Dix ans plus tard, Lucie n'avait plus jamais senti quoi que ce soit au niveau de ses branches. En revanche, des nouvelles étaient apparues du côté de son bras gauche. Elle n'avait rien éprouvé à leur apparition, ce qui n'était pas pour lui déplaire.

Maintenant, elle contemplait sa lettre d'entrée à Poudlard pour sa troisième année. Elle n'avait pas besoin d'y répondre. Si McGonagall la lui avait envoyée, c'était pour les formalités mais aussi parce qu'elle savait que Lucie aimait recevoir du courrier, bien que cela soit toutefois très rare pour elle d'en avoir. Dumbledore et les autres professeurs n'avaient pas de temps à perdre avec ce genre de futilité. Si Lucie avait une question à leur poser, elle n'avait qu'à frapper à leur porte, elle savait où les trouver.

Bien qu'elle en connaisse sa composition par cœur, Lucie relut attentivement la liste des fournitures scolaires pour être certaine que tout lui avait bien été envoyé, livres, matériel, tout y était, même un nouvel uniforme. L'un des professeurs, probablement son parrain, avait dû remarquer qu'elle avait beaucoup grandi cet été, peut-être même qu'elle dépasserait les jumeaux maintenant.

A regret, elle rangea sa lettre et referma sa malle. Elle aurait dû prendre plus de temps pour tout préparer, ainsi, elle ne se serait pas retrouvée sans occupation pour le reste de la journée. Elle devait attendre qu'il soit l'heure de rejoindre son dortoir, en fin d'après-midi, quand les murs du château seraient à nouveau remplis par les élèves de Poudlard. De cette façon, personne ne remarquerait qu'elle vivait au château.

Il était de notoriété publique que Lucie avait un pouvoir qui la rendait spécial mais personne ne devait se rendre compte que sa maison n'était autre que Poudlard. Au moins, c'était différent des années où elle n'avait pas encore été admise au collège. Elle devait rester des heures dans l'aile des professeurs et ne pouvait sortir librement que lors des vacances d'été. Elle avait été ravie d'entrer, officiellement, dans l'enceinte de Poudlard, et d'avoir l'occasion de se faire des amis, de son âge pour une fois.

Malheureusement, son pouvoir en avait éloigné plusieurs et son arrivée dans la classe n'avait pas changé grand-chose à sa vie. Bien sûr, elle avait été comblée de se retrouver à Gryffondor comme ses parents avant elle. Enfin, tout avait changé l'année d'avant, quand elle avait pour la première fois enfreint le règlement, afin de sortir deux élèves de sa classe d'un grand embarras à la suite de l'une de leur farce. Elle avait recommencé la fois d'après et celle d'encore après.

Elle se demandait quelles bêtises allaient encore bien pouvoir inventer Fred et George, ses deux amis, pour cette année. Lors des deux précédentes, ils avaient accumulé les farces et rompu de nombreuses règles de l'établissement. Ils s'étaient rendus dans la forêt interdite, avaient fait exploser des bombabouses à de nombreux endroits et avaient même volé une carte dans le bureau de Rusard, le concierge de l'école.

Comme elle avait un peu soif, elle prit soin de s'asseoir correctement avant d'appeler un verre d'eau jusqu'à elle. Une fois entre ses mains, elle songea qu'il était de plus en plus facile de le faire sans renverser le contenu du verre sur le sol, comme lors de ses nombreuses tentatives infructueuses. Le sortilège d'attraction était l'un des plus durs à réaliser sans baguette, avec le sortilège de flamme. Elle s'était concentrée là-dessus tout l'été pour s'améliorer. Maintenant il n'y avait même pas un mouvement dans l'eau quand elle déplaçait le récipient. Elle avait vraiment hâte de montrer ça aux jumeaux !

De son bec, sa chouette frappa aux carreaux, du moins elle pensa que c'était elle, mais ce n'était pas le cas. Elle l'avait laissé sortir chasser ce matin et elle avait probablement dû passer réclamer une friandise chez Hagrid, lui qui lui avait raconté dans les moindres détails sa rencontre avec le célèbre Harry Potter, un mois plus tôt.

Elle se concentra pour ouvrir la fenêtre, bien qu'il lui aurait été plus facile de la retirer en entier, faire pivoter cette dernière représentant une véritable torture. Comme l'animal s'impatientait derrière le carreau, elle décida d'utiliser ses deux jambes et d'ouvrir manuellement la fenêtre. L'oiseau se glissa à l'intérieur d'un battement d'aile et se posa sur le perchoir d'Anya, sa vraie chouette.

L'animal ne transportait pas de lettre, mais Lucie n'en avait pas besoin pour savoir ce qui l'amenait ici. D'un geste délicat, elle effleura la tête de la bête et put entrer dans son esprit. Elle vit très distinctement sa propre chouette dans les bras du garde-chasse, une aile dans un sens complètement inédit.

Aussitôt, elle prit la chouette sur son bras, toucha le poignet de sa porte, l'ouvrit, mais au lieu d'atterrir dans le couloir des professeurs, celle-ci donna sur la cabane d'Hagrid. Un avantage de son pouvoir que Lucie avait maîtrisé dès ses premières années à Poudlard, très utile quand il ne fallait pas se faire apercevoir des autres élèves ou lorsqu'elle perdait son chemin.

— Hagrid ! appela-t-elle.

Le demi-géant n'était pas dans sa cabane et un coup d'œil dehors lui permit de le distinguer dans son jardin. Quelques coups à la fenêtre indiquèrent au demi-géant sa présence.

— Ne t'inquiète pas, ce n'est pas grave ! commença-t-il en entrant dans sa demeure.

— Où l'as-tu trouvé ? demanda-t-elle inquiète.

— A la lisière de la forêt interdite. Elle est derrière.

Lucie se précipita à l'endroit indiqué et découvrit sa chouette. Tout avait l'air normal, en dehors du bandage qui couvrait son aile, qui avait de nouveau retrouvé son angle habituel. Hagrid avait beau être un géant maladroit, il était très soigneux avec les animaux.

— Je vais devoir la garder ici en observation, elle ne pourra pas voler avant un moment, annonce-t-il

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ma belle ? demanda-t-elle en s'adressant à sa chouette.

Anya poussa un cri indigné, prête à raconter son histoire dans les moindres détails au moyen de longs hululements. Lucie frôla sa tête de sa main et de la même manière qu'avec l'autre, elle vit ce que l'oiseau avait vu : quelque chose de gros et de sombre lui avait foncé dessus. La chouette poussa un autre cri outré, l'air de dire : « t'as vu ? »

— Un truc bizarre l'a chargé mais je n'arrive pas à l'identifier.

— Un truc bizarre ? s'étonna Hagrid, j'irai voir si ça ne traîne pas encore dans les parages. Mais dis-moi, tu es prête pour ce soir ? Les élèves ne devraient pas tarder à arriver et Harry Potter est parmi eux tu sais !

— Oui j'ai vraiment hâte, s'enthousiasme-t-elle en éludant toutefois la mention de celui dont tout le monde parlait. D'ailleurs, je vais devoir y aller, poursuit-elle en déposant l'autre chouette à côté d'Anya, il faut encore que j'enfile mon uniforme. Prends soin d'elle pour moi !

Déposant un baiser sur la tête de son oiseau, elle salua Hagrid et repartit de la même façon qu'elle était arrivée.

Elle eut tout juste le temps d'enfiler ses nouveaux vêtements que l'illustre professeur de potion, Severus Rogue, sonnait déjà à sa porte. Sa malle avait disparu, les elfes de maison ayant déjà dû venir la chercher. Rogue l'accueillit avec son habituel regard et lança de sa voix monocorde :

— Es-tu prête Lucie ?

— Bonjour Severus, comment vas-tu depuis ce matin ? Tu pourrais sourire de temps en temps, ça ne fait pas de mal.

Il souffla, habitué aux perpétuelles remarques de la jeune fille.

— A partir d'aujourd'hui, je redeviens le professeur Rogue et je te prie de bien vouloir me vouvoyer.

— Oui professeur Rogue ! répondit-elle en se mettant au garde à vous, ce qui ne fit pas plus rire l'enseignant qui leva les yeux au ciel.