Chapitre 3 :"Je suis pas du matin, fichez-moi la paix jusqu'à ce soir."



Robyn

Dimanche. Jour de ménage.

Mon combat hebdomadaire.

Le mot "bordel" est un doux euphémisme pour caractériser ce qui m'entoure. Je pourrais candidater pour participer à l'émission télé Ménagez-moi où deux quinquagénaires psychorigides s'attaquent à la crasse et au désordre. L'une d'elle est catho, je crois. Face à mon appart, elle ferait le signe de croix en levant les yeux au ciel.

Plantée au milieu du champ de bataille, je constate l'étendue des dégâts d'un œil morne. Tel un général rigoureux pendant l'inspection des troupes, je fourbis mes armes en planifiant mes stratégies. Aspirateur bon marché ? Branché. Plumeau multicolore ? Prêt à l'emploi. Eponge ? Elle attend patiemment son heure. Reste à savoir par quoi commencer.

Il y en a partout. On dirait qu'un ouragan a ravagé mon salon. Des fringues qui empestent disséminées en boule à terre. Une boîte à pizza tristement abandonnée depuis des jours sur la table basse parmi tous les dessins d'arcs-en-ciel d'Anya – elle fait une fixette là-dessus depuis la rentrée. Un pot de glace aux trois chocolats impitoyablement vidé de son délectable contenu par nos soins pendant la rediffusion de la Petite Sirène* rive un œil accusateur sur mes petites poignées d'amour. La cuisine, avec sa vaisselle sale qui déborde dans l'évier et son bar qui croule sous les emballages et bouteilles, pourrait servir de cadre à un remake de l'Exorciste*. La musique angoissante flotte dans un coin de ma tête. Je prie pour ne pas retrouver des bestioles rampantes bizarres au fond des assiettes.

Vu l'odeur ambiante, il faut en priorité AE-RER ! J'ouvre la porte-fenêtre du salon et de la cuisine. Un vent tiède et printanier s'engouffre dans mon cloaque. J'inspire à pleins poumons. Les oiseaux qui pépient dans les arbres, un rayon de soleil qui caresse ma peau et mon humeur s'allège comme par magie. 

Je décoche un regard curieux, par pur réflexe, à l'appart en face au mien. Les volets sont encore fermés. Ce n'est pas un lève-tôt, contrairement à moi, mais il n'est que 10h du mat après tout. Mmmh, je l'imagine dormant nu dans son lit, à plat ventre, les cheveux en bataille, le visage paisible, ses fesses rondes et musclées dépassant du drap et...

Je m'égare. Je me flanque une petite gifle sur la joue droite pour me discipliner. Du nerf, ma vieille ! Ce n'est pas le moment de fantasmer sur ton apollon de voisin, tu as du boulot.

Déterminée, je m'empare de la télécommande de la chaîne hi-fi et je lance une musique bien dynamique pour me donner du courage, sans monter le son trop fort pour ne pas réveiller ma princesse. De toute façon, elle a un sommeil de plomb. Un tremblement de terre ne pourrait pas la tirer de son sommeil. Mais elle ne devrait pas tarder à se lever : en général, le dimanche, elle se réveille entre 9h30 et 10h30.

C'est parti ! Je retrousse mes manches imaginaires en couvant la vaisselle d'un œil menaçant.

En chantant – faux – par-dessus la musique, je récure, j'astique, je brosse, je nettoie, je rince et j'essuie les verres, couverts, assiettes, tasses, bols, casseroles et poêles. Mon prochain achat utile quand j'aurais du fric ? Un putain de lave-vaisselle ! La vaisselle est ma hantise. Une fois sur trois, maladroite comme je suis, je casse des trucs. Je suis obligée de racheter des verres, des tasses et des assiettes tous les mois. J'ai essayé de soudoyer Anya pour la faire à ma place, mais voilà un énième point commun entre nous : elle déteste faire la vaisselle. Même quand, un jour où le désespoir le plus noir m'a fait légèrement paniquer, je lui ai proposé un billet de 10 euros pour qu'elle s'acquitte de la corvée à ma place. Son regard perplexe a volé de l'évier surchargé au billet que j'agitais sous son nez, elle a haussé les épaules et s'est repliée dans sa chambre. La traîtresse. L'ingrate. Je m'en souviendrai lorsqu'elle aura quarante balais et ramènera son premier petit-ami à la maison – si elle me fait le coup avant, je le bute. Je me ferai un plaisir sadique de lui montrer un album garni de photos compromettantes de mon bébé adoré. Anya à poil sur le pot brandissant une main couverte de caca, Anya à la frimousse constellée de boutons de varicelle, Anya mangeant un camembert entier avec un sourire aux dents pleines de fromage coulant. Ca lui fera les pieds, au futur gendre. Je suis experte en tue l'amour et en coups bas. 

Un rire machiavélique s'échappe de ma gorge à cette idée.

– Maman, pourquoi tu rigoles toute seule ? geint une petite voix à moitié endormie dans mon dos.

Je me retourne en jetant fièrement mon torchon mouillé par-dessus mon épaule. Première bataille contre la vaisselle remportée. 

Robyn : 1. Ménage : 0.

Fuck la vaisselle.

– Pour rien, ma puce. Bien dormi ?

Ses cheveux blonds ébouriffés, elle hoche la tête en bâillant et en se frottant les paupières avec un petit poing, son Pink Bunny calé sous son bras. Mon cœur attendri de maman fond devant cette image. J'aperçois une trace de salive séchée sur sa chemise de nuit rose affublée d'un arc-en-ciel. Je me baisse pour couvrir son visage encore chaud de baisers baveux.

– Arrête, m'man, tu m'étouffes ! proteste Anya en grognant et en riant.

– Moi ? Jamais ! Je suis la mère la plus cool au monde, je nie en lui montrant la tasse violette qu'elle m'a offerte à mon dernier anniversaire avec pour inscription "je suis pas du matin, fichez-moi la paix jusqu'à ce soir".

Je m'autorise une pause bienvenue dans mon ménage pour lui préparer son petit-déjeuner : jus d'orange pressé, céréales au chocolat noyées dans le lait et une tranche de brioche tartinée de nutella. Oui, je sais, certains diraient que ce n'est pas le repas le plus équilibré qui soit, mais d'une part, elle n'a que six ans et elle est toute mince, d'autre part, les autres peuvent se fourrer leur avis bien profond dans le cul. 

Nous discutons pendant qu'elle mange avec appétit. Elle me raconte son rêve de la nuit. J'opine du chef avec un sourire amusé. Anya est passionnée de lecture. Elle a une imagination débordante, comme moi ; par conséquent, ses songes sont souvent absurdes, toujours cocasses. Je les consigne dans un carnet pour en garder une trace écrite en les illustrant avec des dessins. Elle sera peut-être heureuse de relire ses histoires et de voir mes croquis plus tard. Au pire, si elle n'en veut pas, je serai heureuse de relire ses histoires lorsque je serai vieille, décrépie et esseulée dans ma chambre de maison de retraite. Si je ne suis pas devenue aveugle ou sénile. Etant donné mon état mental actuel précaire, je préfère ne pas m'avancer sur ce point.

– ...et la grosse dame en robe de viande, elle portait un panier de pissenlits, de roses et de champignons qu'elle jetait sur le vilain lutin barbu et la licorne bleue à deux cornes, conclut très sérieusement Anya en touillant ses céréales.

Association d'idées improbable sous mon crâne : Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier alu*.

– Si elle a deux cornes, ce n'est pas une licorne, je lui fais remarquer en écrivant la fin de son rêve dans mon carnet.

– C'est quoi alors ?

Excellente question, mon enfant... Je me creuse la cervelle pendant plusieurs secondes en me tapotant le menton avec le bout du stylo avant de répondre comme si c'était l'évidence même :

– Un cheval à deux cornes.

– Un cheducorne, décrète ma fille en éclatant de son rire flûté.

– Nouveau mot breveté, validé et approuvé par la matriarche ! je scande en lâchant mon stylo pour applaudir sa performance linguistique.

J'avale mon troisième café de la matinée et je reprends mon ménage.

Anya se porte volontaire pour m'aider, ce qui me réjouit.

A deux, normalement, le processus devrait aller plus vite...

Mais nous deux ensemble ?

Nous avons tendance... à nous disperser.

Le début se déroule à merveille, pourtant : Anya ramasse nos vêtements dans tout l'appart pour aller les empiler dans le bac à linge sale et je me charge des emballages vides pour les jeter à la poubelle. Jusque-là, tout roule, nous sommes organisées et assidues, les mégères de Ménagez-moi seraient impressionnées. Tandis que je passe un coup d'éponge sur le bar en fredonnant, le son de la chaîne hi-fi monte brusquement. Les premières notes familières de Happy de Pharrel Williams retentissent dans le salon.

It might seem crazy what I'm 'bout to say
Sunshine she's here, you can take a break

Je hurle comme une hystérique, joignant mes cris à ceux, tout aussi stridents, de ma fille. Je balance mon éponge contre le mur et coure vers Anya, qui sautille sur place en battant des bras, folle d'excitation. Ses beaux yeux verts pétillent, son sourire est radieux.

Notre chanson !

Elle nous confère une pêche extraordinaire. Chaque fois qu'on l'entend, on chante, on se trémousse et on pète une durite. Je ne sais pas pourquoi, mais cette musique a le don de nous plonger dans un état second. Peu importe le contexte. Une fois, on se baladait dans la rue et une voiture est passée sur la route avec Happy à fond la caisse. Anya et moi avons glapi le refrain en bondissant sur le trottoir comme deux patientes évadées de l'asile psychiatrique sous le regard ahuri des passants. Nous connaissons toutes les paroles par cœur, même si notre accent épouvantable ferait grincer des dents tout anglophone qui se respecte.

J'attrape la main tendue de ma fille et je la fais tournoyer sous mon bras. Nos voix couvrent celle du chanteur entre deux gloussements. Nos paumes claquent les unes contre les autres au rythme de la chanson et nous nous dandinons comme des dindes dans tout le salon. Heureusement que le ridicule ne tue pas, sinon nous serions dix pieds sous terre.

Huh, because I'm happy
Clap along if you feel like a room without a roof
Because I'm happy
Clap along if you feel like happiness is the truth
Because I'm happy
Clap along if you know what happiness is to you
Because I'm happy
Clap along if you feel like that's what you wanna do

Une chose est sûre, je suis de bien meilleure humeur qu'au réveil.

***

Valentin

Je suis de très mauvaise humeur dès mon réveil.

Pourquoi, me direz-vous ?

A cause de la stupide musique qui provient de l'extérieur.

Bordel, il y a vraiment des sans-gêne ! On est dimanche, est-ce trop demander de pouvoir faire une grasse matinée jusqu'à midi ? Je suis épuisé, j'ai besoin de me reposer. Hier, ma cible s'est débattue violemment pendant que je l'étranglais avec un fil métallique dans son lit. L'homme m'a donné littéralement du fil à retordre. Ce coglione* m'a bourré les côtes de coups de coude, je dois avoir les flancs constellés d'hématomes.

Je n'aurais pas dû laisser la fenêtre de ma chambre ouverte.

Après l'avoir refermée, je pousse un grognement furieux et enfouis ma tête dans mon oreiller en le pressant contre mes oreilles. En pure perte. Les paroles entêtantes se sont incrustées dans mon cerveau comme des mauvaises herbes. 

J'abhorre cette chanson. Elle me hérisse tous les poils du corps. On l'entend toutes les dix minutes à la radio, le clip passe en boucle à la télé et les gens fredonnent même l'air dans la rue. Des envies de meurtres naissent au creux de mes entrailles à ce son. Tout cet optimisme naïf qui dégouline dans les paroles est le comble de l'hypocrisie dans un monde comme le nôtre. Happy, mon cul ! Je suis loin d'être heureux, là tout de suite !

Je repousse les draps d'un geste sec et je me lève en me passant une main lasse sur le visage. Même si la musique cessait, je n'arriverais pas à me rendormir et je ne suis pas le genre d'homme à me prélasser au lit. Foutu pour foutu, autant que je mette mon temps libre à profit en travaillant sur mon prochain contrat. 

Je fais un tour aux toilettes, j'enfile un pantalon de pyjama et je me dirige vers la cuisine. Je me prépare un café – ma priorité absolue du matin – et, après avoir bu les premières gorgées, j'actionne le bouton pour remonter le volet électrique du salon. J'ouvre la porte-fenêtre en plissant les yeux, ébloui par le soleil. La musique agaçante flotte jusqu'à mes tympans qui saignent. Per l'amor di Dio* ! Je m'avance sur mon balcon jusqu'à la balustrade en cherchant la source de la nuisance sonore. Si j'avais l'assurance qu'ils se déplaceraient, j'appellerais les flics de façon anonyme sans hésiter, mais je doute qu'ils accordent la moindre attention à ma plainte. Deux voix féminines beuglent avec un accent à couper au couteau par-dessus celle du chanteur.

Here come bad news, talking this and that
(Yeah) Well, give me all you got, and don't hold it back
(Yeah) Well, I should probably warn you I'll be just fine
(Yeah) No offense to you, don't waste your time
Here's why

Le tapage matinal vient de l'appartement d'en face.

Pourquoi ne suis-je pas surpris ?

Ma tasse de café à la main, je m'accoude à ma balustrade pour ne pas perdre une miette du spectacle inédit et croustillant que la pin-up – Robyn Lewis, d'après l'étiquette sur sa boîte aux lettres – et sa fille m'offrent ce matin. C'est si captivant que je ne parviens pas à détacher mes yeux d'elles. L'étendoir à linge est replié sur le côté et aucun obstacle ne me gâche la vue.

Je me marre en sourdine. Mon humeur massacrante n'est plus d'actualité.

Leur complicité est flagrante. Elles sont très proches l'une de l'autre, fusionnelles. Leurs voix enthousiastes sont entrecoupées par des éclats de rires. Elles exécutent une chorégraphie sommaire et désordonnée, quoi que pas totalement dénuée de grâce. Elles tourbillonnent et se déhanchent à travers la pièce en se tenant les mains. Leurs cheveux voltigent autour d'elles dans tous les sens. Robyn soulève sa gamine hilare de terre en la capturant par la taille et la renverse sur le canapé pour lui chatouiller le ventre. Puis la petite fille se dégage en lui expulsant un coussin à la figure, que sa mère lui renvoie. La blondinette bondit plusieurs fois sur le canapé en frappant dans ses mains, euphorique. Sa mère, un poing en l'air, brandit une petite bouteille en plastique devant sa bouche ouverte en faisant mine de tenir un micro dans une pose rock'n roll. La gamine est pliée de rire devant le numéro de la jeune femme. Elles rayonnent ensemble. Elles sont touchantes. Elles respirent la simplicité, le naturel et la joie de vi...

– MAIS PUTAIN, VOUS ALLEZ FERMER VOS GUEULES LES GRELUCHES, Y'EN A QUI VEULENT DORMIR ! rugit une voix d'homme, accompagnée par une série de coups sourds et puissants que j'entends de chez moi.

Robyn et sa fille se taisent subitement, interdites. Je fronce les sourcils en orientant mon regard courroucé vers leur vieux voisin de droite qui vient de frapper brutalement le mur séparant leur salon du sien. Ma mâchoire se crispe de tension. On ne lui a jamais appris la politesse à celui-là ?

La petite fille regarde sa mère avec désarroi. Robyn se raidit de tout son corps, les poings serrés de fureur, et se précipite vers le mur pour cogner dessus à son tour en hurlant :

– VA CHIER EN ENFER, VIEUX CONNARD DE MES COUILLES !

Je suis bouche bée devant son langage. Le type aussi, d'après ce que j'aperçois.

– Maman, les gros mots ! crie la fillette d'un ton de reproche.

– Désolée, ma chérie. JE VOUS PRIERAI D'ALLER FAIRE FOURRER VOTRE FLASQUE FONDEMENT PAR LE TRIDENT DE SATAN, CHER MONSIEUR L'ABRUTI DE MES TESTICULES !

Je plaque vivement une main devant ma bouche pour étouffer mon ricanement. Le voisin âgé de Robyn capitule sans demander son reste en secouant la tête d'un air abasourdi, le visage blafard.

Je reporte mon attention sur l'appartement de la mère et de sa fille. Cette dernière présente un bocal ouvert à moitié rempli de pièces à Robyn, qui soupire en transvasant le contenu de son porte-monnaie dans le contenant transparent. La petite arbore un sourire démoniaque. Un pot à jurons, probablement. Elle dit quelque chose à sa mère trop bas pour que je le capte et s'éclipse dans sa chambre. La chanson Happy est terminée et une autre que je ne connais pas a pris le relais. Robyn consent à baisser un peu le volume et continue son ménage seule. Un plumeau multicolore à la main, elle dépoussière ses meubles d'une main légère en sprintant d'un coin de la pièce à un autre.

Je sirote mon café sans quitter mon poste d'observation pour la scruter plus attentivement. Sa tenue, notamment, est aussi agréable à détailler que la robe verte qu'elle portait dans l'ascenseur il y a deux semaines. Sa poitrine insolente – un bon bonnet D, je dirais – est engoncée dans un petit débardeur en coton blanc sur lequel est brodé un cupcake au chocolat moins appétissant que ce qu'il camoufle. Sa taille est étroite et marquée, mais le débardeur, qui a dû rétrécir au lavage, dévoile la courbe attirante de son petit ventre rond. Ses cuisses pleines sont également dénudées : un short rose poudré minimaliste lui tient lieu de bas de pyjama. Ses hanches sont larges, son dos cambré et ses fesses rebondies. Sa peau est diaphane là où ses tatouages ne la recouvrent pas. Ses cheveux sont attachés dans une queue-de-cheval haute en panache qui bat son dos à chaque pas de danse. C'est officiel, cette jeune femme pulpeuse, maladroite et malpolie est terriblement sexy.

Dans mon pantalon, mon traître de membre a dû faire le même constat, car il commence à durcir exactement comme dans l'ascenseur.

Merde.

Par chance, la balustrade en bois de mon balcon cache mon état quelque peu problématique.

Je devrais partir car je joue les voyeurs, mais je ne peux m'arracher à cette vision. C'est plus fort que moi. Cette Robyn accapare toute mon attention perverse, d'autant plus qu'elle s'est remise à danser au son de la musique.

Ce n'est pas une chorégraphie folle et enjouée, cette fois. C'est beaucoup plus... érotique. On dirait une lap-dance. Tout en agitant son plumeau sur une étagère poussiéreuse, elle dandine des hanches et balance doucement le bassin. Son ravissant fessier charnu mis en valeur par son petit short court ondule lascivement devant moi comme pour narguer la partie la plus rigide de mon anatomie. Elle ne porte pas de soutien-gorge et ses seins lourds bougent librement dans son débardeur lorsqu'elle virevolte. Des images indécentes envahissent mon esprit échaudé. Mon érection devient plus vigoureuse, presque douloureuse, et je la rajuste dans mon pantalon. Cazzo* ! Je ne devrais pas bander pour cette femme, aussi séduisante soit-elle.

Terrain miné, dangereux, interdit. A fuir.

Robyn s'étire paresseusement de tout son long comme une chatte langoureuse. La tête renversée en arrière, elle se hisse sur la pointe des pieds en levant les bras et en creusant les reins. Le sommet de son plumeau atteint presque le plafond. Je suis certain que si j'étais un peu plus près, je verrais la pointe de ses seins offerts tendre le tissu de son débardeur. Je me mords les lèvres en contractant mes phalanges sur ma tasse, envoûté par la beauté sensuelle de cette femme que je ne peux pas baiser. Elle tourne la tête dans ma direction...

... et sursaute.

Mon cœur rate un battement. Elle m'a repéré.

***

Robyn

BORDEL DE... SAPERLIPOPETTE !

Depuis combien de temps est-il sur son balcon à mater ?

Mes yeux écarquillés chevillés aux siens, je suis pétrifiée.

Il n'essaye même pas de simuler l'indifférence. Il me fixe ouvertement.

Accoudé à sa balustrade, une tasse noire à la main, Valentin Laurent est torse-nu. Si j'avais la bouche ouverte, ma salive coulerait sur mes orteils laqués. Ses muscles sculptés saillent sur sa peau bronzée baignée par le soleil printanier. Ses tatouages géométriques et stylisés me terrassent, je voudrais tous les lécher un à un. Ses cheveux clairs partent dans tous les sens : la fameuse coiffure "saut du lit" qui fait craquer les femmes.

Une considération plus pragmatique me revient en pleine face comme une gifle.

Mon Dieu mon Dieu mon Dieu.

Je m'empourpre jusqu'aux oreilles, terrassée par une honte colossale.

Il a assisté à ma séance pathétique de ménage.

Je-me-suis-donnée-en-spectacle-devant-l'Echelon-Cinq-qui-m'a-déjà-vue-me-ridiculiser-deux-fois.

"Jamais deux sans trois", dit le proverbe.

A-t-il entendu l'horrible insulte que j'ai braillé à mon voisin Tête de Gland ?

M'a-t-il vu danser comme une grosse tarée ramonée du bulbe avec Anya en chantant Happy à tue-tête ?

A en juger par le sourire immense et moqueur qui éclaire son visage... double confirmation !

Mon sang se glace.

Je ne sais pas quoi dire ou quoi faire. Je n'ose même plus bouger un cil.

Il incline la tête dans ma direction en levant sa tasse puis, avec sa main libre, il tape son poignet à trois reprises pour simuler un applaudissement.

Comme je suis une gourde conditionnée par mes hormones, je réponds à son salut ironique en secouant mollement mon plumeau multicolore vers lui.

Valentin éclate d'un rire de gorge chaud et rocailleux qui me provoque mille crépitements brûlants dans le ventre avant de retourner à l'intérieur de son appart.

Je m'empresse de fermer tous mes rideaux en blasphémant et en vociférant.

– MAMAAAAAN, TON LANGAGE ! me crie Anya depuis sa chambre.

Ce putain de pot à jurons va me ruiner.

***

Valentin

En entrant dans ma salle de bains, je ris encore devant la tête qu'elle a tiré en se rendant compte de ma présence.

Mais bien vite, mon érection exigeante me ramène à la réalité. Je file sous la douche pour me soulager en pensant au corps bandant de Robyn penchée au-dessus de ma table en verre. Dans mon fantasme, je la pilonne par-derrière avec fougue, mon poing enroulé autour de sa queue-de-cheval. Elle s'agrippe désespérément à son plumeau de soubrette en poussant des cris de plaisir, cambrée sous mon corps. J'ai déchiré son short et retroussé son débardeur au-dessus de sa poitrine qui s'écrase contre la surface froide et translucide de ma table tandis que je la baise. Mes hanches claquent violemment contre ses fesses rebondies à chaque coup de reins.

Ma main gauche à plat sur le carrelage de ma cabine de douche, je ne tarde pas à jouir grâce à ma main droite.

Après coup, en me séchant, je regrette de m'être laissé aller... et je réalise que je suis dans une merde noire, car il va être très compliqué pour moi d'éviter cette tornade tatouée qui habite en face de chez moi.







Coglione : couillon

Per l'amor di Dio : pour l'amour de Dieu

Cazzo : putain



La Petite Sirène : dessin-animé classique Disney.

L'Exorciste : film d'horreur des années 70 mettant en scène une petite fille possédée par un démon.

"Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier alu" : réplique d'une publicité humoristique pour Milka.

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