En route pour Terglen
Une grande partie des rebelles quitta le refuge de Jorren au beau milieu de la nuit. Après trois longues heures de marche, ils parvinrent à la lisière de la forêt. Aaron envoya une quinzaine de guerriers chercher des chevaux dans les deux fermes les plus proches.
Le jeune homme avait patiemment construit son réseau de soutien. Ce dernier s'étendait à présent à tout le pays. C'est ainsi qu'il parvenait à nourrir ses troupes et à disposer d'armes pour mener ses combats. Il pouvait compter sur l'appui des différentes classes de la population. Paysans, commerçants, bourgeois et nobles opposés à Korag l'aidaient selon leurs moyens respectifs.
Aaron avait cependant dû mettre en place une certaine logistique pour se déplacer sur les terres d'Efrijan.
Ainsi, afin de ne pas mettre en danger les habitants qui prenaient des risques pour lui, une grande partie des équidés dont il avait besoin étaient répartis au sein de six fermes et de plusieurs demeures de familles fortunées autour de Jorren.
Mais personne ne savait qu'Aaron s'était établi dans la forêt. Il n'avait rien révélé à personne. Même à ceux qui le soutenaient depuis plus de dix ans.
Darick avait reçu l'interdiction d'en parler à ses espions et à tous les gens qui travaillaient avec lui.
Et l'Archer avait trouvé une astuce imparable. Il alimentait une vieille légende à propos de Jorren. Même les fermiers des alentours étaient tombés dans le piège. À intervalle régulier, lorsqu'il leur rendait visite, Aaron s'amusait à vérifier que le subterfuge fonctionnait toujours.
D'autres montures étaient également disponibles non loin de chaque endroit stratégique du pays.
Les raids que menait Aaron pouvaient durer entre deux et huit jours. C'est pourquoi, il avait également pris soin de veiller à ce que chaque membre de la troupe puisse dormir dans un endroit sûr chaque nuit passée en dehors de leur refuge.
Lorsque les cavaliers revinrent, ceux et celles qui ne disposaient pas de cheval grimpèrent derrière un partenaire. Ils allaient rejoindre un autre lieu pour prendre possession de leur propre destrier.
Les rebelles ne pouvaient pas traîner. Le trajet jusqu'au port de Terglen leur prendrait toute la journée. Aaron espérait y parvenir à la tombée de la nuit. Pour garder un rythme soutenu, chaque membre de la troupe changerait à trois ou quatre reprises de cheval. Ils ne pouvaient se permettre de perdre du temps.
L'Archer se félicitait d'avoir envoyé Saïra et Kalaris quelques heures avant lui. Si tout se passait bien, leurs espions seraient déjà à bord des navires de Korag dans le courant de l'après-midi.
Comme chaque fois qu'il quittait la forêt, le jeune homme scrutait les alentours avec attention. Assuré qu'ils étaient seuls, il ordonna le départ vers Terglen. Les rebelles partirent par groupe de deux, de trois ou de quatre car ils étaient trop nombreux pour voyager tous ensemble.
Avec les années, Aaron avait établi une méthode efficace pour ne pas se faire repérer par les soldats de l'actuel roi d'Efrijan. Il privilégiait les équipes mixtes ou exclusivement féminines. Les premières se faisaient passer pour des familles ou des couples selon l'âge de leurs membres. Les secondes pour des sœurs allant retrouver leurs parents ou leur partenaire après un séjour chez des amis.
Ils étaient vêtus comme de simples paysans ou commerçants pour passer inaperçus. Lorsqu'ils arrivaient non loin de leur cible, ils s'arrêtaient chez des habitants acquis à leur cause où ils revêtaient des habits plus appropriés au combat. Ainsi que de quoi cacher leur visage.
Jamais aucun rebelle n'avait été arrêté jusqu'à présent. Chacun connaissait parfaitement ce qu'il devait faire.
Seul Aaron gardait son masque en permanence. Il portait une veste assortie d'une capuche qui dissimulait une grande partie de ses traits. Il se cachait derrière une maison ou un bosquet lorsqu'il avait le malheur de croiser des soldats de Korag.
Il arrivait néanmoins que la troupe rentre à Jorren avec des blessés mais c'était assez rare, heureusement.
Par trois fois en revanche, Aaron avait perdu des guerriers. Les deux premiers décès étaient survenus plus de dix ans auparavant. L'Archer avait reconnu qu'il avait sous-estimé les forces ennemies et mal préparé son raid. Deux hommes étaient tombés dans une embuscade et avaient été abattus sans sommation.
La troisième perte avait été la plus difficile à accepter. Il s'agissait d'une jeune femme prénommée Mahal qui venait à peine de rejoindre la troupe. Elle s'était très vite intégrée et tout le monde l'appréciait. Cependant, même si elle était une combattante prometteuse, elle était trop fougueuse et impulsive. Mahal avait lancé une attaque sans attendre l'ordre d'Aaron. Elle avait affronté courageusement cinq membres de la garde rapproché de Korag mais n'avait pas pu prendre le dessus.
La mort de Mahal avait dévasté l'ensemble des rebelles. Deux ans après les faits, sa disparition restait toujours aussi douloureuse à accepter.
L'Archer avait alors soumis ses guerriers à un entraînement plus intensif encore et avait multiplié les discussions autour des stratégies de bataille. Il refusait de perdre encore quelqu'un par défaut de prévoyance.
Aaron prit la direction du village de Valmäe où il s'arrêterait pour se restaurer et changer de monture. À chaque sortie, il veillait à prendre à ses côtés un guerrier différent. Pour ne vexer personne et montrer qu'il était attentif à tout le monde. Cette fois il était accompagné de Kael, un jeune homme qui avait rejoint la forêt trois années auparavant. Ses parents avaient tenu une auberge à Halsora, la capitale d'Efrijan. Lors de sa prise de pouvoir, Korag avait instauré un système de taxes si contraignant que bon nombre de commerçants s'étaient retrouvés incapables de payer. Les parents de Kael avaient vendu leur auberge cinq années après l'arrivée du dictateur sur le trône et vivotaient dans une ferme. Une fois par an, Aaron leur faisait parvenir une partie de l'argent qu'il volait dans les réserves royales. Ce n'était pas grand-chose mais cela leur permettait, comme à tous les autres habitants d'Efrijan qu'il aidait, de maintenir la tête hors de l'eau.
Tandis qu'ils chevauchaient, Kael s'enquit des plans de l'Archer :
— Comment comptez-vous procéder ?
— Les espions de Saïra et Kalaris ainsi que les brigands qui travaillent à leur solde endommageront le navire, les armes et voleront la nourriture. Une dizaine de membres de notre troupe les rejoindront pour les aider. Le reste s'attaquera à l'arsenal. Nous serons soutenus par Darick et ses combattants.
— Darick vivait à Jorren avant, n'est-ce pas ?
— Oui, il est parti il y a déjà six ans. Le confort rudimentaire de notre repère et l'éloignement par rapport à sa famille ont eu raison de lui. Néanmoins, il refusait de nous abandonner. C'est pourquoi je l'ai chargé de constituer un escadron d'hommes et de femmes prêts à se battre. Il a eu l'intelligence de recruter parmi les exclus de l'armée d'Efrijan. Ils connaissent à la perfection l'ensemble des bâtiments militaires du pays et ont réussi à placer des espions au sein des troupes de Korag. À l'heure actuelle, nous disposons de plus de cinq cents guerriers à travers tout le pays prêts à prendre les armes à nos côtés. Une cinquantaine d'entre eux sont entièrement dévoués à la surveillance du port de Terglen, de l'arsenal et des environs.
— Ce sera une aide précieuse pour notre mission, déclara Kael.
— En effet. Si je me rappelle bien, ce n'est que la quatrième fois que tu nous accompagnes ?
— Oui mais je sais me battre ! Et je respecterai vos ordres.
— Oh, je n'en doute pas. Cependant, je tiens à te rappeler la règle la plus importante. Tu ne dois tuer un adversaire que si cela s'avère strictement nécessaire. Je n'ai pas créé notre troupe pour mettre le pays à feu et à sang comme Korag. Si ta vie ou celle de l'un des nôtres est menacée, tu es autorisé à te défendre. Uniquement dans ce cas précis.
— Je ne l'oublierai pas, Aaron.
Ils ne croisèrent personne jusqu'à Valmäe. Là, ils s'arrêtèrent à l'arrière d'une auberge et confièrent leurs chevaux aux bons soins des enfants des propriétaires des lieux. Assurés que la voie était libre, les deux hommes pénétrèrent dans la salle à manger et furent accueillis avec chaleur par la maîtresse des lieux :
— Aaron, mon petit, quelle joie de te revoir. De quoi as-tu besoin ?
— D'un bon repas. Nous avons quitté Jorren au beau milieu de la nuit et n'avons pas encore pris le temps de nous arrêter pour manger.
— Installez-vous tous les deux. J'ai du pain, du fromage, des œufs, du bouillon d'hier soir et des pommes du verger. Ah et je pense bien qu'il me reste de la tourte.
— C'est parfait. Merci Shaelys.
— Je vous sert une coupe de vin ?
— Avec plaisir.
Aaron et Kael se régalèrent et discutèrent pendant plus d'une demi-heure avec Shaelys. Cette dernière se désolait de ne pouvoir apporter son aide à la troupe des rebelles. L'Archer la rassura :
— Tu nous offres le gite et le couvert en toutes circonstances. Ainsi que des chevaux. Et le réseau qu'Elias et toi avaient créé pour nous fournir des armes est performant. Détrompe-toi, ta famille est un véritable soutien pour notre cause.
— Dois-je te retenir une chambre ?
— J'ignore combien de temps durera notre mission. Néanmoins, peux-tu nous garder un lit pour demain ? Et peut-être une nuit de plus.
— Bien sûr ! déclara Shaelys.
Puis, l'aubergiste se pencha vers Aaron en souriant :
— Si nécessaire j'enverrai les enfants dans l'écurie. Ils adorent dormir avec les animaux !
Les deux guerriers prirent ensuite congé de l'affable dame, changèrent de monture et reprirent leur route vers le port de Terglen. Ils ne connurent aucun contretemps et, comme l'espérait le chef des rebelles, ils arrivèrent aux abords de la ville côtière au début de la nuit. Aaron et Kael se rendirent dans l'arrière-salle d'une taverne pour y retrouver Rory et Lorcan. Assurés d'être seuls, l'Archer leur demanda de lui faire un compte-rendu de la situation.
— Les hommes de Saïra ont convaincu la plupart des matelots d'aller festoyer en ville. Les quatre sentinelles restantes ont été faciles à neutraliser selon Kalaris. Les canons sont hors d'usage sur les deux navires. Ils n'ont plus d'eau et de vin. Et le transfert de la nourriture est toujours en cours indiqua Lorcan.
— Très bien. Les armes ?
— Une petite partie seulement est inutilisable. Darick a envoyé quelques amis pour accélérer l'opération. Cela devrait être terminé dans deux heures.
— Parfait. Les explosifs ?
— Darick n'a pas réussi à se procurer autant de poudre qu'il le souhaitait. Nous pourrons faire sauter quelques portes mais cela ne sera pas suffisant pour détruire les stocks d'armes. De toute façon, nous devons pénétrer dans l'arsenal si nous voulons créer le plus de dégâts possible.
— Mais, si nous incendions les bâtiments, cela ferait tout sauter, non ? interrogea Rory.
— Non, malheureusement. Le gros des armes et des munitions se trouvent en sous-sol, dans des salles aux murs de pierre. J'espérais que Darick puisse obtenir de la poudre en suffisance afin de nous permettre de lancer une seule et unique explosion. Et ainsi limiter le nombre de nos combattants présents sur place. Je dois revoir notre stratégie
— D'accord. Désolé Aaron, je n'avais pas compris le plan d'attaque. Et pour les sentinelles, comment vas-tu faire ?
— Nous ne changeons rien à notre manière d'opérer. Dès que Gundor sera arrivé, il se chargera des flèches empoisonnées. Allons nous reposer quelques heures. Nous lancerons l'assaut aux premières lueurs de l'aube.
Aaron et ses compagnons rejoignirent la maison d'un ami afin d'y dormir et récupérer avant le début des opérations. Le jeune homme était confiant malgré le manque de poudre dont ils disposeraient. Il avait confiance en chaque membre de sa troupe.
-----------------
Les rebelles sont en route pour Terglen.
Que pensez-vous de l'organisation qu'Aaron a mise sur pied ?
A votre avis, l'opération va-t-elle se dérouler selon les plans d'Aaron ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top