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Point de vue d'Eidolon, "Image spectrale"
Ça fait plusieurs jours que je suis dans cette cellule, piégé avec seulement mes pensées et le garçon aux nombreuses bouches. D'ailleurs, son nom est Munde, "Munde, nombreuses bouches", plus exactement. Il semblerait qu'en survivant, on gagnerait un "titre" en même temps qu'un "pouvoir", mais je n'ai pas l'impression d'avoir l'un ou l'autre...
Clara me manque, terriblement. Des fois, j'ai l'impression d'entendre sa voix, mais cela est impossible, tout simplement impossible.
À un moment, j'ai cru que je l'entendais vraiment, j'ai cru que c'était mon pouvoir, "entendre les morts", c'est possible, non ? Mais, ce n'était pas le cas, ça n'a jamais été le cas, je n'ai vraiment aucun pouvoir. Néanmoins, je l'entends toujours, de temps en temps, j'entends sa voix chuchoter. Elle me dit de fuir, elle me dit de mourir, elle me dit de la venger, elle me dit de tuer tous ces ignobles gens. Mais, je ne peux rien faire, rien, vraiment rien.
Je regarde à travers les barreaux de la cellule, attendant. Je ne sais pas vraiment ce que j'attends, sûrement n'importe quoi, n'importe quel événement qui peut m'éloigner de mes pensées, ne serait-ce qu'une seule seconde. Mais, il n'y a rien, seulement les mêmes barreaux, les mêmes murs de pierres, les mêmes bouts de sol couvert de sang coagulé, les mêmes petites particules argentées...
...
Attend ! Des particules argentées ?
Je regarde attentivement l'endroit où je les ai vus, mais je n'arrive pas à les retrouver. Il semble que je ne fais pas juste qu'entendre des choses, j'en vois aussi... soupire Sa mort et cet endroit me rendent vraiment fou.
Je détourne mon regard, le dirigeant maintenant vers une petite brique de l'autre côté des grilles qui, si l'on la regarde bien, a une tache en forme de–
J'ai entendu quelque chose, là, non ? Vers l'endroit où il y avait les particules, comme un soupir ou un faible murmure. Clara ?
–Est-ce qu'il–
Je commence à demander à voix haute.
–Ça ne peut pas être elle, c'est juste une autre hallucination.
Je me murmure en détournant la tête.
Je suis juste totalement en train de devenir fou, ce n'est pas grave, j'imagine ?
–Qu'importe.
Je murmure une dernière fois avant de me remettre à fixer cette même brique tachée de sang.
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Une voix résonne à l'extérieur de la cellule.
–Munde, nombreuses bouches ? Eidolon, image spectrale ?
Je me tourne instinctivement vers son origine.
Comment il peut savoir mon "titre" alors que je ne savais même pas que j'en avais un ? Surtout que je suis persuadé qu'il a dit vrai, c'est mon nom, c'est mon "titre". Je suis "Eidolon, image spectrale", ça ne peut pas en être autrement, c'est aussi simple que cela.
Donc, j'ai forcément un pouvoir, non ? Qu'est-ce que ça peut bien être ?
–Où et qui ?
Demande Munde d'une de ses bouches tandis que les autres continuent leur monologue.
Soudainement, un enfant apparaît devant nous, vêtu d'habits en grande partie déchirés.
–Hamish, caméléon vivant.
Dit-il avant de disparaître.
J'imagine qu'il doit être comme nous deux, un survivant.
–Je suis en train de fuir cet endroit, vous voulez venir avec moi ?
Je ne peux pas rester sans rien faire ici, je deviendrais juste encore plus fou. Est-ce qu'il peut nous ramener en vie ? Aucune idée. Est-ce que c'est important ? Absolument pas, je dois essayer.
–Elle ne voudrait certainement pas que je reste ici sans rien tenter, alors je viens.
Je lui réponds.
–Si vous voulez mourir, allez-y, moi, je reste ici. Refermer la porte derrière vous au moins...
Répond Munde de ses nombreuses bouches.
La porte s'ouvre, il a sûrement dû récupérer la clé de la cellule quelque part ? Aucune idée, à vrai dire.
Je sors de la cellule et l'entends instantanément se refermer derrière moi.
C'est vraiment étrange de ne pas voir une personne que l'on est censé suivre.
–Euh... Hamish ?
–Oui ?
–Je ne te vois pas...
–Oh ! C'est vrai !
Je vois des morceaux de son corps apparaître et disparaître, c'est vraiment étrange et assez désagréable à voir.
–Euh...
Il semblerait qu'il n'arrive pas à faire plus, ça ferait l'affaire alors.
–Ça suffira, ne t'inquiète pas.
Je soupire.
–Maintenant, vite. On doit passer devant la salle de torture pour fuir et il y a des gardes, donc...
Oh, super...
Je me mets à courir, concentrant toute mon attention sur les parties de corps devant moi, il ne faut pas que je le perde.
On arrive juste devant la salle, puis part sur la gauche. Pour l'instant, on n'a vu personne.
–Cours plus vite ! Ils sont derrière !!!
Je l'entends crier.
Je ne me retourne pas, préférant accélérer le pas encore plus.
Des balles sifflent à mes oreilles, proche de moi, bien trop proche.
Hamish disparaît à nouveau.
–Je ne te vois plus !
Je cris en voyant cela, seulement quelques secondes après, mais je n'ai aucune réponse...
J'arrive bientôt à l'endroit où il a disparu, juste avant un embranchement.
Dois-je continuer tout droit ? Dois-je tourner à gauche ? Je ne sais pas, je ne sais pas et il ne me répond pas.
La scène semble se passer au ralenti, chaque pas me rapproche désespérément, plus que quelques-uns et je serais à la croisée des chemins.
Tout droit ? À gauche ?
Et, il ne répond pas. Et, je ne le vois pas. Et, il ne répond pas. Et, je ne le vois pas.
Est-il tout droit, en invisible ? Est-il à gauche ?
Je pars à gauche, en courant, le temps semble avoir repris son cours normal. Est-ce que j'ai fait le bon choix ?
BAM
La balle passe juste à côté de mon oreille m'arrachant quelques gouttes de sang. J'accélère au maximum de mes capacités, bien plus que ce que je pensais possible, en réalité, criant de nouveau à l'aide.
Je m'arrête, médusé. Il semble que la chance m'a abandonnée, si j'en ai bien eu un jour. Devant moi, un mur de pierre, il fallait donc aller tout droit...
Je me retourne, faisant face à mes ennemis, à mes tueurs. Ils ne sont que deux, deux que je n'ai jamais vu, armés de pistolets.
L'un d'eux pose le sien sur ma tempe, me regarde droit dans les yeux, en souriant, puis tire.
Je sens la balle traverser ma tête et en ressortir. Je sens le sang couler le long de mon corps par ce nouvel orifice. Je sens mon corps heurter le sol alors qu'il devient froid, sans vie.
Je sens mon corps mourir, mais je ne me sens pas mort.
J'entends une voix à la place, une petite voix, un faible chuchotement, au début, qui prend de l'ampleur au fur et à mesure, jusqu'à devenir parfaitement audible. Je ne pensais pas que c'était ça l'au-delà ?
Dans les méandres de l'illusion, se cachent les fantômes,
Des spectres insaisissables, des mirages en somme.
Leur présence éthérée, un voile dans l'air,
Défiant la réalité, dans un ballet éphémère.
Tu es celui restant quand ton corps n'est plus,
Tu es celui faisant expier à ton tueur ses fautes.
Son corps ton vaisseau, car son âme la tienne enjôle.
Maintenant, Eidolon, que ta vengeance soit absolue !
Ces mots me disent quelque chose, cette voix me dit quelque chose, comme si j'avais déjà entendu cela, comme si ce n'était qu'un souvenir, comme si–
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Mes yeux s'ouvrent alors que je n'en ai plus. Je flotte dans les airs. En dessous de moi, je "vois" la personne qui m'a tuée.
–Drake.
Je chuchote à son oreille, sachant que c'est son nom, sans savoir comment je le sais.
–Tu m'as tué, Drake.
Je le sens et le vois frisonner, je trouve cela vraiment amusant.
–Où sommes-nous ?
Je lui demande, sachant qu'il va me répondre.
–Chez... chez moi.
–Il y a quelqu'un d'autre ?
–Non, personne.
–Tant mieux.
Je dis d'un air méchant. Il frissonne à nouveau, il a bien raison.
–Je vais faire de ta vie un enfer, Drake. Je vais te faire trahir les tiens. Je vais te faire sauver des survivants. Et, tu vas faire tout ce que je te dis, sans une seconde d'hésitation, n'est-ce pas, Drake ?
Je tourne autour de lui en disant cela, lui faisant croire que ma voix vient de partout à la fois.
Il tremble de peur, tout son corps veut crier non, mais il finit par acquiescer de la tête.
–Je n'ai pas entendu !
–Oui...
Je continuerai à l'ennuyer plus tard, j'ai d'abord l'envie de tester quelque chose que je me sens capable de faire, sans être sûr de comment je sais que je peux faire cela.
Je me concentre sur l'apparence que j'avais il n'y a pas si longtemps que cela.
Je me sens mal, étourdi, mes yeux se ferment, j'entends Drake crier de peur.
Je rouvre mes yeux. Je suis à nouveau dans mon corps, même si ce n'est qu'une illusion. Ça fait du bien de se sentir "vivant", même si ce n'est que temporaire, même si cela n'a quasiment aucun intérêt, ça fait du bien, c'est déjà ça.
–Tu... tu... tu n'es pas mort !?
–Bien sûr que si, imbécile.
Je roule des yeux.
–Tu me parlais il y a à peine quelques instants, mais tu as encore peur ? Tu es vraiment stupide...
Et dire que je vais devoir me débrouiller avec ça, au moins, j'ai une seconde chance.
–Mais... tu as un corps ? Tu n'es plus mort ?
–Je suis l'image spectrale, imbécile ! Donc, c'est une illusion ! Une I.Llu.Sion !
Il ne dit plus rien.
–T'es vraiment stupide, hein ? Peu étonnant qu'Arken t'as gardé en tant que bras droit, t'es juste un tas de muscles sans cervelle...
Je devrais peut-être arrêter de l'insulter, pour l'instant ? Il faut que je récupère toutes les informations qu'il a, que je trouve un plan potable qui pourrait aider d'autres survivants, s'il y en a et essayez de faire arrêter toutes ces "recherches". Oh ! Et tuer le vieillard, aussi, dans d'atroces souffrances, si possible.
Je me couche sur son lit, étend mes jambes, croisent mes bras, posés sur mon ventre et ferme mes yeux.
–Pour information, à chaque fois que tu tenteras de me blesser quand je suis sous cette forme illusoire, je briserais un peu ton esprit, même chose si tu tentes de me désobéir, de me mentir ou d'autres choses comme ça.
Je lui dis calmement, sachant qu'il ne peut quasiment rien faire contre moi. Après tout, la seule chose qui peut le "libérer" de ma présence, c'est sa mort. rire
–Maintenant, tu vas me dire tout ce qu'il s'est passé depuis ma mort et me donner tous les détails que tu connais sur le laboratoire, le nombre de personnes présentes à l'intérieur par exemple.
Il ne répond pas, tant pis pour lui.
Je n'ouvre pas mes yeux.
–5.
Je commence à décompter à voix haute. Il me regarde sans savoir ce qu'il se passe.
–4.
Son regard est toujours autant hagard.
–3.
Je l'entends crier alors que de la douleur pure commence à emplir son cerveau vide.
–2.
Il crie de plus belle, prend sa tête entre ses mains et semblent agoniser.
–Unn.
Je commence, mais il m'interrompt en criant.
–Désolé, désolé, désolé. Arrêtez ça, maître, par pitié !
–La prochaine fois, tu ne me feras pas attendre, Drake.
Il hoche la tête plusieurs fois rapidement.
–Et encore, sache que j'ai été gentil, comme ce n'est que la première fois que tu fais ça. Prend ça comme un très léger avertissement...
Il frissonne de peur et d'horreur, sa tête encore vibrante de douleur.
–Maintenant, répond.
Ma voix est calme, mais la menace bien réelle.
Il respire un grand coup.
–Cin...
Je commence, délibérément lentement, dans le seul et unique but de le faire paniquer.
–Je vais parler, deux secondes, par pitié ! J'essaye de me rappeler des nombres, je ne suis pas doué pour ça.
Répond t-il rapidement.
–Tu n'es vraiment doué à rien...
Je lui dis, pas vraiment étonné.
–Après ta mort et la fuite du cinquième, l'invisible, on a cherché et trouvé qui était cet enfant. On a donc tué sa mère et l'entièreté du gang qui l'avait envoyé et on le cherche toujours.
Donc, Hamish est toujours, normalement, en vie, c'est une bonne chose. Plus qu'à espérer qu'il ne se fasse pas attraper.
–Pour empêcher d'autres fuites, un type nous a rejoints. Il doit s'occuper de mettre des colliers à toutes les personnes qui seront testés et aux deux derniers survivants qu'on a, le premier, celui dont on utilise le sang pour les tests, et le troisième, l'enfant aux nombreuses bouches, même si le premier est toujours scellé, donc cela n'a que peu d'importance.
–Scellé ?
Je demande.
–Oui, le premier est scellé par un type dont je ne connais pas le nom, mais qui se fait appeler "le scelleur". Apparemment, c'est un survivant d'une race oubliée qui s'appelle Skydianes, ou quelque chose comme ça. Ils étaient experts dans l'art de sceller des Êtres de toutes sortes, mais ont été éradiqués, de ce que j'ai compris, en tout cas.
–Et donc, quel rapport avec le premier ?
–Le premier serait similaire à un Être, apparemment. Donc, c'est la meilleure personne pour le mettre hors d'état de nuire.
–Et comment on rompt le sceau ?
–Aucune idée. Si quelqu'un le sait, ce n'est certainement pas moi. Je ne connais que les informations basiques...
Normal, qui ferait confiance à un attardé pareil après tout ?
–Au total, actuellement, il y a Arken, moi et Carl, le scelleur, le type aux colliers, quinze gardes, même s'il n'y a généralement que trois ou quatre d'entre-eux sur le site à tout moment, et six laborantins.
–C'est tout ?
Il semble réfléchir.
–Euh, je crois, il y a eu beaucoup de morts lorsque le premier a tenté de tuer Arken et sauver le second. Ah, si ! Il y a aussi un fossoyeur avec deux personnes qui s'occupent d'enterrer les morts, je les avais oubliés eux.
–Qui sont le second et le quatrième ?
–Vous êtes le quatrième, maître. Et, le second est un enfant qui fait de la lumière. Arken l'avait envoyé avec une unité de soldats et ils ont, apparemment, tous étaient tués.
Donc, il n'y a que deux personnes que je peux sauver, pour l'instant. Et, les scientifiques ne semblent pas vouloir les tuer, pas tout de suite du moins, donc, j'ai le temps de faire un plan qui est sûr de marcher, du moins, j'espère.
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Il semblerait qu'Eidolon ait survécu au final. Arrivera-t-il à saisir cette seconde chance pour atteindre ses buts ?
Fin du chapitre
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