14

Ash suivit le Prince lorsqu'il reprit le chemin de la salle de bal, Dame Edalyna au bras.

Il se retint d'aller les séparer. Tout cela ne lui plaisait pas. Il avait le pressentiment que cette intrigante était dangereuse, une sorte d'instinct lui hurlait de se méfier. Ash l'écoutait souvent et savait qu'il se trompait rarement.

Son regard perçant les suivit jusqu'à ce qu'ils se fondent à nouveau dans la foule de robes et de bijoux étincelants. Se disant qu'Edalyna ne tenterait rien entourée d'autant de monde, Ash se posta à l'affût contre un mur et les observa sans intervenir. Il n'avait aucune preuve d'un véritable danger. « Mon instinct de loup me dit que cette femme menace le prince » n'était pas une raison valable, en plus de le condamner aux cachots. Il n'avait donc rien de mieux à faire qu'attendre et rester attentif, prêt à protéger l'héritier. Son regard se fit acéré, vif, alerte. Ash se concentra, observa les gestes assurés d'Ethel qui évoluait au milieu de la salle dans une danse hypnotique, la taille fine de la Dame Edalyna entre ses doigts.

Alors qu'il sirotait un doux alcool des royaumes du sud dans un verre de cristal, le loup ressentit une présence. C'était comme une aura, semblable à la sienne, qui l'effleurait, le testait. Ash se crispa et balaya les alentours des yeux, cherchant la personne qui osait lui révéler sa nature de manière aussi peu discrète. Il était d'ailleurs un peu inquiet ; que faisait une telle personne au palais ? Etait-ce Edalyna qui le sondait ?

Il ne put s'enlever de l'esprit l'odeur de loup qui l'avait assailli à l'arrivée de la dame ; était-ce la même personne ?

Un regard perçant accrocha le sien. Ce n'était pas celui de la noble, mais il n'en était pas moins intense. Noir profond, puits sans fond, encadré de cils longs. Un visage, à la peau mate, aux traits fins et sauvages, surplombé d'une masse de boucles brunes.

La suivante d'Edalyna...

Ash inspira profondément. Par-dessus les senteurs humaines et la nourriture, au-delà de l'odeur de l'alcool, un parfum plus animal, plus piquant, lui parvint. Celui d'une louve, Ash en fut certain. Et il s'agissait de la même que celle qu'il avait sentie à l'arrivée de la noble.

La femme se faufila parmi les serviteurs et les invitées, souple et agile, progressant vers le garde du prince. Ash lui jeta un regard ouvertement hostile, mais cela ne la perturba pas. Un sourire vint même ourler ses lèvres.

— Enchantée, articula-t-elle en s'immobilisant en face de lui dans une révérence aux airs bien trop félins. Je suis Bellatrix, la dame de compagnie de Dame Waeg... Edalyna.

Ce lapsus était clairement volontaire. Une lueur malicieuse luisait au fond des yeux noirs de la dénommée Bellatrix, alors Ash décida de rester sur ses gardes. Cette louve paraissait projeter de lui jeter un tour, il en aurait mis sa main à couper... D'autant que c'était la première fois qu'il rencontrait quelqu'un de son espèce depuis le décès de sa mère. Il ne savait pas comment se comporter, alors choisit de paraître humain. Peut-être sa véritable nature n'avait-elle pas encore été décelée... mais il n'était pas très confiant. Une pointe de stress et de peur vint lui aiguillonner la poitrine, ce qu'il camoufla.

— Enchanté. J'espère que votre séjour au palais vous est agréable, lui répondit Ash avec politesse, feignant d'ignorer le lapsus.

— Il est plein de surprises, Ash.

Le garde du corps eut un rictus mal réprimé, qu'il camoufla en portant son verre à ses lèvres. Il détestait la manière qu'avait cette femme de prononcer son prénom. De plus, il avait peur de ce que sous-entendait cette phrase.

— Qui aurait cru que je rencontrerais quelqu'un tel que vous dans ce palais si hostile à notre nature profonde... continua la louve d'une voix basse et mélodieuse.

Bien, il était donc démasqué. Ash serra les doigts sur sa coupe à demi vide et eut un sourire faussement affable.

— Oh, vous savez, je suis bien ordinaire, éluda-t-il comme s'il n'avait pas compris. Veuillez m'excuser...

Il la salua d'une inclinaison du buste et se détourna, cherchant à rejoindre le prince, un mauvais pressentiment le poussant à s'assurer de sa sécurité.

Une vague d'aura dominante le percuta de plein fouet et il tressaillit, peu habitué à faire face à une telle agression. Il avait eu l'impression qu'un saut d'eau brûlante lui avait aspergé le dos. Ash se reprit rapidement et se composa un visage neutre, jetant discrètement un œil derrière son épaule. Bellatrix lui offrit un sourire malin et s'en alla dans la direction opposée, disparaissant dans les froissements de belles toilettes garnies de perles.

Pourquoi partait-elle déjà ?

Le loup écarquilla les yeux.

Et si la louve n'avait servi qu'à le distraire ?

Ash sentit un frisson glacé lui dévaler l'échine. Faisant fi de ses habitudes, il déploya son odorat dans toute la salle de bal et contrôla le sursaut violent qui l'agita. Toutes les senteurs l'assaillirent d'un seul coup et il chancela, camouflant sa faiblesse soudaine en s'appuyant d'une épaule contre le mur. Il n'était clairement pas habitué à utiliser toutes ses capacités et cela se ressentait. Il s'était tellement bridé, toutes ces années...

Ash secoua la tête et se concentra, dilatant ses narines hypersensibles pour repérer l'héritier. Son parfum familier s'infiltra rapidement et l'entoura. Le loup ouvrit des yeux d'un bleu intense pour les figer sur l'autre extrémité de la salle, où Ethel riait doucement aux côtés d'Edalyna. Ils étaient hors de sa vue, mais Ash les situait très précisément. Le prince était sain et sauf. Ash relâcha son souffle.

Mais, si Ethel ne risquait rien ce soir, au milieu de cette foule, pourquoi Bellatrix l'avait-elle approché ?

Le garde fronça les sourcils, incapable de répondre à cette question. Il soupira, puis réfréna ses sens en se dirigeant discrètement vers le couple. Il devait poursuivre sa mission.

*

Une vague le pressa dans le dos. Ash serra les dents. C'en était trop ! Qu'elle arrête !

Bellatrix lui jeta un regard amusé. Elle avait l'air de prendre son pied, à le regarder réagir aux ondes d'aura qu'elle lui projetait à la figure. Il semblait le seul à les ressentir, donc Ash savait très bien qu'il était expressément visé. Et cela l'agaçait prodigieusement. Ça durait depuis de longues minutes, une heure peut-être, deux, il n'en savait rien, mais c'était trop.

Il lui envoya un regard furibond, auquel elle ne répondit que d'un sourire narquois, sirotant sa boisson d'un air ingénu non loin d'un mur. Dieu, que cette louve l'agaçait...

Et puis, que faisait-elle encore là ? Elle pourrait aller voir le roi, tout lui raconter. Ash savait que, même si le roi aurait des doutes, il l'interrogerait, ferait venir des soi-disant experts, scientifiques, chasseurs de sorcières... Pour finir par le condamner à mort. Et même si Ash parvenait à s'échapper, que ferait-il ? Il serait un pestiféré, devrait quitter le seul semblant de foyer qu'il avait jamais eu. Quitter même Dryt'waru, Emmha, Ethel... Impensable.

Il observa Bellatrix et décida de ne pas s'interroger plus que cela. Si elle ne le dénonçait pas, il devait s'estimer heureux et mettre cela sur une hypothétique solidarité...

Ash reçut une nouvelle vague d'aura et serra les dents, reposant ses yeux sur le prince. Ce dernier dansait de nouveau avec Edalyna, éblouissante et souriante au milieu de toutes les autres nobles qui la fusillaient du regard.

Enfin, « Edalyna »... Ce n'était pas son vrai prénom, mais Ash ignorait sa véritable identité. Pour l'instant. Il devrait enquêter, afin de protéger l'héritier, sa meute de l'invasion de ces deux femmes.

En attendant, il serra les dents et focalisa l'attention qui lui restait sur le prince. Une brève vision le mettant en scène en train de déchiqueter cette Bellatrix lui traversa l'esprit et fit naître un léger sourire sur ses lèvres douloureuses à force d'être pincées. Ash se détendit autant qu'il put et se força à se concentrer sur son devoir. Il allait ignorer cette louve et ne plus se laisser distraire.

*

Ç'a avait été plus facile à penser qu'à faire... Le bal touchait enfin à sa fin et Ash n'en pouvait plus. Quelques minutes de plus et il se serait jeté sur la servante pour l'égorger et balancer son cadavre dans les douves. Il n'aurait répondu de rien !

— Ash, l'apostropha le prince en se dirigeant vers l'aile de ses quartiers.

Le garde hocha la tête et le rejoignit, silencieux. Il prit sa place à ses côtés et l'accompagna dans les couloirs sombres du palais. Parfois, quelques torches suspendues aux murs de pierres centenaires dévoilaient leurs visages ; souriant pour Ethel, soucieux et las pour Ash.

— Comment s'est déroulé votre soirée, Altesse ? finit par lâcher le garde avec une pointe d'inquiétude qu'il essaya de masquer.

— Elle fut plaisante, Ash. Mais je suis sûr que tu n'en as manqué aucun instant, puisque ta mission était de garder un œil sur moi.

— Ce n'est pas faux, mais je préfère vous poser la question plutôt que faire des déductions.

— Eh bien, tu as ma réponse. Finalement, peut-être que parmi ces demoiselles, se trouve la perle rare, murmura l'héritier d'un air lointain.

Une suée glacée dévala l'échine du loup.

Toute cette histoire devenait réellement préoccupante...

*

Un soupir échappa à Ash lorsqu'il s'effondra sur sa couche. Cette soirée fut une des plus éprouvantes. Entre le danger « Edalyna » qui avait rôdé autour du prince pour finir par lui jeter un étrange sort et Bellatrix qui avait joué avec ses nerfs...

Il ignorait comment l'en empêcher. Ses doigts vinrent saisir la pierre de lune qui reposait sous sa tunique de nuit et il observa les reflets qu'y faisait naître la petite flamme de sa bougie. Cette petite roche nacrée était son seul moyen de se contrôler à l'approche de la pleine lune... Qui ne devrait pas tarder, d'ailleurs. De légers fourmillements lui parcouraient la peau de temps à autre, lorsqu'il s'exposait à la lueur de l'astre nocturne.

Un filet d'air se glissa sous sa porte et il se raidit.

Un froissement de papier, une glissement sur les dalles, puis des pas légers qui s'éloignent, trop furtifs pour qu'ils soient humains. Ash grimaça et jeta un œil au sol.

Juste devant la porte, une lettre cachetée paraissait le narguer. Oserait-il la saisir ? Alors même qu'elle portait l'odeur de la louve et de Dame Edalyna ?

Ash soupira et posa les pieds au sol, basculant pour se lever. Il se pencha, referma les doigts sur l'enveloppe de papier délicat et se rassit sur son lit. Sous la nervosité, ses mains tremblèrent et il se morigéna. Franchement, il n'était pas un froussard !

Il détailla les traits harmonieux qui formaient quelques mots encrés sur l'enveloppe, puis la décacheta et en sortit un petit parchemin de bonne qualité. D'autres mots y étaient tracés. Il les lut avec attention alors qu'un sombre pressentiment lui tordait le ventre.

« Très cher A.

Vous devez sans aucun doute savoir qui je suis, aussi ne prendrai-je pas la peine de me présenter.

Nous ne nous attendions pas à croiser quelqu'un tel que vous ici, mais... Sachez que vous êtes démasqué. Veuillez ne pas interférer dans nos affaires et rester loin de nos appartements. Evitez de laisser traîner vos oreilles et votre truffe dans nos pattes, car si nous vous surprenons, nous serons forcés de vous dénoncer auprès du roi. Ce serait fâcheux, car nous ne vous voulons aucun mal personnellement.

Sachez également que, si vous décidiez de nous dénoncer avant que nous ne le fassions, nous vous forcerons à ôter votre masque devant la Cour toute entière, le roi et son fils compris. Réfléchissez et choisissez le camp de vos semblables plutôt que celui de vos oppresseurs. Nous sommes capables de ruiner votre existence et de prendre la fuite sans encombre, alors que vous serez forcé de mourir de la main de ceux que vous défendez... ou de vous enfuir, dévoilant par là-même votre véritable identité.

Mais trêve de menaces, nous ne vous ferons rien si vous ne nous gênez pas. Cela, nous le promettons.

Passez une excellente nuit. Et, si vous désirez avoir un aperçu de ce que vous manquez en vous terrant dans ce palais, regardez par la fenêtre du couloir des domestiques, en direction du nord...

B & W »

Ash fronça les sourcils et sentit son cœur accélérer dans sa poitrine. Avant toute chose, il avala le papier, grimaçant sous son goût atroce, puis posa ses doigts sur ses tempes. Un frisson de pure peur lui dévala l'échine, alors qu'il pinçait les lèvres. C'était clairement une lettre de menace.

S'il les dénonçait, il voyait sa vie partir en vrille et un exil au fin fond des forêts des frontières. En plus, bien sûr, de moyennement supporter l'idée de dénoncer ses semblables. Il s'était il y a peu juré d'essayer de rendre ce royaume plus accueillant pour le surnaturel, ce n'était sans doute pas la bonne manière d'arriver à ses fins.

Et s'il décidait de protéger Ethel en espionnant de son côté sans rien dire au roi, il s'exposait à des représailles certaines de la part de ce duo. Il n'aimerait pas se retrouver la gorge tranchée au petit matin...

Ash déglutit. Autrement dit, il avait deux solutions : continuer à enquêter pour protéger le prince, au risque de le payer de sa vie, ou ignorer les intruses et assumer, a posteriori, le poids de ce qui arriverait à son ami.

Un profond mal-être lui noua les entrailles.

Il devait faire un choix. Ethel, ou lui.

*

— Debout ! Ce n'est pas ainsi que vous arriverez à vous battre, Altesse !

Ethel toussa dans le sable de la cour. Il ferma ses doigts sur la garde de son épée, puis serra les dents et se releva, ignorant la douleur qui pulsait depuis les multiples contusions qui couvraient sa peau.

De l'autre côté de la cour, Ash pinça les lèvres. Il attendait que le prince termine sa leçon, mais le maître d'armes était plus exigeant que d'habitude. Ethel était épuisé, pourtant il se relevait, encore et encore, sous les injonctions de son professeur.

Lorsque l'épée du prince lui sauta des mains à la suite d'un geste technique du maître, Ash lâcha un soupir angoissé.

On n'est que des enfants...

Le loup observa Ethel tomber au sol, balayé. Le maître laissa échapper un soupir dépité.

— Vous seriez mort depuis longtemps, Altesse.

— Je vous assure que je fais des efforts... haleta le prince.

— Ce n'est pas suffisant ! s'écria l'homme en lui saisissant le bras pour le remettre sur ses pieds.

L'enfant baissa la tête. Le professeur lui saisit la mâchoire d'une main, le forçant à le regarder.

— Un futur roi ne baisse pas les yeux. Vous devez rester fier en toutes circonstances !

Ash geignit. Il ne supportait pas de voir Ethel souffrir ainsi. Ce n'était pas de sa faute, il s'entraînait plus souvent que tous les autres garçons, s'appliquait dans chaque mouvement. Lui, il voyait bien les efforts que le prince faisait. Pourquoi le maître d'arme refusait-il de les voir ?

C'est injuste...

Lorsqu'Ethel se dégagea de la poigne de l'homme puis sortit de la cour, Ash le suivit. L'héritier marchait vite et son ami remarquait son pas brutal, comme s'il fuyait quelque chose. Il trottina plus vite et vint à ses côtés, lui lançant un regard inquiet. Mais Ethel ne lui jeta pas un coup d'œil.

Ils ne croisèrent personne dans les couloirs. Soudain, le prince poussa une porte et s'engouffra dans une pièce déserte, qui ressemblait à une petite bibliothèque meublée de chaises et de divans. Quelques tapisseries où se cabraient des licornes décoraient les murs. Le loup n'était jamais venu dans une pièce semblable. Peut-être était-ce un endroit où les femmes se réunissaient ? Ash n'avait jamais eu le droit de voir les boudoirs royaux.

Ethel se dirigea vers l'un des larges fauteuils et s'y laissa tomber. Le loup vit dans ses yeux une flamme rageuse qui lui fit un peu peur.

— Pourquoi tout le monde est comme ça avec moi ? lâcha finalement le prince.

Ash fit quelques pas et s'assit sur un divan en face de son ami. Pour s'occuper les mains alors que le silence s'élevait entre eux, il se mit à tresser ses cheveux gris juste sous son visage. Il faisait et défaisait les gestes qu'il répétait chaque jour et qu'autrefois, sa mère accomplissait. Ça le calmait toujours.

— Ils ne sont jamais satisfaits. C'est jamais assez, reprit Ethel.

Il donna un coup de pied dans le vide, puis laissa retomber sa jambe. Il ne touchait pas le sol, assis dans ce siège.

— Ethel, c'est parce que tu vas devenir roi... murmura le loup. Ils veulent que tu sois un bon roi.

— Non, ils ne font que me rabaisser. Tu l'as entendu. « Tu serais déjà mort depuis longtemps », c'est ce qu'il a dit, non ?

Ethel renifla et baissa les yeux vers le sol de dalles noires.

— Il a tort.

Le prince fixa son ami, surpris par l'assurance présente dans la voix du garçon. Ash le regarda dans les yeux. Les siens brillaient. Ethel admira leur couleur qui lui rappelait le ciel d'été, alors que le loup reprenait en insistant.

— Il a tort. Tu ne serais pas mort. Parce que moi je suis là.

— C'est dangereux, les batailles. On peut mourir. Je veux pas que tu meures, Ash, même pour moi, lui confia le prince en fronçant les sourcils.

— C'est mon devoir de te protéger ! Alors je t'accompagnerai et je resterai avec toi.

La détermination qu'Ethel lut dans les yeux d'Ash lui fit quelque chose de bizarre. Il eut envie de pleurer, mais se retint ; un homme ne pleure pas. Et il faisait déjà assez d'erreurs comme ça.

— N'essaie pas de m'en empêcher, c'est impossible, sourit le loup en s'approchant. Je suis ici parce que le roi veut que quelqu'un te suive partout et te protège. Et je le ferai. On est amis, non ? Les amis, ça veille les uns sur les autres.

Ethel sourit lui aussi. Un poids s'envola de ses épaules, comme par magie. Il descendit du divan et vint serrer le plus jeune dans ses bras. Une petite boule de chaleur naquit juste là où il sentait son cœur.

— Amis, chuchota-t-il. 

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