaleur agréable et rassurante.

Le triton lui fit signe d'attendre et s'engouffra dans la pièce qui lui servait de réserve, camouflée derrière une bibliothèque. Dans cette pièce qu'Ash n'avait entraperçue qu'une seule fois, se cachaient des bijoux plus particuliers, des ouvrages interdits et toute sorte de choses magiques. C'était dans cet endroit que Dryt'waru conservait des pierres de lune, dont il faisait des pendentifs pour Ash, et quelques autres babioles qui suffiraient à le condamner aux yeux du roi. Jusqu'ici, il ne s'était pas fait prendre. Son envie d'aider les autres êtres qui croisaient sa route était plus forte que sa peur.

Le bijoutier revint enfin, avec un étui allongé, comme un petit fourreau, décoré de lettres en argent dans un langage inconnu. Le cuir était brillant et d'excellente qualité. Ash le prit dans ses mains et le soupesa, avant d'en sortir la lame brillante aux lignes douces et gracieuses.

— Une dague de la forêt des elfes. Rare et précieuse, mais incassable et toujours aiguisée, commenta l'orfèvre. J'ai mis du temps à l'amener à moi, mais à présent elle t'appartient.

Ash sortit quelques pièces de sa propre bourse cette fois, les remit à l'artisan, puis attacha l'arme fabuleuse à sa ceinture, camouflée par la cape.

— Tu n'as pas besoin d'un autre pendentif ?

— Non, il ne s'est pas encore assombri, ne t'inquiète pas. Si c'est le cas, je reviens te voir aussitôt.

Le triton hocha la tête, satisfait. Au même instant, un grincement leur fit tourner la tête. Cela provenait de la chambre du propriétaire de la maison. Malgré la présence d'une autre personne dans la maison, comme le sentit Ash en reniflant discrètement, il ne dégaina pas et resta calme. Dryt'waru sourit.

— Tu peux venir, c'est juste Ash.

La porte de bois pivota lentement, laissant apparaître quelques mèches blanches et un visage poupin aux traits délicats. La peau si pâle qu'elle en paraissait de neige, les yeux d'ébène, les lèvres rosées, l'enfant paraissait pure comme un ange descendu du paradis.

— Emmha, la salua Ash d'un signe de tête respectueux.

La fillette sourit doucement et s'avança pour saisir la main d'Ash de ses doigts fins.

Bonjour, loup, lui transmit-elle sans ouvrir la bouche, comme à son habitude.

Elle le lâcha ensuite et tourna un moment sur elle-même, laissant les différentes couches de dentelle blanche qui composaient sa robe voleter autour de sa taille menue. Ses longues mèches blanches accompagnèrent le mouvement dans une corolle gracieuse.

— Toujours aussi jolie, Emmha. Comment te portes-tu ? interrogea le capitaine avec douceur.

Bien. J'ai reçu cette robe pour mon anniversaire, elle te plaît ?

Ses yeux noirs se posèrent sur l'invité avec innocence. Lequel sourit devant le tableau de cette fillette si douce et si pure.

— Elle est magnifique et tu es très jolie dedans. Tu as eu cent ans, c'est cela ?

Oui, bientôt je serai majeure et je pourrai retourner à la Montagne Sacrée.

— Nous en avons déjà discuté, Emmha, et c'est dangereux pour toi d'y retourner, intervint Dryt'waru. Que ferais-tu si des chasseurs te trouvaient ?

Au lieu de répondre, la fillette s'approcha de son protecteur et eut un sourire triste, alors qu'un air de sagesse étrange s'épanouissait sur ses traits juvéniles, tranchant avec son air innocent. Elle saisit délicatement la main de l'orfèvre et pressa ses doigts entre les siens. Leurs peaux offraient un contraste saisissant. Ses yeux noirs trouvèrent leurs jumeaux sur le visage du triton, alors qu'il se penchait vers elle en s'accroupissant.

Dryt'waru. Je ne pourrai vivre éternellement à tes côtés. Je vieillis si lentement que les gens se poseront des questions. Et si jamais quelqu'un me découvrait, tu serais arrêté pour m'avoir donné asile. Tu sais bien à quel point ceux de mon espèce sont recherchés.

L'homme voulut la couper, mais elle posa un doigt sur ses lèvres.

Je dois retourner parmi les survivants de mon peuple. Et si la flèche d'un chasseur trouvait son chemin jusqu'à moi, je l'accueillierai en sachant que j'ai eu le temps de vivre cent ans dans ce pays où l'on m'aurait tuée bien plus tôt.

Dryt'waru soupira, vaincu. À ses côtés, Ash baissa les yeux. Tant de gens souffraient injustement de cette chasse aux sorcières...

Emmha s'éloigna du triton et un sourire enfantin reprit sa place sur ses lèvres roses. L'atmosphère sembla s'alléger et Ash inspira, alors que Dryt'waru époussetait inutilement ses vêtements impeccables dans le but de se redonner une contenance.

— Restes-tu manger, Ash ? proposa-t-il.

— J'aurais bien voulu, crois-moi, mais le devoir m'appelle auprès du prince, déclina le loup avec un sourire désolé. Je dois lui rapporter le cadeau de la princesse.

Le bijoutier hocha la tête et s'éclipsa dans l'espace où il faisait la cuisine, avant de revenir et de lui tendre une sorte de galette à l'odeur salée.

— Prends au moins cela. Je suis sûr que tu n'en manges pas, au palais, taquina le triton.

— Évidemment, puisque c'est une spécialité d'Atlantis, rit Ash en saisissant le cadeau. Mais heureusement que tu m'en offres à chacune de mes visites. Ce poisson est le meilleur de tous !

Il le rangea dans la sacoche qui pendait à sa taille avec précaution, puis se tourna vers Emmha, prêt à lui dire au revoir. Mais au lieu de ses prunelles sombres, il fit face à deux miroirs d'argent étincelants. La fillette s'était figée et le fixait, impassible.

— Elle a une vision, commenta Dryt'waru, alors qu'un pli soucieux venait rider son front. Cela passera dans quelques instants.

Mais ses yeux restèrent luisants comme un miroir en pleine lumière et la fillette laissa ses pensées exploser dans la pièce, emplissant les crânes des deux hommes d'une étrange prophétie.

Ash... Le danger rôdera autour de l'Espoir de Jasulem. Protège-le des griffes de l'Ombre qui dévore les âmes, sinon l'avenir d'un royaume où la magie vivra disparaîtra à jamais...

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