Dix-sept - Asher
Le Saccage de Noël.
Tout en soupirant, je referme la porte de la maison le plus discrètement possible. Il est tard, il ne vaut mieux pas que les autres se réveillent.
Ça y est, elle est vraiment repartie. Et je ne suis pas avec elle.
C'est complètement dingue. Ce sentiment qui me tord le cœur, s'amuse à le broyer depuis que ses lèvres ont quitté les miennes. Et ce « à bientôt ». Comment lui dire que je n'avais pas envie de ça mais plutôt d'un « à tout de
suite » ?
Le dégoût s'empare de moi aussi vite que je m'assois sur le canapé à côté de Scott. Je suis un crétin. J'aurais du partir avec elle au lieu de rester là. Même si j'aime beaucoup ma famille, l'idée d'être loin d'elle me paraît tellement impossible et détestable.
- Alors vous allez faire quoi maintenant ?
La question de Scott me surprend. Lui qui n'a jamais vraiment compris l'attachement qu'on pouvait ressentir auprès d'une femme, ça semble irrationnel.
- J'en ai aucune idée.
Et c'est vrai. C'est pas comme si on avait mis un mot sur notre relation, du moins si on en a bien une.
Si on rajoute à ça le fait qu'aucun de nous deux n'était protégé cette nuit... c'est la merde. Enfin j'aime les enfants mais ce n'est pas ce dont j'ai besoin en ce moment. Enfin c'est pas ce que je veux dire. Blaise est une fille vraiment super mais je n'ai pas envie de fonder une famille tout de suite, surtout après avoir été salement trahis.
La main sur mon visage, je tente de la faire sortir de ma tête. Ça doit bien être facile puisque Savannah n'est plus dans ma tête aujourd'hui. En une semaine j'ai réussi à passer au-dessus d'une rupture catastrophique et maintenant, je ne ressens que du dégoût pour elle. Tout ça grâce à Blaise qui a trouvé le moyen de réchauffer mon cœur détruit. Elle est si merveilleuse.
Putain je pense encore à elle.
En colère contre moi-même, je me lève du fauteuil, souhaite une bonne nuit à mon frère et emprunte les escaliers pour me rendre dans ma chambre. Une bonne nuit de sommeil me fera le plus grand bien.
*
- Tonton Asher !
Finalement pour le "plus grand bien" on verra un autre jour.
Je grimace au poids de ma nièce sur mon dos et remonte la couverture de la chambre d'ami sur ma tête. Oui de la chambre d'ami. Scott m'a proposé de reprendre ma chambre mais l'idée de dormir dans les draps où Blaise et moi avons passé une nuit sensuelle m'a plus que rendu excité. Ces draps n'étaient pas des plus propres mais l'odeur de Blaise y est toujours incrustée et ça m'a suffit pour réussir à m'endormir en dix minutes. Mais apparement Sarah a décidé de mettre fin à mon sommeil.
- Sarah voyons on avait dit doucement, râle Vanessa depuis l'entrée de la chambre.
- Mais maman, elle semble bouder selon le ton de sa voix.
Je referme mes yeux et laisse les effluves du parfum de Blaise parvenir à mes narines. Bon dieu j'adore son parfum.
- Dis Tonton elle est où Blaise ?
Blaise. Blaise. Blaise.
Je grogne et murmure une insulte que moi seul entend. Et oui, je m'insulte moi. Quel con je suis de l'avoir laissé partir. J'ai fait une erreur et je ne suis même pas capable de l'assumer.
Le matelas bouge à nouveau et les petits pas de Sarah s'éloigne de moi. Dans un profond silence, je réfléchis à la situation. Je n'ai que quelques jours à tenir et après je pourrai rejoindre Blaise. Ouais c'est une bonne idée.
- Elle te manque déjà pas vrai ?
Sans même lever la tête de mon oreiller, je grogne à nouveau, laissant entendre à ma sœur que la réponse est positive. Comment ne pourrait-elle déjà pas me manquer ? Son sourire, ses cheveux, son rire... comment ne pas s'attacher à cette magnifique femme ?
- Plus que quatre jours petit frère.
*
Trois jours. Vingt et une heures. Quarante deux minutes.
C'est le temps qu'il me reste avant de retourner à New-York et par conséquent de revoir Blaise.
J'ai l'air d'un gros taré mais comment dire qu'en seulement quelques jours elle a pris une grande place dans ma tête, peut-être même dans mon cœur.
Un cri me réveille de ma transe et je relève immédiatement la tête vers Scott et Sarah qui s'amuse face à moi, par terre sur le tapis.
- Rends moi mon nez Tonton !
Je souris devant l'innocence de cette petite puce et secoue la tête quand j'entends Scott lui demander des biscuits en forme de cœur en échange.
Mon regard se repose sur mon ordinateur et je continue de faire les comptes du cabinet. Je n'ai pas encore eu le temps et l'envie de m'en occuper donc c'est le moment pour en profiter. Je sais que Finn prend ses vacances quand je reviens à New-York et je compte bien le laisser tranquille avec toute cette paperasse. Il n'a pas besoin de ça en ce moment puisqu'il est déjà stressé par sa copine qu'il faut absolument que je rencontre. Elle a fait craquer mon meilleur ami et le connaissant, elle doit être super, aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur, lui qui a toujours fait craquer les filles au lycée. Un gros dragueur qui cherche la fille parfaite depuis quelques années.
À côté de moi mon téléphone vibre et je me précipite pour décrocher, dans l'espoir que ça soit ma rousse préférée.
- Putain Asher merci t'as décroché !
Le comportement de mon collègue et ami me ramène sur terre. Pourquoi semble t-il si affolé ?
- Finn qu'est-ce qu'il se passe ?
- C'est ça le problème, je sais pas ce qu'il s'est passé mais le cabinet est sans dessus dessous !
- Quoi ? Je manque de m'étouffer avec ma salive.
Il manquait plus que ça.
- Je te jure je comprends pas ! Il s'énerve dans le combiné. J'ai tout fermé hier soir en partant et ce matin en arrivant je trouve le rideau de fer défoncé, la porte grande ouverte et le bordel partout. Ils ont pris un maximum de choses. Putain Asher comment on va faire ?
- Calme toi, j'essaie de le rassurer mais sa respiration se fait plus pressante. Je vais appeler l'assurance et je vais me prendre un billet pour le prochain vol, ok ?
- Ouais, je... merci Asher.
Je raccroche rapidement et énonce le problème à mon frère. Sur ses conseils, je me précipite pour faire mes valises pendant qu'il me réserve une place dans le prochain avion en direction de New-York.
On dirait que je vais devoir y retourner plus vite que prévu et pas pour les raisons que j'ai espéré.
*
- Tu diras aux parents et à Vanessa que je suis désolé. Je peux vraiment pas rester alors que c'est le bordel là-bas, j'explique à mon frère pendant que nous pressons le pas pour l'embarquement.
Heureusement pour moi, le prochain vol a lieu dans vingt-cinq minutes et Scott a réussi à m'avoir une place de dernière minute en négociant avec une hôtesse d'accueil.
En partant, il n'y avait que Scott et Johan avec moi, les autres étant partis au marché de noël. Johan est donc resté à la maison avec sa fille pendant que mon frère m'a accompagné à l'aéroport, une chance pour moi que Johan a pu nous prêter sa voiture de location.
- T'inquiète, il me salue d'une frappe sur l'épaule. Donne moi des nouvelles dès que t'en as.
Je hoche la tête et me rends dans la file pour faire vérifier mes papiers. Je reprends ma respiration pendant qu'il s'éloigne de la foule. Je profite de ces quelques instants calme et pourvu de réseau wifi pour consulter le site de mon assurance. Avec un peu de chance, quelqu'un pourra venir vérifier l'ampleur des dégâts qui selon les photos que m'a envoyé Finn, sont bien plus importants que je ne l'avais imaginé.
Ça ne va pas être de tout repos apparemment.
*
- Encore merci ! Je remercie une nouvelle fois le chauffeur de taxi et sors du véhicule en claquant la porte, mes sacs à la main.
Je me précipite vers l'entrée du bâtiment abritant notre cabinet et constate par moi-même que le rideau a bien été forcé, certainement par une clé anglaise ou un outil du genre.
Super pour un métal soit disant « très résistant » d'après le vendeur.
Je passe la porte d'entrée qui est elle aussi dans un état déplorable et constate directement qu'ils n'y ont pas été de main morte : les chaises de la salle d'attente ont été balancées sur le mur opposé, un des cadres sur le mur a disparu, le comptoir de notre secrétaire complètement foutu, des tonnes de papier par terre et bien évidemment, la caisse manquante.
J'avance en évitant les morceaux de verre brisé et me rends dans le couloir menant aux salles d'oscultation.
- Oh bordel...
Si je trouvais que la salle principale était dans un sale état ce n'est rien à côté de mon bureau. Les étagères sont au sol, les instruments et produits désinfectants aussi. La table électrique achetée deux mois auparavant ne sera pas restée longtemps...
- T'as vu ça...?
Le ton désespéré de mon meilleur ami me détruit bien plus que je ne l'étais déjà. On a mis tout notre argent, notre temps, notre cœur dans ce cabinet. C'était notre rêve et tout a été ramené à zéro en seulement une nuit.
- Comment on va faire Asher ?
*
Téléphone collé à l'oreille, Finn dicte à l'agent de l'assurance le chemin à emprunter pour se rendre jusqu'au cabinet, du moins ce qu'il en reste.
Je me baisse et ramasse pour la énième fois un gros morceau de verre. Au moins nous avons eu un minimum de chance, la salle réservée aux animaux qui restent en pensionnat est fermée à clé et impossible à forcer vue qu'elle est restée fermée, bien que les personnes ont essayé de détruire la serrure. Les quelques animaux restés cette nuit ont dû être bien traumatisés mais nous nous sommes engagés auprès de leurs maîtres pour décompter du prix la nuit précédente. Si certains clients étaient plutôt compréhensifs, d'autres ne se sont pas gênés pour me déclarer sans aucune pression que nous n'étions pas « des professionnels » et qu'ils nous traîneraient en justice si leurs animaux n'avaient que la moindre blessure en relation avec ce cambriolage. Dommage pour eux, la justice ne me fait pas peur, surtout lorsque je n'y suis pour rien et que le comportement est plus qu'exagéré.
- L'assureur arrive d'ici quinze minutes, m'apprend Finn et j'acquiesce faiblement.
Quelle journée de merde franchement. Entre Blaise qui part et ça, je ne sais même plus où donner de la tête. J'ai certainement dû décevoir mes parents en partant avant le nouvel an mais je ne me voyais pas rester là-bas alors qu'on avait besoin de moi ici. J'espère qu'ils l'ont compris.
Assis contre le mur, la tête sur les genoux, la seule chose que je peux faire c'est essayer de me rassurer. Après tout, nous sommes en vie, personne n'est mort.
D'un geste las, je sors mon téléphone de ma poche et le déverrouille. La photographie de Blaise et moi me fait toujours autant d'effet. Son sourire et son regard rivé sur le mien réchauffe mon cœur, bien que la voir suffirait à me consumer de l'intérieur.
Est-ce qu'elle ressent la même chose que moi ? Qu'est-ce qu'elle fait en ce moment ?
J'imagine qu'elle a dû reprendre le travail. La connaissant, elle ne s'est pas laissé un jour de repos.
- Asher, m'appelle Finn, viens ! Monsieur Claffing est là !
Je soupire et me lève doucement en remettant mon téléphone dans ma poche.
Je l'appellerai plus tard.
*
Une heure plus tard, l'expert nous serre la main et prend congé. Il est déjà dix-huit heures passées, je n'ai rien mangé depuis ce matin donc autant dire que j'ai vraiment très très faim.
Le rapport de l'assureur va nous permettre de faire le constat de tout ce qui a été détruit (c'est-à-dire presque tout) et de nous remettre sur pieds dans les semaines à venir, du moins c'est ce que nous espérons. D'ici là, Finn et moi devrons vivre de nos économies respectives. Nous avons décidé de libérer notre secrétaire, Marisa. Malheureusement pour nous, nous ne pouvons pas l'enchaîner au cabinet en prenant le risque de ne pouvoir la payer que dans plusieurs semaines.
Nous avons aussi dû rembourser les clients dont les animaux étaient en pensionnat. Du coup, le lieu est officiellement vide de vies.
Pendant que Finn sort du cabinet pour se rendre au commissariat pour porter plainte, je décide de récupérer les quelques objets de valeur restants : un cadre photo de ma famille dans mon bureau. J'avais aussi un cadre de Savannah et moi mais heureusement il a été brisé par les malfaiteurs...
Bon j'avoue je l'ai jeté par terre tout à l'heure mais ça peut passer.
Dans le silence, je ramasse mes sacs de voyage, verrouille les portes et sors enfin du cabinet. Le serrurier du coin a accepté de nous faire un prix pour une fermeture provisoire, une chance.
Il est temps pour moi de regagner mon logement, à pieds. Les économies commencent dès maintenant.
*
Après plus de trois-quarts d'heures de marche, je claque enfin la porte de mon appartement.
Bon dieu comme il m'avait manqué.
Bien que la plupart de mes souvenirs avec Savannah aient eu lieu ici, le fait d'avoir déchiqueté la moindre petite affaire de cette connasse ne me rend pas du tout nostalgique. Je n'ai juste qu'à enlever les quelques affaires qui traînent ici et là et ça serait très bien.
Je fais tranquillement mon chemin jusqu'à la cuisine et en ressors, une bière à la main. Rien de mieux après cette journée merdique que de me péter.
Rien ne pourra être pire de toute façon.
Comme si notre bon dieu m'avait entendu, mon mobile retentit dans la pièce et affiche la photo de mon meilleur ami.
- Ouais ?
- J'ai fait la déposition. Ils vont commencer leurs recherches dès demain, il ne tarde à m'annoncer.
- Merci d'y être allé, je bois une nouvelle gorgée de ma boisson.
Finn soupire et je l'entends rentrer dans sa voiture. Oh ça n'a pas l'air d'aller du tout.
- Y a un autre problème, pas vrai ?
- J'ai merdé avec Tara.
Le son de la voix de mon ami faiblie et je comprends qu'il a besoin d'une oreille pour l'écouter. Égal à moi-même, je lui propose de venir à la maison pour boire un coup, histoire de décompresser de la journée.
Au moins je me sens moins seul à être à moitié dépressif à cause d'une femme.
*
- Je te jure que je voulais pas être méchant, il m'explique tout en ouvrant sa bouteille, mais on attendait l'expert et cette histoire me stressait.
- Tu lui as dit quoi exactement ?
Je l'observe venir s'installer à côté de moi sur le canapé pour fixer la télévision face à nous. Un bon vieux match de football américain, juste ce qu'il nous fallait.
- Je lui ai dit que j'avais pas besoin qu'elle me prenne la tête avec sa connerie de rencontrer mes amis. Un truc comme ça.
- Juste ça ? Je l'interroge, un brin sarcastique et un sourire un coin.
Finn laisse tomber sa tête en arrière sur le dossier et soupire une fois de plus. Et bah on est pas mal barré tous les deux : lui avec sa copine qui lui fait la gueule et moi la fille qui me plaît, elle aussi à New-York mais trop loin de moi actuellement.
De fils en aiguilles, Finn et moi en venons à parler de Blaise et de la plus fabuleuse nuit que j'ai passé depuis des mois. Je lui raconte aussi comment elle a réussi à s'intégrer rapidement et le fait que ma famille l'adore, à tel point que je me demande s'ils ne la préfèrent pas à moi.
- Tu devrais l'inviter au restaurant ou un truc du style, il m'incite à proposer tout en prenant une nouvelle fois de la bière.
- Ouais je pourrais.
Enfin si je ne deviens pas stressé au moment où elle apparaîtra en face de moi.
Tout était plus simple à Miami. Maintenant j'ai l'impression d'avoir perdu mes repères avec Blaise. Et il y a aussi cette histoire de préservatif qui me tracasse. Bien qu'elle ne m'ait rien dit à ce propos, l'éventualité d'une grossesse me fait peur. Non pas qu'un enfant de Blaise ne me plaise pas mais nous n'avons même pas mis de nom sur notre relation. Alors un bébé viendrait encore plus compliquer la chose.
Quelle journée de merde.
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À écouter : My Type - The Chainsmokers
[J'espère que vous avez aimé ce chapitre ! En attendant le prochain, je vous souhaite à tous de bonnes fêtes !]
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