Chapitre V

Tsunamis, ouragans ou éboulement de terrain s'abattent régulièrement sur l'An'kalara à cause d'éruption spontanée de flux qui détruisent l'équilibre naturel. C'est ce flux énergétique, cadeau des Feys, qui envahit le corps des Altérés en se mêlant à leur âme – communément appelée « vif ». Mais pour pénétrer la barrière matérielle et organique, le flux a besoin d'une porte d'entrée qui se manifeste sous la forme de perles au milieu des moïras. Bien que jouant seulement un rôle de passerelles, les perles sont les manifestations les plus visible du pouvoir et deviendront le symbole des Altérés.

Certains disent que le flux est la cause de la corruption de l'âme et de la conscience. Selon cette théorie, un Altéré qui n'utilise pas ses pouvoirs – et n'appelle donc jamais sa perle – ne serait pas corrompu, mettant de facto à défaut la dénomination même d'Altéré. Dénomination d'ailleurs récente et reflétant ce que la société perçoit du phénomène...

Altération, entre mythe et vérité scientifique, par l'expert royal Faneyn Yl'Repi

Les deux sabres frappaient en mesure contre la hanche de Thalya et résonnaient tel un défi dans les avenues du Quart II. Le port d'arme avait été interdit en même temps que l'instauration du couvre-feu, et la championne s'était fait un plaisir de violer les deux depuis l'altercation avec l'albinos. Pas question que la peur ne gangrène la population. Obtempérer aurait signifié baisser l'échine, admettre la défaite avant même de combattre. Et curieusement, elle n'avait pas encore été interpelée. Les soldats se tassaient sur son passage et l'ignoraient, comme si n'avait été pas plus tangible que ce fichu Siffleur qui filait jusque dans les ruelles. Comme si elle avait été dotée d'une quelconque prérogative due à son rang. Et curieusement, Thalya se rendit compte que la situation l'embêtait. L'agaçait même. En l'évitant, l'albinos évitait le scandale, le martyr, la démonstration de courage et de révolte qui aurait alors inévitablement pris feu – les Istaldéens n'accepteraient aucun manque de respect envers un champion. Et par Silph la Traîtresse, Thalya aurait bien cassé la gueule à un ou deux officiers pour leur remettre les idées en place et donner un peu de mou à Colère.

Là ! Une livrée ennemie ! Tue-le, tue-le, tue-le.

Bien qu'avide d'en venir aux mains – et d'en sortir victorieuse – la championne n'était pas stupide et contenait fermement les aspirations de la Voix déchaînée. Il ne faudrait pas provoquer les ennuis, mais plutôt les attirer à elle. Et enfin évacuerait-elle cette tension constante qui nouait ses muscles dès qu'elle sortait à Istaldel. Cette attention constante, à scruter chaque ombre, à entendre dans chaque bruit incongru une menace. Les sens toujours déployés au maximum quitte à sursauter à chaque coin. Les escapades dans la forêt de Drasil lui manquaient de plus en plus, un manque de ver foreur qui grignotait son estomac et la poussait à s'entraîner encore plus que d'habitude, sans relâche, au risque même d'offrir un moment de faiblesse ou d'inattention à l'ennemi. Au milieu de la place de la Venue, sur les remparts, près du lac. Partout sauf dans les salles prévues à cet effet, fermées sur ordre de l'albinos.

Il veut rendre les Classés oisifs. Les détrousser de leur devoir, de leur pouvoir. Il payera.

Risquée. Sa conduite des derniers jours étaient risquée.

Tu aurais pu faire plus, tu aurais pu les convaincre, il faut tous les convaincre.

Mais elle n'avait pas le choix.

On a toujours le choix.

Pas toujours.

Plus personne ne se bat, tout le monde est las, tout le monde est bas.

Thalya se battrait jusqu'au tombeau. Seule l'activité physique comptait. De celle qui éreintait, exténuait, celle qui rongeait les nerfs comme le sel les blessures. Seul elle tenait encore face aux Voix.

Quoi, tu ne nous aimes pas ?

La prudence recommanderait qu'elle se tapisse dans sa chambre et parte à la chasse aux Voix. Les attraper, les étrangler et les enfermer dans un coin aride. À cette pensée, elles rebroussèrent chemin d'un même élan, laissant Thalya étonnamment légère. Une parenthèse de calme, un soupir d'ivresse. Un état parfait pour se rassembler avec les deux autres membres du triumvirat et leur cercle de conseiller – dont Caïam avait été éjecté.

Mais quand elle arriva dans l'étroite boutique de lavande encore parfumée malgré la mort du propriétaire, seul Blayse, le champion du Quart III l'y attendait. L'un des derniers survivants de sa Génération – et donc un des aînés de la cité –, baraqué, trop pour se montrer agile, il avait préféré la large table en bois aux fragiles chaises qui l'entouraient.

— Où sont les autres ? lança-t-elle depuis le pas de la porte, appréhensive.

Elle anticipant déjà la réponse.

— Alrik a levé la séance. Il voulait pas à nouveau aller à l'encontre de l'édit du commandant Vryl par rapport à l'interdiction au rassemblement. Et les autres conseillers ont pas voulu tenir de séance sans lui.

— Ce chien d'albinos dicterait tout à notre place ?

— Il nous autorisera à tenir séance de façon ponctuelle et surveillée dans le futur, c'est mieux que rien... Alrik se démène pour limiter la casse, il s'en tire pas si mal.

— Que Silph le maudisse quand même ! cracha-t-elle avant de tourner les talons, dégoûtée.

Certes, Alrik réussissait à concentrer les restrictions sur les Classés – qui eux seuls souffraient du nouveau rationnement – et épargnait ainsi le reste des habitants. Mais sans Classé, la protection de la cité s'effondrerait et ils deviendraient incapables de résister au moindre caprice de l'ennemi. Il s'agissait de mesures à court-terme quand pour remporter la guerre il fallait regarder au-delà des dégâts encaissés au jour le jour. Et maintenant, impossible d'en discuter avec les autres. Elesir les surveille !

Les brumes se déversaient des toits sur son passage et le vent sifflait sa monotone litanie, si bien que Thalya ne repéra pas tout de suite la silhouette qui lui tombait dessus depuis une tyrolienne. Un bond sur le côté l'évita de justesse, ce qui permit au haut-Classé, reconnaissable à sa tunique grisée, de se réceptionner d'une roulade propre.

— Thalya ! s'exclama-t-il après s'être redressé. Y a du grabuge sur la place de la Venue. Un soldat a fait des avances à une jeune femme qui a refusé, et ça commençait à dégénérer quand je suis parti.

— Quoi ! Et, tu es parti ?

Le reproche fut accepté d'un bref hochement de tête.

— Ils étaient trop nombreux pour mes capacités actuelles, et les autres passants étaient des citoyens qu'ils auraient pu utiliser en guise de rétorsion, articula-t-il d'un ton militaire. J'allais chez un ami du Quart I pour lui demander de l'aide... et des armes.

— Ils sont combien ?

— Tu ne pourras pas te les faire tous seule. Mais attends un peu qu'on te rejoigne pour leur donner une bonne leçon.

Rage à peine retenue dans le discours. Il tremblait. Il se sentait humilié, rabaissé. On avait osé toucher à ceux qu'il avait juré de protéger. Thalya partageait ces sentiments. Après un salut des doigts aux tempes, elle se précipita dans la direction de l'entrée principale d'Istaldel.

La place de la Venue s'était transformée en arène avec pour centre la statue effondrée d'Elesir. Le serein visage de l'Enchanteresse s'étalait en copeaux bronzé autour de son corps décapité. Des étals, il ne restait guère que des tas de bûches et d'échardes empêtré dans les banderoles déchirées. Les vitres des hauts bâtiments, les seuls à jeter plus de quatre étages à la figure du ciel, étaient pour la plupart ou recouvertes de volets, ou fissurées. Une dizaine de combattants en livrée ennemie s'était éparpillée. Certains gisaient par terre aux côtés de corps de deux citadins qui avaient probablement voulu intervenir. Les autres échangeaient en aboyant des injonctions pour attraper deux silhouettes réfugiées derrière la carcasse d'Elesir.

C'est la fin du monde, chantonna Tristesse alors que les épaules de la championne ployaient vers l'avant.

Juchée sur les escaliers externes des remparts, elle appréciait la scène dans sa globalité sans toutefois en discerner les détails. S'agissait-il de la chevelure dorée de Crystal au milieu de la poussière ? Que sa beauté irréelle ait attisé les désirs des soldats ne serait pas surprenant. Plus attirante qu'un succube celle-là. Et toute aussi prompte à bouffer l'âme de ses amants.

Et à côté de la faucheuse de cœur, se battait... un étranger. Une cape carmin de voyageur sur les épaules, armé d'une courte épée et de shurikens qu'il lançait sur ceux qui osaient s'approcher, ses traits échappaient à Thalya à cause de la distance, mais le style de combat ne mentait pas. Effectif, précis, il n'incluait pas les techniques propices à la corpomancie, se reposait moins sur la force brute que sur la souplesse et la vitesse. Là où les Classés s'ancraient dans le sol afin de mieux le repousser à l'ultime passe d'armes, l'inconnu virevoltait sans cesse, une libellule indécise qui s'infiltre en attaque éclair dans les rangs ennemis avant de revenir aussitôt se terrer à l'abri. Un moustique, plutôt, qui saignait goutte à goutte les adversaires pour les affaiblir, inépuisable.

Pourtant, à ce rythme, des signes de faiblesse ne tarderaient pas à apparaître, bien que l'endurance dont il faisait preuve forçait l'admiration. Une percée téméraire et plus profonde dévissa un groupe ennemi qui s'était agglutiné pour partir au front. Trop téméraire. Alors qu'il terminait en duel l'action, l'un des soldats qui avait réussi à esquiver le précédent fil mortel se retourna et fonça, le dard de l'arme plongeant vers le dos de l'imprudent. Thalya avait alors déjà anticipé le mouvement, et se faufilant entre les débris, après avoir assommer deux hommes sur son chemin, elle arma ses chevilles de vif avec la corpomancie pour dépasser le soldat. Surpris de la voir apparaître, il ralentit et tenta de l'arrêter. Elle dévia la lame de justesse et le mit hors d'état de nuire d'un pied circulaire.

L'étranger se retourna alors, un peu tard. Ses fins sourcils se haussèrent un instant, avant que ne disparaisse tout aussi vite les signes de stupéfaction. Après s'être repris, il la remercia d'un hochement de tête avant de l'entraîner vers Crystal, toujours dissimulée derrière la stature d'Elesir. Les forces adversaires avaient été réduites comme peau de chagrin, et hésitaient à réamorcer le conflit – les renforts ne manqueraient pas d'arriver.

— Ces chacals n'ont aucune manière, pesta l'inconnu en secouant ses boucles claires. Attaquer par derrière comme ça. Merci pour cette intervention, demoiselle, ce coup aurait pu m'être fatal.

Elle aurait voulu lui répondre de façon aussi élégante, indiquant qu'elle ne faisait que son devoir, mais au lieu de cela, elle se surprit à le dévisager avec une attention avide, comme si le premier détail de cette face avait happé une curiosité insatiable, un angle familier qui méritait qu'on s'y attardât. Peut-être à cause des traits fins, comme peint avec la préciosité d'un artiste minutieux ; la ligne des fossettes s'enfonçaient en crevasse d'ombre avant de remonter le long de joues lisses et imberbes pour terminer en à-coup brusque et triangulaire sur le front. Autre détail : un œil curieusement istaldéen, vert sans aspérité, l'autre recouvert par un cache-œil immaculé.

Thalya ne le connaissait pas. Elle ne pouvait pas le connaître. Et pourtant... une étrange entente se dégageait de son doux sourire et de sa bonne humeur un peu amère. Quelque chose qui tiraillait sur le Fond, mais qui glissait comme du verglas quand elle tentait de s'en saisir. Lui aussi la contemplait d'un air pensif. Puis :

— Mince, ils reviennent ! On se dégage ?

— Ouais, on se casse.

Ensemble, ils aidèrent Crystal – visiblement atteinte à hanche – à se relever, puis l'encadrèrent pour traverser la place. Une lente et trébuchante procession qui triomphait de l'inertie et s'enfonçait dans le coton de brume sans hésitation. Sans peur. Avec une détermination et assurance sans faille, à telle point qu'elle en paraîtrait inhumaine, artificielle à tout autrui. En les voyant ainsi s'approcher d'eux, les trois soldats restants changèrent subitement d'idée et se mirent à reculer. Puis à céder le passage.

— Tu ne t'en sortiras pas aussi impunément, championne Esteyal, maugréa l'une d'entre eux. Tu devrais penser à ta famille.

À cela, la championne s'arrêta net. Crystal trébucha, à peine rattrapée par l'étranger.

Tue-la. Tue-la.

Colère crispa son sourire en grimace, et son timbre en rauquement lorsqu'elle souffla avant de reprendre la marche :

— Je ne pense justement qu'à ça. Sauver ma famille. Toute ma famille.

Il fallait avancer, vite. Eviter les renforts. Heureusement, celui qui l'avait averti arriva rapidement en compagnie d'un ami et se chargèrent de Crystal. Sans ce poids mort, ils redoublèrent de vitesse.

— Championne, rien que ça ? siffla l'étranger. Impressionnant, Thalya.

Comment... ?

Sans répondre, elle lui prit la main et l'entraîna dans un dédale de plus étroites ruelles. Une chape d'ombre s'abattit sur eux lorsque les murailles avalèrent le soleil. Les pavés défilaient, de moins en moins réguliers, les murs ocres mutaient, se distordaient en coins et en aiguilles. Solides. L'artifice de l'architecture ne la troublait pas, trop rodée. Au détour d'un angle, elle se trouva face à face avec un soldat oisif. Ils se scrutèrent. Puis il gueula. Thalya jura et entraîna l'étranger dans une autre intersection. Une galopade au loin. Silph, ils étaient combien ? Si l'ennemi envahissait la terre, ils n'auraient qu'à prendre la voie des airs. Elle avisa rapidement un balcon accessible, prit de l'élan, attrapa la rambarde en bois du bout des doigts et s'y hissa. Elle voulut se retourner pour soutenir son compagnon d'infortune, mais celui-ci l'avait déjà devancée et attrapait une corniche pour s'élancer sur le toit.

— Besoin d'aide ? lança-t-il avec un sourire étincelant qui s'effilocha lorsqu'elle le dépassa.

Une fois arrivés en haut, les rayons de l'astre les rattrapèrent et dévoilèrent la mer de toitures planes, presque fluide sous les langues de brumes qui la traversaient, languissantes. Une chaleur palpitante forma un suaire de sueur sur leur peau. Les toits formaient un terrain de jeu tout aussi vaste que les rues, et servaient de chemin pour arriver jusqu'à n'importe quel coin du Quart. L'air émerveillé, le jeune homme tourna sur lui-même avant d'éclater de rire.

— J'avais oublié cette vue !

— Viens, il faut qu'on s'éloigne encore un peu.

Alors qu'ils couraient, Thalya ne put s'empêcher d'analyser encore plus en profondeur les détails happés au passage, de les traiter, les comparer avec la mémoire défaillante. Les joues hautes, en crevasse, ciselaient son visage en une forme atypique au point qu'elle ne paraissait pas tout à fait humaine, éthérée. Son teint semblait avoir cruellement manqué de soleil, translucide. Pas blanc. Translucide, rendu rosé par endroit sous la poigne de l'afflux sanguin. Un physique tout en contraste, d'éléments disparates bricolés et attachés sans distinction de race. De race. Une brèche se forma dans le Fond et la championne faillit tomber dans la ruelle qu'elle s'apprêtait à enjamber. L'inconnu la stabilisa d'une main sur l'épaule, inquiet.

— Tout va bien ?

— Je te connais, réalisa-t-elle.

Danger. La sensation s'estompa lorsqu'il acquiesça.

— J'habitais ici, avant.

Se retourner net, les talons dans le vide, à observer de haut en bas les traits, les saisir, les toucher sans vraiment les toucher, chaque courbe tombant dans l'amnésie à peine parcourue. Embarrassé, il recula et Thalya fit de même, tout aussi gênée. Oubliant le menu détail du trou qui s'ouvrait derrière elle. Par réflexe, elle attacha son vif à l'instant et espace de la chute, une ancre à laquelle sa signature se fixa, puis son corps céda face à la gravité pendant quelques secondes. Tendu à bloc, le vif la fit remonter comme un élastique pour heurter le jeune homme précipité à sa rescousse. Ils roulèrent l'un sur l'autre jusqu'à l'autre bout du toit, maculés de poussières. Ils rirent d'abord.

Puis, fissurée, la toile du Fond se troua et un flot de souvenirs se déversa sur la championne. Choc. Une embarcation qui s'effondrait sur un récif. Des spasmes se levèrent, telle une mauvaise brise sur l'océan avant l'ouragan. À peine si elle s'en rendait compte, trop occupée à ranger en désordre un pan de vie qui venait de se révéler à elle. Si beau. Noyé dans une délicatesse qu'elle ne croyait jamais avoir touchée. Pourquoi l'avait-elle oublié, cet intervalle fugace, qui embaumait la jeunesse et la terre humide ?

— Mika, murmura-t-elle.

Il la soutenait, agité, perplexe, mais un sourire égaya ses traits à l'énoncé du prénom. Pourquoi l'avait-elle oublié ? Parce qu'il faisait mal, lui avait infligé mille tortures et nuits blanches. Parce que la pointe de nostalgie la transperçait à l'idée de ne plus jamais le revoir. Mika. Son ami et confident dans les moments les plus difficiles, au décès de son père, quand Colère la consumait entièrement.

— Je te croyais mort.

Il lui envoya une pichenette au front.

— Pas l'air d'un fantôme.

— Tu aurais être mort.

Elle se dégagea de l'étreinte et recula en secouant la tête. Migraine. Douché, il la fixa sans comprendre. Thalya s'embourbait dans ses propres fondations. Celles qu'elle avait élevées avec soin, couche par couche, pour que les sourires sonnent moins faux, pour que le vent et les brumes reprennent les saveurs de la liberté et de la forêt. Elle se prit la tête entre les mains alors que les Voix dansaient sur les ruines du tremblement de terre.

Ça ne peut pas être Mika, remarquait Mika junior, Mika c'est moi.

— Thalya, ça va ?

La jeune fille écarta la main qu'il tendait vers elle d'un coup sec.

— Ça fait presque dix ans que tu t'es barré sans donner aucune nouvelle.

— Je...

— Tout le monde t'attendait pour la Classification. Au lieu de ça, on a élevé une stèle funéraire.

La mine de Mika se ferma. Il joua avec le bandeau qui mangeait la moitié du visage, les lèvres serrées.

— Ce n'était pas mon choix. Mère voulait. Des brigands nous ont pris par surprise sur le chemin. Je... J'aurais voulu vous écrire, vraiment. Mais c'était compliqué. Une longue histoire.

— D'accord. D'accord.

Thalya ferma les yeux et inspira profondément. L'air sous pression balaya les Voix pour les reconcentrer sous le diaphragme. Mika hésita.

— J'ai envoyé une lettre à mon père pour le prévenir de mon arrivée, mais je ne sais pas s'il l'a reçue.

— Ton père est mort, Mikayèl. À la bataille des Roses.

Il vacilla. Elle aurait voulu le réconforter, lui transmettre la chaleur qu'il lui avait offerte dans le passé à la même occasion. Elle ne bougeait pourtant pas. Incapable et paralysée par le miroir d'une douleur qu'elle avait pris soin d'enfermer. Le Fond se cicatrisait de la soudaine rupture, mais menaçait de rompre une fois de plus.

— Je suis désolée, reprit-elle avant de le tourner les talons. On les a semés, tu devrais pouvoir t'en sortir seul.

Disparaître. Se froisser pour mieuxse déplier. L'inébranlable Thalya Esteyal venait de se fissurer. Temps d'allerrecoller les morceaux. Et pour cela, direction la forêt. Un peu d'entraînementlui ferait tout oublier. Au moins pour un instant.


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