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Je me trouve dans ma cellule. Ma tête me fait atrocement mal. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
L'adolescent. L'expérience. Sa mort. Tout me revient en une fraction de secondes, la douleur de mes membres fantômes aussi, leur douloureuse accusation. Ils ont raison ! Ils ont raison bon sang ! C'est ma faute, ma faute, juste ma fau–
Je ne veux plus voir ça, plus jamais. Si je reste ici, ils vont réessayer, c'est certain, il faut que je parte, il faut que je meurs, il faut qu'ils ne puissent plus avoir de mon sang. Je dois, je dois...
Mes nerfs me lâchent, à nouveau, je me sens faible, distant de mon corps, encore plus que d'habitude, je veux dire.
–Tu es comme ça avec la mort d'un seul rat ? Pourtant, ce n'est ni le premier, ni le dernier...
Il me dit d'un ton très calme.
–Au moins, celui-ci est resté bien plus stable que les autres. Ce qui fait que tu vas participer à toutes les expériences maintenant.
En disant cela, il fait un sourire qui doit se vouloir chaleureux, de toutes ses dents pointues.
Ils m'emmènent vers la salle, à nouveau, vers la mort d'un autre...
Cette fois, c'est un enfant qui semble plus jeune que moi, il doit avoir sept ou huit ans, peut-être même moins.
–Ce n'est pas ce que vous aviez dit ! Vous aviez dit que vous alliez me faire bénir, que j'allais recevoir des pouvoirs.
Pleure l'enfant.
Donc, lui, c'est un volontaire ? Pauvre de lui...
Ils font la même expérience qu'hier.
–Désolé.
Je lui murmure.
Il ne me répond pas, je ne suis même pas sûr qu'il m'ait entendu, à vrai dire.
Je sais, je sens, qu'il va mourir, comme celui d'hier. Peut-être même cela va-t-il être pire...
Lorsqu'ils lui injectent mon sang, je le regarde une dernière fois avant de détourner complètement le regard, tentative désespérée de me rappeler de tous ceux qui mourront à cause de moi...
Un instant plus tard, son cadavre se décompose à mes côtés, il n'a pas tenu plus de quelques secondes. Au moins, il n'a pas explosé, il a "juste" été décomposé vivant. Je ne sais pas vraiment ce qui est le pire ou le plus douloureux en vérité. Est-ce que je veux vraiment le savoir ? Je ne pense pas, non.
–C'est presque pire que quand on n'utilisait pas du sang frais. Il doit y avoir d'autres variables que juste la fraîcheur de son sang.
Comment ça "presque" ??? Mourir décomposé en quelques secondes n'est pas le cas le plus instable ??? Et, pourquoi cette espèce de connard dit ça comme si ce n'était rien d'important ?
Est-ce qu'il est vraiment humain ? Il doit mourir ! Il doit mourir ! Il doit– Il doit–
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Au bout de plusieurs dizaines "d'expériences", ils ont déduit que les participants ayant le plus de chances de réussite sont des enfants entre 10 et 14 ans, n'ayant pas de blessures ou que des blessures que ▓▓▓▓ a aussi, soit l'œil droit, les deux doigts les plus à gauche de la main gauche, le poumon droit et la chair du bras droit. Le fait d'avoir une bénédiction ou une malédiction diminue extrêmement la chance de survivre à son sang par ailleurs.
Un enfant vraiment très similaire à lui sur le plan physique est mort brûlé vif, apparemment parce que son sang a "détruit" sa malédiction mineure d'un petit Être de pacotille qui a un lien avec le feu.
Ils en ont conclu que son sang était une bénédiction. Ils ont dit qu'il deviendrait peut-être un Être un jour et que si cela arrivait un jour, ça serait grâce à leurs efforts...
Il jura silencieusement de tuer tous les coupables de ces expériences si cela arrivait vraiment.
À chaque fois qu'une personne meurt de son sang, il se sent "différent". Son esprit semble changer, peu à peu, essayant semble-t-il de faire en sorte qu'il se fiche de leurs morts, mais en même temps, plus il "change", plus son esprit s'éloigne de tous ses morts et plus il désire protéger tous ceux qui prennent de son sang, plus il veut qu'ils y survivent, plus il est peiné de leurs morts. Il ne sait pas quoi penser de ce sentiment l'envahissant peu à peu.
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Le prochain "testeur" est un enfant qui doit avoir dix ans, vu qu'il ne peut logiquement pas avoir moins, avec son œil droit manquant. Il lui manque même sa paupière...
Cette fois-ci, alors qu'il se fait piquer par la seringue contenant mon sang, je ne me détourne pas. Contrairement à d'habitude, j'ai l'impression qu'il va survivre, j'ai l'impression qu'il va rester à mes côtés pour toujours, c'est une sensation vraiment... satisfaisante.
Son corps ne se détruit pas, sa vie ne quitte pas son corps, comme je le pensais, comme je le savais. Il se met à briller de mille feux tel un phare dans l'obscurité son œil droit manquant semblant avoir été remplacé par un mini-soleil, qui ne brûle pas. Il est "nôtre" première étoile, le premier à suivre "notre" voie.
J'entends deux voix dans ma tête, récitant un texte qui semble absurde. La première est calme, donnant la réplique à la seconde qui répète consciencieusement ses paroles. Le ton des deux correspondrait plus à un chant religieux qu'à ça, peu importe ce que c'est censé être. À moins que cela ne soit justement un chant religieux plutôt étrange ?
La lumière
La lumière
est l'espoir de toutes vies
est l'espoir de toutes vies
et toi,
et moi,
irradiant de lumière
irradiant de lumière
apporte le courage de vivre.
apporte le courage de vivre.
Ma tête me fait vraiment mal, elle résonne comme un tambour heurté de toutes parts. Je pensais être déjà habitué à cela, mais je me trompais apparemment. Au moins, je ne suis pas tombé dans les pommes, c'est déjà bien, j'imagine.
En regardant le survivant Zohar, je me sens bien, si bien, véritablement heureux, heureux qu'il ait survécu, heureux que quelqu'un ait survécu à mon sang, juste heureux. J'ai vraiment l'envie de le prendre dans mes bras, de le garder à mes côtés, de le cajoler, de... de–
Des cris de joie venant des savants interrompent mes pensées. Ils semblent vraiment heureux que quelqu'un ait survécu, sûrement pas pour les mêmes raisons que moi...
–On en fait quoi chef ?
Demande un des savants au vieillard qui leur sert de chef.
Pendant un instant, j'ai vraiment peur qu'ils décident de le tuer, de me l'enlever, d'éloigner de moi le seul survivant des tests avec mon sang.
–Enfermez-le dans la même prison que le premier, il peut toujours servir.
Mes yeux s'illuminent en entendant cela, il reste en vie et il reste avec moi !
On est amenés dans ma cellule, qui est maintenant un peu petite, même si ce n'est pas vraiment dérangeant, pas pour moi en tout cas.
La première chose que je fais est de l'enlacer, bloquant sa tête contre mon torse, frétillant de joie, ne pouvant pas m'en empêcher.
–Euh... tu peux me lâcher, s'il te plaît ? Tu m'étouffes là...
Sa voix ressemble beaucoup à la seconde voix qui parlait dans ma tête tout à l'heure.
–Tu m'étouffes toujours.
–Euh... oui, pardon.
Je le relâche un peu, l'écartant légèrement de ma poitrine.
–Me lâcher complètement ?
Rajoute-t-il en riant.
–Non.
Je lâche net, sans réfléchir.
Il ne dit rien et malgré sa protestation, il est chaleureux, riant de ma façon de se coller à lui comme un enfant apeuré à sa mère, comme un koala à son arbre.
–Tu fais ça à tout le monde ? Ou c'est un traitement spécial pour moi ?
Demande-t-il en riant.
Je lève les yeux vers les siens, la lumière oculaire qu'il émet ne me dérange pas le moins du monde, au contraire, son regard est vraiment hypnotisant, me donnant envie de ne jamais casser le fin lien qui nous unit.
–Je ne sais pas Zohar, tu es le premier à survivre, le seul survivant. Tu es donc spécial, c'est certain. Est-ce que je ferais ça pour d'autres que toi ? Je n'en ai aucune idée.
Il tremble à cette révélation.
–Comment tu sais que je suis le seul ? Il y en a peut-être d'autres et–
–Je les ai vus mourir, et dans d'atroces souffrances.
Je le rapproche, à nouveau, de moi.
–Et puis, t'as bien vu leur réaction, t'es le premier à survivre, je te l'assures...
Il me caresse doucement la tête, ne disant rien d'autre pendant un moment, restant collé à moi.
–Mais, maintenant, tu m'as moi, tu sais que l'on peut survivre à ton sang et tu dois savoir que ce n'est pas ta faute. Compris ?
Sa voix est calme, mais pourtant si encourageante, envoûtante. C'est comme s'il savait exactement tout ce qui m'est arrivé et tout ce qui est arrivé aux autres enfants qui ont reçu mon sang et qu'il me pardonnait, mieux qu'il était convaincu que ça n'avait jamais été ma faute, que je n'avais rien fait de mal, jamais. Comme si mon existence même ne mettait pas en danger tous les enfants de ce monde, comme si nous avions une chance de nous en sortir, de nous en sortir vivants, ensemble...
Je sèche les larmes coulant le long de mes joues, larmes que je n'ai même pas senties couler.
–Tu sais que plus tu es adorable, moins il y a de chances que je te lâche ?
Je lui dis d'un ton taquin, absolument sérieux.
–Parce que tu comptais me lâcher avant ?
Rit-il en réponse.
Je réfléchis une fraction de seconde avant de répondre.
–Euh... non. Mais, c'est encore moins le cas maintenant.
–Je peux te poser quelques questions, s'il te plaît ?
–Bien sûr, Zohar, autant que tu veux. Ce n'est pas comme si on pouvait faire quoi que ce soit d'autre de toute façon.
–Déjà, j'aimerais bien connaître ton nom ?
–Oh, ouais, c'est vrai que tu ne peux pas savoir, Zohar. Mon nom est ▓▓▓▓.
–C'est un joli nom.
Me sourit-il, si brillant...
–Néanmoins, il vaut mieux que tu m'appelles "premier". Je n'ai jamais revu qui que ce soit qui m'a appelé par mon prénom. Et je ne veux absolument pas te perdre !
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Zohar, le premier à survivre, "la lumière du courage" a rejoint le premier en cellule. Après cela, les expériences ont cessé, un temps seulement. Mais, pendant ce temps-là, ils ont été heureux, emprisonnés, oubliés, mais heureux. Ça n'a bien sûr pas duré...
Fin du chapitre
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