Chapitre 21 - partie 1
En arrivant dans la salle du trône, Callum fut frappé par la foule qui s'y trouvait. Il n'y avait pas eu autant de monde pour l'annonce de la capture du prince, ni même pour assister à sa punition après le meurtre de Marcurio et pourtant, les dieux savaient à quel point ils lui avaient paru nombreux ce jour-là.
Perché sur son estrade, tous ses chefs de guilde réunis autour de lui, Silus dominait son peuple tel le roi qu'il avait toujours voulu être. Il souriait à l'image des gargouilles sculptées sur son siège. Callum frissonna. La bonne humeur de son maître l'effrayait encore plus que sa colère. Nabal-Dar était là aussi ce qui n'étonna guère l'assassin. Depuis son arrivée, l'émissaire était devenu la nouvelle ombre de Silus.
— Callum, Edwane, ne restez pas à l'entrée, approchez donc, les accueillit Silus.
Les spectateurs s'écartèrent alors pour les laisser passer, leur ouvrant une véritable avenue jusqu'au trône. Ces centaines d'yeux braqués sur lui donnaient l'impression désagréable d'être un agneau en route vers l'autel sacrificiel.
— Tu aurais pu me prévenir, marmonna Callum en s'agenouillant devant Silus.
— J'avais peur que tu cherches à te défiler, répondit le rouquin en faisant de même.
— Relevez-vous et venez donc près de moi. Après tout, sans vous et votre travail d'hier, la nouvelle de l'invasion serait peut-être arrivée jusqu'aux oreilles du roi.
Ils n'étaient que deux à avoir assisté à la discussion entre Lupius et le seigneur Aalart, ce qui ne laissait qu'une seule personne susceptible de l'avoir raconté à Silus. Callum se tourna vers Edwane, mais celui-ci se garda bien de croiser son regard. Comme l'avait soupçonné Callum, l'ex-apprenti de Marcurio chuchotait à l'oreille du roi. Et s'il lui avait parlé de ça, que lui avait-il dit d'autre ?
— Toutes les pièces sont désormais en place sur l'échiquier, poursuivit Silus une fois que les deux ombres l'eurent rejoint sur l'estrade. Dans deux jours, pas un de plus, nous nous introduirons au château et nous mettrons un terme au règne de l'usurpateur.
Ses yeux dorés comme ceux des félins, prédateurs sadiques avec lesquels il partageait bien plus que cette similarité physique, parcoururent la foule avant de se poser sur Callum. Celui-ci déglutit. Dans deux jours, il tuerait l'homme responsable de la mort de son père. Dans deux jours, il deviendrait définitivement un traître et Aidan le haïrait comme lui même haïssait le roi.
— Callum et Edwane se chargeront cette mission. Pendant ce temps, Nabal-Dar et ses hommes prendront d'assauts la ville haute.
Callum remarqua alors les silhouettes enturbannées qui occupaient toute la partie gauche de la pièce. Ils étaient au moins une centaine. Bien plus nombreux que les quelques individus qu'il avait croisés avec Aidan. Ils avaient dû arriver pendant qu'il était cloué au lit après sa flagellation. L'espace d'un instant, il se demanda si cela n'avait pas fait partie du plan de Silus. En le tenant ainsi éloigné des préparatifs, il lui avait épargné de trop s'interroger sur le prix que sa vengeance allait coûter au royaume, mais c'était trop machiavélique, même pour quelqu'un comme son maître. Voilà en tout cas ce qui expliquait les mouvements suspects dont avait parlé Lupius. Silus avait dû user de toute l'influence qu'il disposait pour réussir à faire pénétrer autant d'Islaodians sur le territoire sans que cela éveille les soupçons. Surtout qu'on ne pouvait pas dire que ces géants à la peau noire qui se trouvaient en contrebas se fondent facilement dans le décor.
— Le dédale, ainsi que le port nous sont déjà acquis, expliqua Nabal-Dar. Les soldats ne s'attendent pas à une attaque de l'intérieur. L'effet de surprise devrait nous garantir une victoire rapide. Une fois le roi éliminé, nos complices à la cour feront sonner la cloche pour annoncer sa mort. Cela devrait finir de désorganiser le peu de résistance que nous pourrions rencontrer. Au matin, nous devrions être maîtres de la capitale.
— Nous détenons l'héritier du trône. Quand tout cela sera terminé, il n'aura d'autre choix que de signer la capitulation de Riglian. Nous saurons alors maître du royaume, ajouta Silus, provoquant les vivats de l'assistance.
—Jamais, fit une voix que Callum connaissait trop bien.
Et merde, Aidan ! Il paraissait minuscule encadré comme il l'était par les silhouettes massives d'Abnus et d'Ignus. Pourtant, et ce malgré sa coiffure asymétrique et sa chemise déchirée, il n'avait jamais autant ressemblé à un prince qu'à ce moment-là. La foule ne s'y trompa pas. Elle s'écarta pour le laisser passer.
— Jamais, je ne livrerais pas Riglian à qui que ce soit, reprit Aidan en avançant d'un pas.
Défier ainsi Silus était une mauvaise idée, une très très mauvaise idée. Il fallait qu'il intervienne avant que la situation dégénère. Mais comment ? Tous les regards étaient braqués sur eux. Dans ces conditions, la moindre erreur pouvait leur coûter très cher. À tous les deux.
— Je suis désolé, Votre Majesté, nous avons trouvé celui-ci qui rodait près de la sortie, expliqua Abnur en s'inclinant face à l'estrade.
— Je m'en occupe, déclara Callum, bien décidé à soustraire cet inconscient d'Aidan à la colère de Silus.
Son maître le stoppa d'un simple geste
— Ah oui ? lança Silus. N'était-ce pas ce que tu étais censé faire ? Je t'ai laissé le sortir de son cachot, car je pensais que tu contrôlais la situation, mais il semble que je me sois trompé et que notre petit prince ait des velléités de s'enfuir.
Callum jeta un regard à Aidan qui détourna la tête. Jamais il n'aurait cru que le prince aurait le cran de tenter de s'enfuir. C'était un acte audacieux... Stupide... mais audacieux.
— Cela ne se reproduira pas, répondit Callum.
— J'y compte bien. Je veux que tu l'enfermes à nouveau dans les cachots.
— Maître... protesta Callum.
— Tu oserais contester mes ordres, Callum ? demanda Silus d'une voix lourde de menaces.
Callum serra les poings pour contrôler la colère qu'il sentait monter en lui. Fâcher Silus n'arrangerait les affaires de personne. Pour l'instant, le plus important était de sortir Aidan de cette pièce avant que Silus décide de l'intégrer au spectacle du jour.
— Non. Il sera fait comme vous le souhaitez, dit-il en se dirigeant vers l'escalier qui permettait de quitter l'estrade.
— Callum, l'arrêta le roi des rats. Attends. Je n'ai jamais dit que tu pouvais y aller. Retourne à ta place.
Callum dû faire preuve de toute l'autodiscipline qu'il avait acquise au cours de son séjour chez les rats pour contrôler la haine qui menaçait de le submerger et reprendre sa place au côté d'Edwane. Aidan avait vraiment choisi le pire moment pour sa petite crise de rébellion. La présence d'un public avait toujours décuplé le sadisme de Silus.
D'un geste, Silus ordonna aux deux brutes d'approcher. Celles-ci s'exécutèrent, poussant le prince devant eux. Grâce aux dieux, après son coup d'éclat, Aidan semblait décider à garder le silence. Sans doute s'était-il enfin rendu compte du merdier dans lequel il s'était fourré. Il ne chercha d'ailleurs pas à résister quand les jumeaux le forcèrent à s'agenouiller.
— Maîtrise-toi, Callum, murmura Edwane qui ne s'était pas départi de son éternel sourire. On dirait vraiment que tu souhaites planter un poignard dans le dos de notre roi. Je doute qu'il apprécie que tout le monde voie cette expression sur ton visage.
Callum enfonça ses ongles dans ses paumes, puisant dans la douleur la force de se reconstituer un masque impassible. Au fil des années, il avait eu à supporter les moqueries dues à son statut d'ancien noble, les humiliations, les brimades, il avait assisté à des actes répugnants ou barbares sans jamais montrer à quiconque que cela l'atteignait. Mais le regard de prédateur que posait Silus sur le prince provoquait chez lui une telle rage qu'elle éclipsait tout le reste..
Le roi des rats contempla un instant l'héritier agenouillé devant lui sans chercher à cacher sa satisfaction. Il se leva ensuite de son trône et descendit de son estrade sous le regard attentif de la foule. On aurait pu entendre une mouche voler tellement la salle était silencieuse. Jamais Callum n'avait vu autant de gens faire si peu de bruit. On aurait dit qu'ils avaient tous arrêté de respirer.
Le prince gardait la tête baissée, le visage dissimulé par sa longue chevelure. Silus s'accroupit en face de lui.
— Ainsi, petit prince, tu refuserais de coopérer à notre grand projet, dit-il en lui tirant les cheveux en arrière pour le forcer à le regarder
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