La première fois que nous nous sommes parlé
18 juillet 2004 - 15h37
Nonna allume la dernière bougie et se redresse, le visage fendu d'un grand sourire. Voici le moment le plus attendu par chacun de nous tous les ans – avec Noël, je précise. A la fois fier, mais aussi un peu gêné – c'est bizarre, non ? – je laisse glisser mon regard sur le groupe d'enfants rassemblés autour de moi, qui s'époumone joyeusement au rythme des cigales pour me souhaiter un bon anniversaire : Gabriella et sa sœur jumelle Alba, Cipriano, Celio, Alessia, Valentina, Michele et les autres.... Je les connais tous depuis que je suis né, ou presque. Les voir ici pour mon anniversaire est naturel – ils font partie du décor, d'une certaine manière. De mon décor. J'ai invité tous les élèves de ma classe ... et même si j'ai clairement des préférences pour certains d'entre eux, je ne pouvais pas imaginer en écarter ne serait-ce qu'un seul – il aurait manqué à mes dix ans : San Stefano, c'est un petit village, où tout le monde se connait. Je trouve ça cool, moi. Où que me conduisent mes escapades, quelle que soit la rue dans laquelle on improvise un foot ou une partie d'épervier, il y a un de ceux-là. Ou deux. Plutôt trois ou quatre.
Ça n'a pas que des bons côtés, je suppose : il arrive régulièrement au dîner que ma mère souffle et s'agace en racontant qu'elle a surpris à la boulangerie deux ou trois vieilles biques du village commenter ce qui se passe chez nous sans même y avoir mis un pied... bon, dans ces cas-là, évidemment, je peux la comprendre. Mais ça ne nous arrivera jamais, à mes copains et moi, ce genre de choses : on est trop soudés pour ça.
Quand mes yeux tombent sur Tomeo, mon meilleur ami, je ne peux m'empêcher d'éclater de rire : il chante encore plus faux que d'habitude ! Mais c'est sans doute parce que « ça lui vient du fond du cœur »... C'est en tous les cas ce qu'il explique au Père Bartolomeo lors des répétitions de la chorale, à laquelle nos parents ont AB-SO-LU-MENT tenu à nous inscrire... depuis qu'on a 6 ans. Ça fait donc 4 ans maintenant que nous sommes régulièrement réquisitionnés lors des messes ou des processions, sans compter les après-midi passés à répéter alors que les autres jouent dehors. Alors, ben... Tomeo et moi, nous n'attendons qu'une chose : muer. Voilà. Quand notre voix ressemblera à celle d'une chèvre en chaleur, sûr que le prêtre nous virera du chœur de San Stefano. Enfin, on croise les doigts : il ne peut quand même pas nous garder pour toute la vie, si ? Pour accroître nos chances, nous sommes allés offrir un cierge à la Madone de la petite chapelle sur la route de Montepulciano au début de l'été – on trouvait trop risqué d'aller à l'église Santa Maddalena, le père Bartolomeo aurait pu nous surprendre... Comme on n'avait pas d'euros, on a glissé dans l'urne des lires italiennes que j'avais trouvées dans une vieille boite en fer, échouée sur l'étagère de la cuisine derrière les confitures de figues... je suppose que la Vierge est bien au-delà des considérations matérialistes de nous autres, pauvres humains - et encore bien davantage de celles de nous autres, pauvres Toscans. Lires ou euros, je suis sûr que ça lui est égal. Bref, je ris tellement que je manque de m'étouffer, et je vois bien à la grimace qui tord le visage de Tomeo qu'il a du mal à se retenir lui aussi.
La chanson se termine et je pivote pour faire face au gâteau parsemé d'étoiles :
- Allez ! Souffle ! Eteins-les toutes d'un seul coup ! s'écrie Alessia derrière moi, aussitôt suivie par des encouragements enthousiastes.
- Et n'oublie pas de faire un vœu, hein !
Je n'ai pas besoin de me retourner pour reconnaitre Valentina cette fois, la fille avec laquelle Tomeo et moi trainons tout le temps. On est amoureux depuis le CP. Enfin, c'est ce que tout le monde dit. Nous, on n'en a jamais vraiment parlé, mais c'est vrai que je l'aime bien – elle a une collection incroyable de cartes Pokemon, c'est une bonne élève et elle est belle en plus. J'estime que ce sont des qualités suffisantes pour en faire mon amoureuse. Et puis en réalité, je m'en fous un peu... moi ce qui m'intéresse, c'est surtout de rire et m'amuser avec mes copains. D'ailleurs, leurs voix résonnent à mes oreilles :
- Bon ! c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?
- Allez, grouille-toi, j'ai soif !
Mmmmh, quel vœu je pourrais faire ? Je me concentre quelques secondes... ah, oui ! Gagner la partie de Douaniers et Contrebandiers prévue tout à l'heure. Ça, ce serait vraiment, vraiment super. Je ferme les yeux très fort et répète intérieurement plusieurs fois « Que mon équipe gagne, que mon équipe gagne », puis j'inspire enfin profondément.
Tout le monde applaudit lorsque j'éteins d'un seul souffle toutes les bougies – en même temps, dix bougies, ce n'est pas non plus extraordinaire, hein ! Qu'est-ce que ce sera quand il y en aura vingt !
Je me retourne de nouveau, arborant un visage heureux et le cœur gonflé de fierté. Pendant deux semaines, je suis plus vieux que Tomeo – et franchement, cette idée me rend encore plus fier... même si en réalité, on ne va pas se mentir, ça ne change pas grand-chose entre nous.
Mes copains m'entourent pour me taper sur l'épaule et me féliciter.
- Quel vœu tu as fait ? demande Michele sur un ton de conspirateur, « Dis-le moi dans l'oreille, si tu veux ! »
Tomeo et Valentina s'approchent à leur tour et renchérissent :
- Ouais, nous aussi, on veut savoir !
- Vous êtes débiles ! Je ne peux pas vous le dire, sinon ça va pas marcher !
- Je m'en fous... je sais déjà ! bougonne mon meilleur ami en croisant les bras sur sa poitrine.
- Moi aussi, je sais ! Tu veux encore gagner à...
- La ferme !
Michele ouvre la bouche pour répliquer, mais des exclamations enjouées l'en empêchent. Tant mieux : il pourrait nous porter la poisse !
- Ouvre les cadeaux, Matteo !! Viens ! On veut voir ce que tu as reçu !
Presque tout le monde s'est rassemblé sous l'olivier au pied duquel s'entassent les cadeaux qui me sont destinés. Valentina passe un bras autour de mes épaules et l'autre autour de celles de Tomeo – elle en profite parce qu'elle est plus grande que nous – pour nous entraîner vers les autres invités d'un pas résolu :
- Allez ! Au boulot, mon pote !
Je secoue la tête en pouffant, tandis que Tomeo ronchonne une nouvelle fois : il déteste l'idée d'être plus petit que Valentina et c'est souvent un sujet de disputes entre eux – il dit qu'elle en profite pour nous commander... Ce qui n'est pas impossible, j'avoue. Elle veut souvent être la cheffe. C'est bien pour ça que je préférais ne pas l'avoir dans mon équipe : moi aussi, j'aime bien commander, surtout le jour de mon anniversaire, et surtout pour ce jeu !
Pendant que ma grand-mère découpe le Pan di Stelle qu'elle a cuisiné ce matin, j'ouvre les cadeaux que m'ont apportés mes copains : un ballon de foot en cuir, une casquette et des cartes Pokemon, des bandes dessinées, le DVD de Pirates des Caraïbes entre autres... et surtout, le cadeau ultime, celui de mes parents et de Nonna : une Game Boy Advance SP, vendue avec le jeu Pokemon Rubis. Des cris surexcités fusent autour de moi lorsque je déchire le papier cadeau et ouvre la boite :
- Oh ! La chance ! En plus, c'est un écran couleur !
- Wouah, elle est trop classe en rouge ! La mienne est toute noire... Vivement que mes parents m'en rachètent une !
- Regarde ! Tu as même des autocollants Pokemon au fond de la boite : Rubis, Florizarre... et il y a Dracaufeu aussi !
Survoltée, Valentina agite sous mon nez les trésors qu'elle a dénichés, ses yeux aussi ronds que des balles de ping-pong et le souffle coupé. Nous rions tous devant son expression hystérique.
Timeo lui tapote l'épaule :
- Du calme, Valentina, ou tu vas nous faire une crise cardiaque ! J'ai besoin de toi pour le jeu : après, je te laisserai mourir tranquille !
Elle le toise d'un regard assassin en plissant les lèvres, tandis qu'il affiche un sourire exagérément suave : ces deux-là finiront peut-être un jour par s'entretuer...
- Et les bandes-dessinées, c'est quoi ? demande Alba en tendant le cou par-dessus l'épaule de sa sœur.
Je me concentre de nouveau sur les cadeaux que j'ai reçus - j'en profite pour remercier les uns et les autres - lorsque nous sommes interrompus par Nonna :
- Le goûter est prêt ! Venez vous assoir !
Installés autour de la longue table de chêne à l'ombre des oliviers, nos verres remplis de jus de pomme ou de coca, nous dévorons tout ce qui se trouve à notre portée – le gâteau mais aussi les dizaines de bonbons et les cantuccini disposés dans des coupelles colorées – en discutant à tort et à travers et en énumérant toutes les blagues et devinettes que nous connaissons, et qui nous font toujours autant rire même si nous les avons entendues mille fois.
Peu après, nos assiettes sont vides : les choses sérieuses vont enfin pouvoir commencer. Je sens de drôles de picotements dans mon ventre et dans mes jambes. Parce que pour être clair : la Game Boy, j'adore ; les Pokémon, c'est bien... mais la partie de « douaniers et contrebandiers » qui se profile, c'est le pur kiff absolu de tout l'univers. Le meilleur cadeau pour mes 10 ans.
Cela fait maintenant des semaines qu'on en parle ; le dernier jour d'école, à la récré, on a composé les équipes – c'était parfait, on était pile 18 – ça fait 9 de chaque côté – sauf que Battista est malade et n'a pas pu venir aujourd'hui : nous ne sommes que 8 dans mon équipe. Mais je suis confiant : on est tous super motivé. On a même décidé de se donner un nom « les Black Pearl » ; c'est Cipriano qui a eu l'idée – il adore Pirates des Caraïbes (d'ailleurs, c'est lui qui m'a offert le DVD) – et c'est plutôt cool, comme nom.
L'autre jour en allant chercher du pain, je suis tombé par hasard sur Tomeo, Cesare et Valentina qui complotaient derrière l'église. Dès que je suis rentré à la maison, j'ai appelé Michele, Celio, Vanessa, Cipriano et les autres pour leur proposer de nous retrouver nous aussi : pas question qu'ils prennent l'avantage sur nous. Le point de rencontre le plus facile, c'est le marché. Avec tout ceux de mon équipe, on s'est donc donné rendez-vous sur la piazza Santa Maddalena derrière le stand de mon père. Assis sur le trottoir, on a réfléchi aux cachettes les plus improbables pour les objets de contrebande, aux moyens les plus sûrs pour échapper aux douaniers et aux façons de les mettre en difficulté – en restant deux par deux, par exemple. En plus, comme c'est la pleine saison touristique, ma mère prépare pour les jours de marché des pizze pane assaisonnées à l'origan ou au thym qu'elle arrose d'un filet de notre huile d'olive et propose à la dégustation. Et nous en avons profité, évidemment. Si j'étais vraiment contrebandier, je pense que je ferais du trafic de notre huile d'olive, tellement elle est parfaite. Quand elle glisse dans ma gorge, j'ai juste l'impression d'avaler un rayon de soleil parfumé à la Toscane... Mon père dit que la Toscane n'a pas de parfum... mais moi, je sais qu'il a tort. Il oublie juste de respirer – comme beaucoup d'adultes, en vrai.
Au moment où je me lève pour rappeler les règles et lancer le jeu, mon regard est attiré par un mouvement sur le chemin en contre-haut, qui mène à l'entrée de chez moi. Dans un nuage de poussière, une voiture noire s'immobilise sur le petit parking aménagé devant la maison. En sortent un homme et un garçon. Il est brun et doit avoir notre âge, à peu près. Ma mère vient à leur rencontre en essuyant ses mains à son tablier. Ils échangent quelques mots puis l'homme se dirige vers le coffre de la voiture, d'où il extrait deux valises énormes. Je me rappelle alors vaguement que l'ancien pressoir – que mon père a rénové l'an dernier pour le transformer en hébergement de vacances – est réservé jusqu'à la fin de l'été. Je suppose que ce sont les nouveaux locataires. Je vois d'ailleurs ma mère s'incliner vers le garçon et pointer le doigt dans notre direction.
Ah, oui, merde, c'est vrai... le gars, il va falloir qu'on se le tape... Mes parents m'ont prévenu : hors de question de le laisser à l'écart - surtout un jour de fête. J'entends vaguement les murmures de mes copains tout en suivant des yeux le nouvel arrivant se diriger vers nous d'un pas nonchalant, les mains au fond des poches de son bermuda couleur kaki.
- C'est qui ?
Sans même me donner la peine de regarder Tomeo, je hausse les épaules et réponds laconiquement :
- Je sais pas. Des vacanciers, je crois. Ils ont loué l'ancien pressoir pour l'été.
- Pourquoi il vient vers nous ?
Je soupire bruyamment :
- Mes parents m'ont demandé de ne pas le laisser tout seul.
- Nous, on le prend pas dans l'équipe, hein ! Je veux pas d'un boulet ! prévient Tomeo d'une voix forte. En plus, c'est toi qui as un joueur en moins...
Cette fois, je tourne la tête, le regard noir : c'est mon anniversaire, bordel ! Mon pote pourrait faire un effort – d'autant qu'il sait, comme tous ici, à quel point je prends ce jeu au sérieux ! Je me dis parfois que je suis un grand malade, d'ailleurs : depuis la première partie que nous avons organisée l'été dernier à l'occasion de l'anniversaire de Tomeo en août, je suis devenu archi, archi fan et nous jouons dès que c'est possible – durant les vacances la plupart du temps. Mais devant l'air buté qu'il m'oppose, je renonce à faire la moindre remarque. Ok. Puisque c'est comme ça... Mais il me le revaudra – surtout si mon équipe perd.
Bouillonnant, je l'ignore finalement en soupirant et me lève pour accueillir le garçon, qui n'est plus qu'à une vingtaine de mètres de nous. Mon geste attire son regard, qui s'ancre dans le mien presque aussitôt – et ne le quitte plus. Evidemment, je ne devrai pas le soutenir : on me dit toujours qu'il faut éviter de fixer les gens dans les yeux, surtout quand on ne les connait pas. Ok, mais... Et de une, il le fait lui aussi, et de deux, pas question que ce soit moi qui baisse les paupières le premier. Il y a comme un sourire qui brille dans ses yeux lorsqu'il s'immobilise à quelques pas de nous : je devine que nos pensées doivent être similaires – et c'est plutôt amusant, en fait.
- Salut !
- Salut ! Je suis Matteo ! Et voici tous les autres !
Une multitude de voix s'élèvent simultanément pour accueillir le nouveau venu, qui hoche la tête en esquissant un léger sourire.
- Moi, c'est Luca, répond-il simplement en balayant l'assemblée d'un regard rapide.
Puis il plante de nouveau ses yeux – maintenant qu'il est plus près, je sais qu'ils sont bleus – dans les miens. Il hausse un sourcil :
- C'est ton anniversaire, non ?
- Ouais.
- Ben... bon anniversaire, alors. Désolé, je n'ai pas de cadeau.
Sur le moment, je me demande s'il se fout de moi... évidemment, qu'il n'a pas de cadeau ! Mais il semble réellement embarrassé, d'après ce que me laisse penser la moue incertaine qu'il affiche. En fait, je m'en fiche, moi, qu'il ne m'ait rien apporté. Je lui souris :
- T'inquiète... j'ai déjà eu plein de trucs !
- Ok, lâche-t-il, apparemment soulagé.
Bon : ça, c'est réglé. On ne va pas s'éterniser en politesse inutile, on a tous dix ou onze ans, c'est pas franchement important - autant aller à l'essentiel :
- Tu connais le jeu des douaniers et contrebandiers ?
Il hésite en plissant le front :
- Euh... j'ai déjà joué aux gendarmes et aux voleurs. C'est pas pareil ?
C'est à ce moment seulement que je remarque son accent bizarre. Il n'est pas Toscan. Il n'est peut-être même pas Italien ! J'espère que ça va aller, pour le jeu... D'ailleurs, qu'est-ce qu'il a répondu, déjà ? Apparemment, il n'a jamais joué. Merde... c'est mal parti. Pfff... Bon. Il va falloir faire avec. Et puis, difficile de lui en vouloir : après tout, il ne pouvait pas prévoir dans quel pétrin il allait être fourré.
- Mmmh... je ne connais pas les gendarmes et les voleurs... mais de toutes façons, on allait rappeler les règles... viens.
Il s'avance et prend place sur le banc, entre Gabriella – qui s'est décalée vers la gauche pour lui faire de la place – et moi.
- Pour Luca, je vais rappeler les règles du jeu – et j'imagine que cela ne sera pas inutile non plus pour d'autres !
Je pose un regard pesant sur Michele et Valentina, qui ont triché à chaque partie que l'on a faite : Michele baisse la tête mais Valentina, quant à elle, hausse le menton d'un air fier et provocateur. Maintenant, c'est sûr : si Tomeo ne la tue pas, c'est moi qui le ferai.
- Il y a deux équipes : les contrebandiers, et les douaniers. Les contrebandiers doivent transporter un objet de contrebande – on a préparé des images – d'un camp à l'autre, en le cachant sur lui, sans se faire attraper par les douaniers. Si un douanier attrape un contrebandier, il a 3 chances pour trouver où est cachée l'image. Le contrebandier doit prouver à chacune des 3 propositions que l'objet de contrebande n'y est pas. Si l'objet est trouvé, le douanier le saisit. Si non, alors le contrebandier repart. Quand il a déposé son image, le contrebandier repart en chercher une autre pour faire un deuxième trajet.
J'adresse un regard interrogatif vers Luca, qui hoche la tête d'un air entendu. Ok. Je reprends :
- Interdit de cacher l'image dans son caleçon ! N'est-ce pas Cipriano ?!
Tout le monde rigole, y compris Luca. Le concerné pouffe lui aussi... j'espère qu'il se tiendra à carreau : il est dans mon équipe, cette fois !
- Les contrebandiers ne transportent qu'un objet à la fois.
Je dirige mon regard vers Gabriella – qui a réussi durant les vacances de Pâques à faire passer un bougeoir en or, un collier de perles et une montre en un seul trajet. Bref. On a perdu, du coup... parce qu'on a été disqualifié.
- Voici les bracelets des équipes. D'ailleurs, merci à Alessia – c'est elle qui les a tous faits. Orange pour nous, bleu pour vous.
Nous tirons au sort l'équipe qui débutera en tant que contrebandiers. C'est la nôtre. Tout le monde se lève et se regroupe autour de son capitaine.
Luca lève un sourcil en saisissant le bracelet brésilien que je lui tends :
- Je suis dans ton équipe ?
- Ouais... tu peux me l'attacher ?
Il serre bien fort le nœud et me présente à son tour son poignet, les yeux rivés aux fils tressés dont j'entoure son bras.
- J'en avais jamais eu avant.
Je le regarde, incrédule :
- C'est ton premier bracelet brésilien ?
- Mmmh...
Je pouffe de rire – il sort d'où, ce Luca ? Il fronce les sourcils.
- Quoi ?
- Rien. Il faut que tu fasses un vœu, qui se réalisera quand le bracelet se dénouera.
- Mais je veux le garder ! proteste-t-il vivement.
Je lâche son bras et hausse les épaules dans un geste fataliste :
- Ils finissent tous par tomber. Allez, viens.
Regroupés par équipe, nous nous mettons en route vers le bois qui nous sert de terrain de jeu, en contrebas de la colline. Le soleil cogne et nous accélérons le pas, pressés d'atteindre l'ombre des arbres. Au bout du chemin de terre, nous nous arrêtons brièvement. C'est ici que nous nous séparons.
- Michele, tu as le sifflet ?
Celui-ci pointe du doigt le sifflet qu'il a suspendu autour de son cou. Je me tourne vers nos adversaires.
- Quand nous sommes prêts, on siffle. Ok ? La manche dure 30 minutes... ou moins, si on réussit à passer tous les objets avant la fin du chrono, précisé-je sur un ton railleur. J'avoue, je manque un peu de modestie.
- Ouais, tu peux toujours y croire... On va vous atomiser ! fanfaronne Tomeo, aussitôt suivi par les exclamations enthousiastes de ses coéquipiers.
Je ne peux m'empêcher de remarquer qu'il n'a à cet instant précisément pas l'air d'être ennuyé par le bras de Valentina passé autour de ses épaules. Le traitre. Des cris moqueurs s'élèvent de mon côté – Luca joint d'ailleurs sa voix à celle des autres :
- Vous rêvez ! On est les meilleurs ! Préparez-vous à la plus grande défaite de tous les temps !
- Les Black Pearl ne sombreront jamais ! Vive les Black Pearl !
Ça, c'était Cipriano, en connexion permanente avec son film préféré et nous répondons en chœur à son cri, tout en nous éloignant vers notre camp.
- Comme Luca ne connait pas les lieux et ne sait pas où apporter les trésors, il restera avec moi – au moins pour cette manche. Pour la suivante, on verra. Ok ?
Tout le monde acquiesce. Luca marche à mes côtés :
- Ça a l'air cool, ce jeu.
Je lève les yeux vers lui avec un grand sourire :
- Cool ? Il est super cool, tu veux dire. J'espère qu'on va gagner.
- T'inquiètes... ça va le faire.
Je hausse un sourcil un peu condescendant : le gars, il débarque à peine, il n'a jamais joué, et pourtant, il a l'air vraiment sûr de lui.
- Ah ouais ?
Il me regarde avec un sourire en coin et ses grands yeux bleus qui sourient aussi – comment il fait ça, en fait ?
- Mmmh... il faut courir, non ?
J'acquiesce d'un signe de tête, intrigué. Il hausse les épaules dans un geste nonchalant et poursuit, sur un ton malicieux et satisfait :
- Ok. Ben il se trouve que je cours vite. On va gagner.
Ah. Ok... d'accord, gars. Moi, je suis partant, en vrai. Si pour mes dix ans, je peux mettre la pâtée à Tomeo et son équipe... Sauf que je n'étais pas préparé à ça.
Le gars – Luca – il court plus vite que n'importe lequel d'entre nous – même plus vite que Cipriano, qui a pourtant bientôt 12 ans. Malgré son accent bizarre – sa mère est française, apparemment, et c'est en France qu'il vivait jusqu'ici – il est sympa : il rit de nos blagues et il joue à fond, comme s'il avait toujours fait partie de notre bande. Mais surtout, il court vite. Incroyable. J'adore. Il échappe aux contrebandiers à plusieurs reprises en se faufilant à toute vitesse entre les arbres. Moi, je cours vite aussi, mais moins que lui – on ne va pas se mentir. Ma force à moi, c'est que jamais personne ne trouve les objets que je transporte. Pour les parties de douaniers et contrebandiers, je m'arrange toujours pour choisir des vêtements avec plein de poches – comme les douaniers n'ont droit qu'à trois propositions, ils ont moins de chance de trouver la bonne cachette. Même à mes coéquipiers, je ne dis pas où je planque les images – je ne veux pas prendre le risque de me faire cramer si nous ne sommes pas ensemble à la partie suivante.
Je suis d'ailleurs intercepté par Alba, dont les trois tentatives pour dénicher mon butin échouent – et retrouve Luca qui m'attend caché derrière un arbre, quelques mètres plus loin. Bref, on réussit à passer notre première image en moins de dix minutes. On franchit en riant la limite de notre camp quelques secondes plus tard, Tomeo sur les talons. Je l'entends marmonner deux ou trois jurons tandis que Luca et moi échangeons un check victorieux devant lui - rien que pour l'énerver. A son expression dépitée, je sais que ça a marché, et ça me fait rire, j'avoue.
- Faites les malins... Je ne vous louperai pas pour le deuxième, grogne-t-il en s'éloignant.
Nous retournons à pas rapides vers le camp de base, afin de chercher un autre objet de contrebande, quand des appels éclatent soudain sous le couvert des arbres, un peu plus loin à notre gauche. Merde : l'un de nous s'est fait intercepter. Nous nous immobilisons, l'oreille tendue, en espérant que le face-à-face tournera à notre avantage. Malheureusement, au cri de joie qui résonne quelques secondes plus tard, je devine que nous avons perdu un trésor. Luca et moi échangeons un bref regard sans prononcer le moindre mot, tout aussi désabusés l'un que l'autre. Une seconde plus tard, c'est Cipriano qui traverse le sentier en courant - juste devant nous : il nous fait un signe de la main en passant avec un sourire aussi large que l'Arno, avant de disparaitre dans les taillis en direction du 2e camp pour y mettre son butin en sécurité – je croise les doigts pour qu'il y parvienne sans obstacle. Encore un peu plus loin, c'est Cesare que nous croisons : celui-ci arpente le chemin forestier à pas lents en scrutant ses abords avec soin. Je suppose qu'il est sur la piste d'un contrebandier.
- Vous retournez à la base ? demande-t-il sans quitter les taillis des yeux.
- Ouais... qui est-ce que tu cherches ?
- Giada... je suis presque sûr d'avoir vu son tee-shirt rouge par ici.
J'avoue, choisir un vêtement rouge pour une partie de Douaniers et Contrebandiers, c'est pas très malin. Bref : j'espère que Cesare ne la trouvera pas. Nous finissons le trajet sans rencontrer de nouveaux joueurs, même si des exclamations résonnent de temps à autres, preuve que la partie bat son plein. Parvenus dans notre camp, nous nous munissons d'un nouvel objet de contrebande. Je tourne le dos à Luca pour dissimuler le carré de papier sur moi, avant de pivoter vers lui :
- Pronto ?
- Si, certo.
Alors que nous nous apprêtons à nous élancer, je perçois soudain un bruissement irrégulier à quelques mètres, suivi d'un craquement léger un peu plus à droite.
- Tu as entendu ?
Luca plisse les yeux, lèvres serrées.
- Mmmh... apparemment, on est attendu. Viens.
Il saisit mon bras et m'entraîne vers un gros chêne, à la limite du camp. Nous en contournons le tronc et nous y adossons, épaule contre épaule. Il me regarde en souriant, le visage lumineux : j'ai le sentiment à cet instant qu'il sait exactement à quel point je kiffe ce jeu... ou bien ce sont ses yeux à lui, qui me donnent l'impression qu'il kiffe ce jeu... peut-être les deux en fait. C'est un peu bizarre – mais je trouve ça cool : on se comprend, même si on ne se connait pas.
Après deux ou trois secondes, il chuchote :
- J'y vais en premier et je les éloigne... Ensuite, tu passes tranquille.
Je hausse un sourcil dubitatif :
- Ouais... et si tu te fais attraper ?
Il pouffe.
- Impossible.
Bref. On a gagné. C'est le cadeau que Luca était désolé de ne pas m'avoir apporté, en quelques sortes. Je ne peux m'empêcher de sourire à cette pensée. Allongé dans l'obscurité, ma tête reposant sur mes mains jointes, je repense à cet après-midi génial en attendant de trouver le sommeil. Je repense à Luca, aussi. Ce gars est cool, en vrai. Il est différent de tous mes copains, il est différent de nous. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou non. Mais en tous cas, son arrivée a rendu cette journée tellement différente. Surprenante, imprévisible. Et chouette.
******
Durant les semaines qui suivent, Luca et moi devenons inséparables. D'abord, il habite chez moi – ou presque : c'est facile de se voir et on n'a besoin de personne pour nous emmener ici ou là. Ensuite, je ne fais que m'acquitter de la mission qui m'avait été confiée : ne pas laisser Luca tout seul.
Nos parents respectifs, plutôt rassurés de nous savoir ensemble, nous accordent une liberté quasi-totale du matin au soir – la seule obligation que nous ayons étant d'être présents aux repas. Giovanni quant à lui travaille à Montepulciano toute la semaine ; il doit parfois se rendre à Sienne et ne rentre que le soir pour le diner.
Nous passons l'été à explorer les collines autour du domaine avec Tomeo et les autres – ou parfois sans eux, d'ailleurs : nous construisons une deuxième cabane près de celle que nous avions fabriquée l'an dernier, mais celle-ci est bien plus grande et beaucoup plus belle, avec un auvent devant l'entrée. Très fiers de notre création, nous la baptisons pompeusement lo castello. C'est là que nous nous réfugions un après-midi, surpris par l'orage qui vient d'éclater, certains d'être parfaitement à l'abri. Malheureusement, il ne faut pas un quart d'heure avant que nous ne soyons complètement trempés et que nous ne décampions en direction de chez moi, morts de rire. Nonna nous fait entrer, Luca, Marco, Tomeo et moi dans la cuisine en levant les yeux au ciel – mais je sais bien, au sourire qu'elle tente de dissimuler et à ses yeux qui pétillent que tout ça l'amuse, en réalité. Elle nous ordonne de nous déshabiller pour passer nos vêtements au sèche-linge, et nous voilà bientôt en caleçons, assis autour de la grande table en bois devant une brioche fourrée aux raisins pour le goûter. Le paradis sur terre, en fait.
Au début du mois d'Août, le père Bartoloméo insiste pour organiser quelques répétitions de la chorale en prévision de la fête de l'Assomption : nous devons chanter lors de la messe qui aura lieu à l'issue de la procession en hommage à la Vierge et à Santa Maddalena. Luca tient à m'accompagner aux répétitions. Je ne suis pas sûr d'être prêt à ce qu'il m'entende chanter.
- Allez, s'il te plait. Tu ne vas pas me laisser ici, quand même !
Il affiche une expression suppliante en abaissant le coin de ses lèvres, ce qui est assez drôle, en fait. Le problème, c'est qu'il l'accompagne d'un regard tellement... euh... bleu. Non, enfin, du genre un bleu profond avec des trucs qui pétillent au fond, je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire. Bref. Je ne sais pas comment il fait ça, mais je déteste. Je DÉ-TESTE. Ça me donne l'impression d'être pris au piège.
- Arrête ça.
- Quoi ?
- Tes yeux, là.
Il esquisse une moue boudeuse et détourne la tête.
- Tu fais pareil avec ton sourire.
- Non.
- Si. Et tu le sais très bien.
Je soupire. Pfff... ce qui est chiant, quand tu deviens très ami avec quelqu'un, c'est qu'il te connait si bien que tu ne peux plus lui faire avaler n'importe quoi.
- Ok... viens. Mais interdit de te moquer, hein !
Nous enfourchons nos vélos – j'ai prêté à Luca mon ancien vélo, il est un peu petit, mais c'est mieux que rien – et fonçons vers San Stefano : nous ne sommes pas en avance !
Lorsque nous sortons de l'église, il est 21 heures. Le ciel s'est teinté de rose et le soleil poudre d'un voile doré les collines alentour. Il fait bon et quelques cigales chantent encore avant que la nuit ne les rende silencieuses. Nous pédalons sans nous presser en direction de ma maison, profitant des ultimes moments de la journée qui s'achève, sans éprouver le besoin de parler.
- Tu chantes bien, remarque finalement Luca alors que nous bifurquons sur le chemin qui mène au domaine.
Je tourne ma tête vers lui et réponds à son sourire : son compliment me fait plaisir. Je hausse les épaules, intimidé.
- Tu vois, je ne me moque pas.
- Oui. Je vois.
Entre les baignades à la rivière, les matinées au marché, les parties de cache-cache, les soirées à jouer à la Game Boy ou l'anniversaire de Tomeo le 20 août, les jours filent à toute vitesse sans nous laisser la moindre seconde de répit. Il y a bien deux ou trois journées pluvieuses durant lesquelles nous éclusons l'intégralité de mes bandes dessinées de Tintin à Corto Maltese en passant par Lucky Luke, jouons aux cartes et au Monopoly ou visionnons pour la douzième fois Pirates des Caraïbes... mais même ces moments-là, habituellement ennuyeux à mourir, me paraissent cool, cette année.
C'est lorsque nous nous mettons à table pour le diner, le soir du 31 août que je réalise que les vacances sont bientôt terminées. Une drôle de boule se forme dans ma gorge, à l'idée que Luca parte demain. Son père le conduit jusqu'à Lyon puis revient ici, pour son travail. Enfin, c'est ce que ses parents lui ont dit, mais il n'y croit pas. Lui, il pense que ses parents sont juste en train de se séparer. Ça ne le rend pas triste. Il est simplement déçu qu'ils ne lui fassent pas confiance et ne lui disent pas la vérité : à dix ans, on est quand même capable de comprendre des choses, non ?
Le repas est quand même joyeux – on se rappelle tout ce qu'on a fait pendant l'été, et on se promet de s'écrire, ou pourquoi pas, de se téléphoner quand on pourra - évidemment, on n'a pas de téléphone portable. On espère tous les deux qu'avec le collège, nos parents reviendront sur leur décision... je sais déjà qu'en ce qui me concerne, il y a peu de chance que cela arrive, mais bon : l'Italie est le pays des miracles, non ? Sinon, son père lui a promis qu'il pourrait revenir pour les vacances. J'ai hâte de le revoir... alors qu'il n'est même pas parti : je suis un vrai crétin.
Après la panna cotta aux fruits des bois – une spécialité de ma mère, nous allons nous assoir dans l'herbe, sous le ciel constellé d'étoiles, le temps que nos parents, lancés dans une discussion animée qui dure depuis le début du repas, boivent leur café. Face à nous, les collines ressemblent à des vagues de velours sombre ponctué ici et là de lumières éparses.
- J'ai adoré ces vacances ! Il faut que j'écrive tout ce qu'on a fait pour ne rien oublier.
- Que tu l'écrives ? Genre, comme dans un journal intime ?
- Un carnet de voyage, plutôt. Avec des dessins, des photos...
C'est vrai que Luca ne se déplace jamais sans son appareil photos numérique – le cadeau de ses 10 ans à lui – et qu'il n'a pas cessé de nous mitrailler tout au long de l'été.
- Tu me le montreras quand tu reviendras ?
- Mieux que ça : je te l'envoie quand je l'ai terminé... comme ça, je serai obligé de venir le chercher.
Il plisse des yeux malicieux, très satisfait du plan qu'il a imaginé. J'avoue, c'est plutôt malin.
- Ok, ça marche. J'attends ton carnet de voyage, alors. Moi... j'ai adoré que tu sois là. Tu es le premier ami que j'ai, qui n'est pas né ici !
Nous pouffons de rire, lorsque la voix courroucée de mon père nous interrompt tout à coup :
- C'est insensé ! Je ne suis pas d'accord avec ça ! Qu'on autorise des hommes à vivre ensemble, je veux bien, et encore, ça me semble vraiment, vraiment bizarre, mais il ne faut pas pousser ! Il y a deux ans, le député Grillini qui voulait faire adopter son pacte civil de solidarité : on vit dans quel monde ? Heureusement que ça n'a pas été voté !
- En France, il existe depuis un peu plus de 4 ans... Cela a suscité de nombreux débats. D'un point de vue général, je suis assez favorable à un dispositif comme celui-là. Je comprends ton point de vue, Salvatore, mais c'est important d'accorder à tous les couples une reconnaissance juridique et un statut légal. On parle de vies humaines, d'êtres humains – tout le monde a le droit de vivre sa vie, non ?
- Giovanni n'a pas tort, je trouve. Je veux dire, si les gens s'aiment, pourquoi...
- Mais je ne les empêche pas de s'aimer – si c'est leur choix ! Ce que je n'accepte pas, c'est que mon fils grandisse dans un pays dont l'histoire et les traditions sont piétinées pour des raisons de préférence sexuelle.
- Ce n'est pas une préférence, Salvatore, et tu le sais bien. Je ne suis pas prête à imaginer qu'ils puissent se marier, hein, mais au moins qu'ils puissent être reconnus – ça me paraitrait juste.
- Pour revenir au sujet initial – je suis malgré tout d'accord avec Salvatore : le mariage homosexuel, même s'il a été prononcé à l'étranger – est illégal en Italie – tout comme en France, d'ailleurs. Que le Conseil Régional de Toscane se montre favorable à l'enregistrement de ces mariages est inacceptable. On risque malheureusement d'en entendre parler encore longtemps...
- Vous allez voir que bientôt, on va même leur accorder le droit d'avoir des gosses ! Franchement, ce monde va mal !
Je regarde Luca, déconcerté :
- Tu sais de quoi ils parlent ?
- Ben tu sais, quand deux hommes vivent ensemble... il y en a qui voudraient pouvoir se marier.
- C'est possible, ça ?
- Non. Enfin peut-être. Les gens, quand ils s'aiment, ils ont parfois envie de se marier... je ne sais pas, en fait. Dans l'université de ma mère, il y a deux hommes qui ont signé un PACS – c'est comme une sorte de mariage, je crois.
Je fronce les sourcils, un peu perdu. J'ouvre la bouche, prêt à poser une nouvelle question, mais n'en ai pas le temps.
- Luca ! C'est l'heure ! Nous allons essayer de ne pas partir trop tard, demain !
- C'est pareil pour toi, Matteo ! Il est l'heure !
Quoi ? Déjà ? Nos yeux s'accrochent un court instant – j'ai l'impression que Luca ressent la même frustration que moi – et nous nous levons lentement pour revenir vers la lumière.
- A demain !
- Ouais, à demain ! Bonne dernière nuit toscane !
- Pfff... c'est malin.
Il n'est pas encore 9 heures le lendemain, lorsque ma mère et moi accompagnons Luca et son père jusqu'à leur voiture. Giovanni charge les deux bouteilles d'huile d'olive qu'elle lui tend en la remerciant, tandis que mon pote et moi nous éloignons de quelques pas. Je me sens un peu bête et enfonce mes mains dans les poches de mon bermuda.
- Bon. Salut... Bonne rentrée.
- Enfoiré. Tu as encore deux semaines.
Je ne peux pas m'empêcher de sourire : pour moi, les vacances ne sont pas terminées.
- Je penserai à toi.
- Menteur.
Je déteste qu'on me traite de menteur. Devant mon expression probablement contrariée, il rit... et ça me fait rire moi aussi, évidemment.
- A bientôt.
- Ouais, à bientôt.
Durant un long moment, je continue de fixer le nuage de poussière que leur voiture a soulevé sur le chemin, avec un sentiment un peu étrange. C'est alors que soudain, dans mon esprit refait surface le souvenir du jour où il est arrivé... et de la première fois que nous nous sommes parlé.
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