L'attaque de l'arsenal

Les deux sentinelles ne virent pas approcher les rebelles. Grâce à leur entraînement intensif, ils étaient capables de toucher une cible située à plus de cent-cinquante mètres de leur position. Cela leur permettait de mener des attaques tout en restant à couvert.

Le corps des soldats fut rapidement saisi de tremblement. Ils s'écroulèrent sur le sol quelques secondes plus tard.

Satisfait, Aaron se félicita une nouvelle fois d'avoir dans ses rangs un homme comme Gundor. Le jeune homme détestait la violence. Pouvoir mener à bien ses missions sans prendre la vie d'autrui était fondamental pour lui. Bien sûr, il n'avait parfois pas le choix. Mais, depuis qu'il avait élu domicile dans la forêt de Jorren, il n'avait tué que neuf personnes. Certes, neuf de trop à ses yeux mais sa vie et celle de ses guerriers en dépendait.

Puis le groupe avança prudemment en direction de la forteresse. Les soldats sur le chemin de ronde furent facilement repérés et neutralisés. Tandis que l'Archer avança avec ses compagnons, il songea à cette promesse qu'il s'était faite, quinze années auparavant. Il ignorait s'il serait capable d'y parvenir. Réalisant qu'il ne pouvait laisser son esprit s'égarer, le jeune homme reprit pleinement pied dans le présent. Lorcan se saisit d'un trousseau de clés que portait l'un des soldats évanouis. Il ouvrit la grille située à côté de l'imposante double porte en bois et la troupe se faufila à l'intérieur de l'arsenal.

Rory et Aaron levèrent leur arc en même temps pour abattre deux autres soldats.

Darick fut chargé avec une dizaine de rebelles de sécuriser la totalité des couloirs. Il était hors de question de circuler au sein du fort si les ennemis n'étaient pas neutralisés.

Cette opération ne prit que quelques minutes.

En attendant, Aaron resta prudemment à l'entrée de l'arsenal tout en prêtant attention au moindre bruit.

Comme toujours, il s'interrogeait sur la justesse de ses actes. Chaque fois qu'il lançait une expédition, ce n'était pas seulement sa vie qu'il mettait en jeu, mais celle de tous ses compagnons.

Oh, bien entendu, chacun connaissait les risques. Mais Aaron ne pouvait s'empêcher de culpabiliser à chaque fois.

Lui n'avait aucune famille, aucun enfant, aucun partenaire qui l'attendait à Jorren ou dans n'importe quel village d'Efrijan. Mais ce n'était pas le cas pour tout le monde.

Il avait personnellement informé les parents de Mahal après son décès. Et il ne s'en était toujours pas remis. Ces derniers l'avaient accusé d'entraîner de jeunes innocents dans une guérilla stupide et que sa croisade était de toute façon vouée à l'échec.

Aaron s'était retenu de leur dire qu'il comprenait leur douleur et il avait encaissé les reproches en silence.

À présent, alors qu'il attendait avec impatience le retour de Darick, il se demandait à nouveau s'il avait bien fait de se lancer dans une telle folie.

Tandis qu'il luttait contre ses tourments intérieurs, Aaron ne remarqua pas que tous attendaient son signal. Darick était en effet revenu, la voie était libre.

En rasant les murs de pierre, ils parvinrent à l'escalier qui menait aux sous-sols. Lorcan resta dans la cour afin de préparer les chariots et les chevaux.

Les soldats de l'arsenal tombaient comme des mouches, les uns après les autres. Sans avoir le temps de réaliser ce qui leur arrivait.

Les rebelles, rompus à ce type d'attaque, procédaient avec rapidité dans le silence le plus total. Aaron avait mis sur pied un système de communication par signes et il pouvait, à nouveau, se rendre compte que cela fonctionnait à la perfection.

Une seule sentinelle eut le temps de crier mais, heureusement, les autres ayant toutes été neutralisées, son appel resta vain.

Avec précaution, les rebelles commencèrent à transporter les caisses d'armes et les tonneaux de poudre. Leurs silhouettes projetaient des ombres fantomatiques sur le sol de la cour. Après avoir déposé son fardeau dans un chariot, Rory se gratta la tête, perplexe. Il interpella Lorcan afin de lui soumettre le fond de ses pensées :

— Même si Aaron nous a demandé de ne prendre que la moitié des munitions, tu ne trouves pas qu'il y en a peu ? Nous avons presque fini. Je crois qu'il reste cinq tonneaux en bas.

— Quoi ? s'exclama son compagnon.

Lorcan passa en revue le contenu des deux carrioles. Il secoua la tête :

— Avions-nous les renseignements exacts ? Peut-être qu'il existe d'autres salles dont nous n'avons pas connaissance.

— J'en doute. Aaron est bien trop maniaque pour avoir raté quelque chose. Je vais le chercher.

Rory dévala les escaliers en oubliant toute prudence. À l'entrée de la dernière réserve d'armes, son meilleur ami arma son arc avant de se rendre compte de sa méprise. Furieux, l'Archer réprimanda Rory :

— J'aurais pu te tirer dessus ! Je peux savoir pourquoi tu te comportes comme un imbécile ?

— Désolé, Aaron. Mais...Lorcan et moi avons remarqué quelque chose. Il manque des armes. Des munitions, des boulets de canon. Les troupes stationnées à Terglen ont pour mission de défendre toute la côte. En prenant la totalité des stocks disponibles, il n'y a même pas de quoi tenir un siège d'un mois. Korag est prétentieux mais pas à ce point-là !

Le chef des rebelles observa la pièce désormais vide. Les cloches de l'église de Terglen n'avaient pas encore sonné. Le sablier qu'il utilisait pour mesurer le temps atteignait à peine la demi-heure. Même s'il possédait des guerriers aguerris, ils n'auraient pas dû avoir terminé aussi vite.

— Où est Darick ? Je dois lui parler immédiatement ! jura Aaron.

— En haut, il contrôle les couloirs.

L'Archer rejoignit la cour intérieure au pas de course, Rory sur ses talons. Les chariots étaient prêts à partir, Lorcan faisait ouvrir la double porte d'entrée. Aaron aperçut Darick qui revenait de sa ronde. Il lui fit des signes autoritaires pour l'obliger à le rejoindre.

— Pourquoi y a-t-il si peu d'armes ? Regarde !

Darick observa incrédule le butin, intéressant mais finalement maigre des rebelles :

— Je ne comprends pas.

— Qu'est-ce que j'ai raté, Darick ? s'emporta Aaron.

— Rien ! Un arsenal comme celui-ci devrait contenir le triple, au moins, si je multiplie par deux ce que nous prenons.

— Et si Korag avait tenté de nous piéger ?

— Quoi ?

— Les navires, l'expédition vers les îles du Nord, si tout cela n'était qu'un mensonge ?

— Comment...

Aaron leva une main pour faire taire Darick :

— Nous en discuterons plus tard. Nous partons. Attends-moi à ton quartier général.

Le jeune homme observa Lorcan quitter les lieux avec les chariots. Toutes les sentinelles étaient toujours inconscientes. Mais un grincement alerta l'Archer. Un soldat fit alors brusquement irruption dans la cour. Il hurla lorsqu'il aperçut les rebelles. Si Aaron le réduisit au silence facilement, le mal était fait. Tandis que les intrus quittaient l'arsenal à toute vitesse, les soldats quittaient leur dortoir en vociférant.

L'Archer ayant prévu qu'un tel scénario pouvait se produire, il n'eut pas à rappeler les consignes à ses guerriers. Ils se séparèrent et partirent récupérer les chevaux qu'ils avaient soigneusement dissimulés dans des endroits stratégiques.

Aaron reprit la direction de Terglen. Un peu avant d'arriver en ville, il obliqua sur la gauche pour rejoindre une jolie maison bourgeoise. Il laissa son cheval dans les écuries et se dirigea vers l'arrière de la demeure. Darick arriva à cet instant. Les deux hommes furent invités à entrer par la propriétaire des lieux, une jeune veuve qui soutenait financièrement les rebelles grâce à l'argent que lui avait laissé son défunt mari.

Cette dernière s'inquiéta du regard sombre de ses visiteurs :

— Cela ne s'est pas bien passé ?

— Tout était parfait. Un peu trop en réalité, pesta Aaron.

— Eily, avez-vous entendu des rumeurs ces dernières semaines au sujet des troupes stationnées à l'arsenal ? demanda Darick.

— Eh bien, je sais que certains se plaignaient de la lenteur à laquelle les vivres leur étaient fournis.

— Rien d'autre ? insista Aaron.

— Hum...oh, il y a eu une bagarre en ville dans la taverne du vieil Holger. Il y a trois jours. D'après ce que je sais, deux soldats reprochaient à un troisième d'avoir obtenu un grade plus élevé alors qu'il est plus jeune. Holger m'a raconté que l'ambiance n'était pas très bonne dans le fort depuis quelques semaines.

Darick et Aaron échangèrent un regard. Le premier comprit l'appel silencieux du second. Il devait se renseigner au plus vite.

L'Archer se tourna ensuite vers Eily :

— J'aimerais que ton frère essaie de glaner des informations supplémentaires sur ce qui se passe réellement au sein de l'arsenal. Et qu'il me les transmette par la voie habituelle. Je lui laisse dix jours.

— Très bien, je lui transmettrai ce soir tes directives. Aaron, comptes-tu repartir dès maintenant ? L'alerte a été donnée, je présume. Ce serait dangereux de sortir.

— Nous sommes à l'extérieur de la ville. Ils iront d'abord vers le port pour vérifier les navires. Je serai déjà loin. Et, le temps qu'un messager parvienne à Halsora, j'aurais déjà atteint la maison où je passerai la nuit. Rassure-toi Eily, tout ira bien.

Le jeune homme salua ensuite la veuve et s'enfuit au galop dans la campagne. Darick l'imita quelques instants plus tard.

Tandis qu'il chevauchait, Aaron formulait de nombreuses hypothèses au sujet de l'arsenal. Certes, ses alliés recevraient de nouvelles armes. Un atout non négligeable. Mais l'attitude désinvolte de Korag le perturbait. L'Archer en était convaincu : le tyran avait volontairement déforcé les troupes sur place. Pourquoi ?

Inquiet, il força sa monture à garder un rythme soutenu. Il avait hâte de rentrer à Jorren. Dès que tous les membres du conseil seraient de retour, il organiserait une réunion.

Aaron savait qu'il avait raté quelque chose. Comment, il l'ignorait. Et il devait éclaircir la situation le plus vite possible. 



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Ces premiers chapitres sont plus courts que les suivants. Ils seront retravaillés et enrichis à la réécriture ;-)

Voilà une mission couronnée de succès mais...que manigance Korag à votre avis ?

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