FredricT / Hubrys
« Le couloir était couvert de poussière. Seules quelques rares traces de pas le parsemaient. Jusque là, je n'avais eu à tuer personne. »
La chute est très bonne : le narrateur n'a pas encore tué, mais il va devoir le faire. Pourquoi ? Il n'en faut pas plus pour nous intriguer.
Malheureusement ça manque un peu de fluidité, non ? Commencer une scène d'action par une voix passive ne me paraît pas très heureux. Il faudrait un peu plus de dynamisme.
L'article « le » que j'ai mis en gras me pose aussi problème. Il est utilisé comme variable en référence au couloir. Le lecteur doit donc effectuer l'opération « le = couloir ». Pour accroître la fluidité, cela d'une manière générale, il faut réduire au minimum les gymnastiques mentales. Les articles, les possessifs, les sujets ne doivent pas nécessiter de retour en arrière. On n'impose au lecteur cette gymnastique que quand on ne peut pas faire autrement. Donc on essaie d'en faire l'économie dès la première phrase d'un texte.
Toujours pour augmenter la fluidité, il faut éviter de changer sans cesse de sujet. Là, on a trois minuscules phrases avec trois sujets, dont les deux premières se mordent la queue à cause d'un malheureux « le ». Proust peut tenir des pages avec un seul sujet.
Je repère également un petit souci lexical : « Quelques rares », deux mots juxtaposés pour dire la même chose. Il faut choisir : « Quelques traces » ou de « rares traces ».
Enfin, le « n'avais eu » de la dernière phrase me reste dans la gorge.
Nous avons donc quelques problèmes qui à mon avis sauteraient à la figure d'un éditeur et lui feraient immédiatement abandonner la lecture.
Comment s'en tirer ? Il existe toujours une infinité de solutions. On peut faire de la poussière le sujet des deux premières phrases et sacrifier l'idée de l'obligation de tuer.
Première proposition : « La poussière recouvrait le couloir. Elle s'écartait sous quelques traces de pas. Jusque là, je n'avais tué personne. »
Je peux essayer d'employer des verbes plus évocateurs. « La poussière cendrait le couloir. Elle s'effaçait sous quelques pas. Jusque là, je n'avais tué personne. »
Ça ne marche pas encore. Un problème de rythme. Il faudrait trois phrases avec poussière pour sujet avant l'arrivée du « je » ou revenir à trois sujets différents, mais sans entrelacement.
« La poussière cendrait le couloir. Elle s'effaçait sous quelques pas. Voletait dans la lumière des torches. Jusque là, je n'avais tué personne. » ou « Devant moi, dans le couloir poussiéreux, des pas avaient laissé des traces. Je n'avais encore tué personne. »
Ne voilà que des suggestions approximatives (et plus qu'imparfaites). J'essaie de montrer comment je pense quand je me relis. À force de le faire, j'ai fini par câbler cette mécanique en dur dans mon cerveau. Même s'il m'arrive souvent de fauter, le plus souvent le premier jet est désormais bien meilleur que quand j'ai commencé à écrire.
*
Suggestion de Deuzeffe : « Le couloir était couvert de poussière, parsemée ça et là de traces de pas. Jusque là, personne n'était mort de ma main. »
Je la trouve très passive. Bonne musique toutefois. Suis pas sûr que ça projette beaucoup d'images chez le lecteur. Perso, je suis super attentif à ça. J'essaie de simplifier les descriptions.
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