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Point de vue de ???

Depuis toujours, existe une religion envers Oldarr, l'Être éternel, régnant sur l'immuabilité. Et, depuis toujours, les mêmes clans le vénèrent. Les Angellane, les Guifellon, les Astare et mon clan, les Abize, ça a toujours été le cas et ça aurait dû toujours l'être.
Il arrive que certains membres meurrent, mais cela n'arrive qu'une fois tous les cinq ans, toujours le même jour, touchant nos quatre clans, un à un, toujours dans le même ordre. Puis, quelques mois plus tard, une naissance a lieu, toujours dans le clan ayant subi une perte, toujours ayant le même sexe que la personne morte, amenant nos membres à toujours être le même nombre, quarante-quatre, onze membres par clan.

Je suis le dernier-né de mon clan, il y a deux cycles de cela, j'ai donc 10 ans, même si mon corps semble déjà en avoir 15. Je me nomme Aeon, comme mon "prédécesseur", comme mon "moi précédent" et cela signifie "Temps éternel". Nous avons tous un prénom ayant un lien avec notre divinité, ou à l'éternité, par respect pour Lui, évidemment.

Notre histoire n'a jamais vraiment changé depuis que nous Le vénérons, nous avons été trouvés, à une époque, lorsque la croisade du "Vrai Dieu" actuel a voulu éradiquer tous les autres Êtres n'étant pas "à lui", mais nous n'avons rien fait contre cela et nous avons survécu. Après tout, tant que nous ne changeons pas, tant que nous restons immuables, tant que le cycle continue, alors nous resterons éternels, comme Lui. Et, personne n'osera jamais arrêter cela, qu'importe ce qu'il pense, qu'importe ce qu'il croit vouloir, au final, tout le monde reste et restera toujours dans Son cycle éternel.

Du moins, c'est ce que nous avons toujours cru et ce qu'on pensait tous jusqu'à il n'y a pas si longtemps que cela...

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Un moment plus tôt

La journée était calme, comme d'habitude, certains dormaient, d'autres, principalement ceux qui devaient préparer le repas, cette semaine, c'était mon clan, s'affairaient déjà aux fourneaux ou à l'ouverture des lieux.

Mais, cela ne dura pas longtemps, alors que Sernh, actuellement mon "grand frère", ouvrait la porte d'entrée, la porte fût forcée, l'écrasant sous celle-ci et laissant entrer plusieurs personnes armées, le piétinant au passage.
Je n'avais pas vraiment peur pour lui, ni n'était vraiment triste, ni même vraiment surpris, ce n'était pas la première fois qu'un de nous "meurt", ni la première fois que cette porte était forcée, ni même la première fois que Sernh se faisait écraser par cette porte tombant sur lui alors qu'il tentait de l'ouvrir. C'est ça le vrai sens de "l'éternité", nous ne pouvons pas mourir, sauf à la fin d'un cycle, et nos corps ne changent pas, ne vieillissent pas plus que notre "âge originel", ne saignent pas, ni quoi que ce soit d'autres. Pourtant, cette fois-ci, j'ai remarqué que quelque chose clochait, ce qui semblait être du sang coulait de dessous la porte, et mon Sernh ne se relevait pas.

–Il y a un autre groupe qui a défoncé la porte.
J'ai crié d'un ton calme pour que les quatre clans entendent, mes yeux ne pouvant pas se détacher de la flaque rouge où se trouve mon "grand frère", attendant qu'il se relève.

–Peut-être avait-il des tomates ou d'autre chose rouges dans une de ses poches qui s'est écrasée et libérée lorsqu'il s'est fait écraser ? Ce ne serait pas la première fois.
Ai-je pensé.

J'étais persuadé que ce ne pouvait être que l'unique solution à cette bizarrerie. Après tout, Sernh a toujours été blagueur et gourmand, ça ne serait pas étonnant qu'il se balade avec de la substance rouge, sûrement alimentaires, sur lui. Il l'a déjà fait plus d'une fois après tout, comme il ouvre toujours la porte d'entrée.

Les premiers "vrai adultes" sont arrivés, pas de mon clan, bien sûr, faire à manger étant plus important que de s'occuper d'un groupe d'intrus armés.

Un des intrus à lever une arme à feu vers Vashti, qui était la femme la plus ancienne du clan Angellane, à ce moment-là. Elle ne s'en est pas souciée, personne ne s'en souciait, les prochains à être touchés par le cycle étant le clan Astare, pas le sien.

–Cela ne sert à rien, vous le savez déjà.
Leur a-t-elle dit.
–Il vaut mieux que vous rentriez d'où vous venez.

L'intrus a tiré. La balle a transpercé Vashti. Elle est tombée à terre, un trou dans sa tête. On a attendu qu'elle se relève, une minute, deux minutes, cinq minutes, dix minutes, mais rien, elle est restée à terre, une flaque rouge s'est formée sous elle...

–Elle est morte ?
A demandé, chuchoté, la plupart d'entre nous présent sur les lieux.

–Cela ne peut pas être possible, cela ne peut tout simplement pas être possible. Nous avons toujours cru et croyons toujours en Lui, nous avons toujours et suivons toujours Ses principes et Son cycle. Alors, pourquoi ? Pourquoi Vashti ne se relève pas ? Pourquoi Sernh ne se relève pas ? Pourquoi leur sang coulent-ils ?
Me suis-je demandé, surpris et inquiet.

La plupart commençaient à fuir, plus exactement, à se réfugier dans d'autres endroits de la maison, après tout, ce n'est pas encore permis de sortir, il est encore trop tôt. Ce n'est pas ce que j'ai fait. J'ai préféré me diriger vers la porte sous laquelle était censé se trouver mon Sernh.

Des quarante-trois personnes avec lesquelles je vivais, il avait toujours été la personne dont je suis le plus proche. En même temps, nous étions ensemble trois de nos cycles complets sur quatre, le quatrième, nous étions toujours seuls. Dans chaque clan, il y avait un duo qui, comme le nôtre, ne pouvait pas être fertile et nos quatre duos étaient donc les seuls à, des fois, pouvoir ne pas être en couple, sans que cela ne brise le cycle.

Je me suis assis juste à côté de la porte, l'ait doucement soulevée et je l'ai vu, bel et bien mort, son corps, ou plutôt, ce qu'il en restait, défiguré, brisé.

–On se retrouve à ton prochain cycle, mon Sernh.
J'ai murmuré en fermant ce qu'il restait de ses paupières.

–Je vais devoir attendre 190 ans avant de te revoir...
Ai-je tristement pensé, croyant toujours aux éternels cycles qui ont toujours été, jusqu'à présent du moins...

Nos cloches ont sonné dix heures, l'heure de la prière. Je me suis agenouillé où je me trouvais, à côté de mon "frère", mes pieds et mes jambes baignant dans son sang.

Chacun d'entre nous avions une partie de la prière, car nous étions éternels, car nous devions tous toujours être là.
Lors de la prière, s'il y avait un mort, sa voix lui revenait, le temps de celle-ci. J'étais donc content d'être à ses côtés, car je pensais pouvoir l'entendre clairement. Et, je pensais que quand il serait revenu, j'aurais pu l'embêter sur le fait qu'il m'a "ghosté" pendant tout ce temps.

Ô Dieu de l'immuabilité, je me tourne vers toi,
Gardien des instants figés, de l'éternité sans loi,
Dans ton royaume d'immobilité, je me prosterne,
Pour te prier humblement, ô force éternelle et solennelle.

Accorde-nous la grâce de l'immuabilité,
Que chaque instant puisse se figer dans la stabilité,
Que les épreuves et les changements se dissipent,
Dans un monde d'immobilité pure et lisse.

En même temps que je chantais, imperturbable, des larmes ont commencé à couler de mes yeux. Il n'y avait pas 44 voix, il n'y avait pas la voix de Vashti, il... il... il... il n'y avait pas sa voix. Et, certaines voix ont disparu en plein milieu de la prière...

–C'est insensé ! Totalement impossible ! Perdre sa voix signifie perdre son éternité, signifie... réellement mourir. Et c'est totalement et absolument impossible !
J'ai pensé, pleuré, mes larmes ne pouvant que couler.

J'étais terrorisé, vraiment terrorisé, mais je devais continuer ma prière.

Que les fleurs ne se fanent jamais,
Que les sourires restent figés à jamais,
Que les joies et les bonheurs ne s'effacent point,
Dans un univers d'immuabilité, sans aucun point de fin.

Ma partie de prières était finie. Personne n'était proche de moi. La porte d'entrée était toujours par terre. J'aurais pu partir, j'aurais pu fuir, mais je ne l'ai pas fait. Pourquoi ? Parce que je ne voulais pas, parce que tout ce que je voulais, c'était de rester aux côtés de mon "frère" et amoureux, de l'être auprès duquel j'ai passé nombre de vies, nombre de siècles, de l'être que je connaissais sur les bouts des doigts... celui qui m'a convaincu de rejoindre ce groupe, ce clan, cet Être, il y a tant de vies, tant de cycles, de cela.

Le groupe d'intrus est revenu, l'un d'entre eux ayant sur son épaule le dernier-né du clan Guifellon, Amar, qui avait donc cinq ans de plus que moi, à ce moment-là. Il pleurait, lui aussi, il pleurait le nom de Kali. Ce qui était assez bizarre, Kali faisait partie des duos infertiles, étant donné que Kali est stérile. Mais Amar, non, il est censé être lié à Ayla. Ce n'était pas normal, vraiment pas normal.

–Est-ce que ça serait pour ça que... ? Non, non, non, impossible, n'est-ce pas ?
Me suis-je demandé à voix basse.

Je pensais que, peut-être, Ayla avait fui et qu'il pleurait la mort de Kali, car Kali est morte devant lui, mais ce n'était pas ça, pas ça du tout...

Ils m'ont attrapé, m'ont éloigné de mon Sernh alors que je tentais tout ce que je pouvais pour rester à ses côtés, sans succès. Ils nous ont amenés dans un camion noir, les vitres teintes dans la même couleur ne laissant même pas passer la lumière extérieure.

Et, nous voilà maintenant dans une salle aux murs de pierres dans laquelle se trouvent des espèces de tables en métal, des types habillés en blanc et, surtout, un vieil homme. D'ailleurs, j'ai vraiment vraiment, mais alors vraiment envie de mettre à mort le vieillard, pour une raison que j'ignore.

Nos corps sont attachés aux tables de métal, nous ne pouvons plus du tout bouger. Un type en blanc s'approche de chacun de nous deux, mais je ne m'en préoccupe pas vraiment, dans ma tête résonne supplications, demandes et prières envers notre Dieu, Le suppliant. Mais, rien n'a changé... Je ne veux même pas être libéré, pas vraiment, je veux juste le revoir, je veux que tout redevienne comme avant, un éternel cycle qui n'aurait jamais dû se finir.

Je sens une piqure sur mon bras droit, mon corps se figer et une voix résonner dans ma tête, pas une voix que je connais. Elle semble parler de moi, même si ça ne peut pas être le cas et je ne peux pas m'empêcher de répéter ses dires.

Dans ton regard repose l'éternité figée,
Dans mon regard repose l'éternité figée,
Chaque souffle que tu prends maintient la stabilité,
Chaque souffle que je prends maintient la stabilité,
Les vagues de l'inconstance se brisent à tes pieds,
Les vagues de l'inconstance se brisent à mes pieds,
Et le monde se pétrifie sous ton regard enchanté.
Et le monde se pétrifie sous mon regard enchanté. 

Dans ton sillage, rien ne fane jamais,
Dans mon sillage, rien ne fane jamais,
Faunes et flores éternellement figés,
Faunes et flores éternellement figés,
Les sourires gravés sur les visages gelés,
Les sourires gravés sur les visages gelés,
Sont immuables, ne s'effaceront jamais.
Sont immuables, ne s'effaceront jamais.

Aeon, que ton pouvoir infini, ton don d'éternité,
▓▓▓▓, mon pouvoir infini, mon don d'éternité,
Nous guide sur le chemin de la stabilité,
Vous guide sur le chemin de la stabilité,
Reprends ce qui t'a été lâchement enlevé
Je reprendrai ce qui m'a été lâchement enlevé
Et protège tes semblables enfermés.
Et protégerait mes semblables enfermés.

Au fur et à mesure qu'elle par– que nous parlons, chantons, je sens mes yeux se... "vider" ?,  devenir étrange et, en même temps, je sens quelque chose se balader dans mon corps. Non, ce n'est pas vraiment ça, c'est plus comme si cela vidait et remplissait mon corps en même temps, que mon corps changeait entièrement sans qu'il n'y ait un seul changement. C'est vraiment une sensation très bizarre et qui semble, étrangement, logique.

–À l'aiii–
J'entends le début d'un cri à ma gauche, suivi d'un étrange bruit que je ne suis pas sûr de pouvoir décrire.

Je me tourne vers la source du bruit et vois Amar, toujours accroché, enfin, partiellement du moins.
Son bras droit est tombé, devenu une espèce de glaçon géant en partie brisé. Son moignon laisse tomber du sang bleu créant une sorte de stalagmite au sol, son torse n'est plus qu'une espèce de bouillie bleuâtre avec son cœur, visible et pulsant encore, flottant à l'intérieur. De ses jambes, il n'en reste plus une trace et son bras gauche est caché par ce qui fut autrefois son torse. Sa tête, elle n'est plus accrochée à son cou et, elle flotte, ou alors son cou est devenu invisible et de plusieurs mètres de long, je ne sais même pas vraiment ce qui serait le plus écœurant et bizarre... le bruit étrange vient de sa bouche qui vomit un liquide et dont je ne peux bizarrement pas détourner mes yeux. Pourtant, ce n'est pas fascinant, au contraire, c'est absurde, dérangeant, ignoble, écœurant, je devrais être en train de vomir au vu de son état, mais je ne peux pas, tout ce que je peux, c'est regarder fixement cette tête en pensant que cet état durera sûrement pour toujours.

Et, elle continue, continue et continue, sans s'arrêter un instant. Une explosion surgit tout à coup, en dessous de sa tête, son corps. Je ne sais pas vraiment pourquoi, je ne suis pas sûr de vouloir savoir non plus d'ailleurs. Une seconde explosion retentit, plus haut, au niveau de là où devrait se trouver son cou. L'explosion touche sa tête, mais cela ne semble pas l'affecter. Au même moment, je sens quelques gouttes de liquide tomber de ma bouche.
Ce n'est pas du vomi comme je le pensais, mais du sang. Est-ce que l'explosion m'a touchée ? D'aussi loin, ça m'étonnerait beaucoup quand même, mais je ne vois pas ce que ça pourrait être d'autre.

J'entends un bruit de melon s'écrasant au sol alors que la tête, que j'avais totalement oubliée, percute le sol. Bizarrement, c'est un bruit assez satisfaisant, même si je ne devrais sûrement pas penser cela.

–Ton pouvoir est dans tes yeux, n'est-ce pas ?
Me demande une des personnes en tenue blanche. Il semblerait d'ailleurs que le vieillard soit sorti de la salle parce que je ne le vois nulle part.

–Pourquoi je vous dirais quoi que ce soit ? Vous avez tué tous mes proches ! Vous avez tué toutes les personnes avec qui j'ai jamais vécu ! Vous avez tué Sernh !
Je leur crie en retour, ma dernière phrase prononcé d'une voix que je ne me reconnais pas, bien trop grave et menaçante, malveillante.

Personne ne me répond, mais un des hommes appuie sur une espèce de télécommande. Je sens que le collier que j'ai autour de mon cou fait, quelque chose, il semble vibrer. Mais, ça ne semble rien faire ?

tousse tousse

Je me mets à cracher du sang, goutte à goutte. C'est à cause du collier ? Ça va, si c'est juste ça, je peux ten–

Une grosse gerbe de sang tombe de ma bouche alors que mon corps se met à trembler incontrôlablement.

–C'est... c'est bon... arre... arrêtez...
J'arrive à crier entre deux crachats.

La vibration du collier et le tremblement s'arrête en même temps.

–Alors ?
Me demande la même personne en tenue blanche.
–Quel est ton pouvoir ?

Je respire rapidement, tentant de reprendre mon souffle.

–4, 3, 2, 1, Zé–
Décompte une autre personne en rapprochant son doigt de cette même espèce de télécommande.
–Attendez, deux secondes, s'il vous plaît !

Il arrête le décompte, me regarde droit dans les yeux, attendant.

–Je ne suis pas certain à 100%. J'ai eu la sensation d'avoir mon corps vidé et reremplie. J'ai l'impression que mes yeux ont été touchés et que je peux faire quelque chose avec eux, mais je ne sais pas vraiment quoi.
Je réponds en tremblant un peu.

Je n'ai pas vraiment peur de mourir, ni de souffrir, pas vraiment en tout cas, ce ne serait pas la première fois, après tout. Mais, la voix a dit que je pouvais "reprendre ce qui m'a été enlevé", peut-être ne parle-t-elle que de notre habitation, mais si ce n'est pas le cas, si elle parle aussi des morts et des cycles... je ne peux pas mettre en jeu cela, donc je me dois survivre et de partir d'ici. Je me dois de le ramener.

L'homme qui m'a posé les questions note quelque chose sur un calepin avant d'envoyer deux personnes armées m'amener jeNeSaisOù à travers une grotte où il y a des choses ressemblant à des taches de sang et des bouts d'os. C'est juste macabre...

Je suis dans une espèce de petite cellule avec deux autres personnes, deux garçons. Un étrange garçon avec plusieurs bouches éparpillées sur tout son corps. J'en vois sept, mais c'est possible qu'il y en ait plus. Le second semble assez normal, je sens qu'il y a quelque chose qui cloche en lui, mais je ne sais pas quoi. C'est juste une intuition, pour l'instant du moins.
Est-ce que je dois leur parler ? Ils font partie de mes "semblables enfermés", non ? Ou alors la voix ne parlait que des quatre clans ? Je ne sais pas, je pense que je vais juste m'asseoir dans un coin et on verra plus tard si je leur parle ou non.
...
Ah, qu'est-ce que je ne donnerais pas pour que Sernh soit là, à mes côtés... je veux le revoir, je veux l'enlacer, je veux pouvoir m'endormir à ses côtés, je veux–

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Malgré la "mort" de son bien-aimé, Aeon a rejoint les survivants en septième position. Pourra-t-il survivre ? Pourra-t-il ramener les siens ? Et, quel est vraiment son pouvoir ?

Fin du chapitre

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