Chapitre 9.2

— Pardon ? s'écria Amara, outrée.

Si ce gars croyait pouvoir l'empêcher de voir sa meilleure amie, il se fourrait le doigt dans l'œil jusqu'à la manche.

— Laisse-moi entrer. Je veux voir Thalya.

— Je suis désolé. Ne t'inquiète pas, elle va mieux.

Amara bouillait de l'intérieur. Le visage de Mika était transi de fatigue et semblait vouloir lui claquer la porte au nez. Mais la frustration de la jeune fille devait être tangible, car il soupira.

— Je peux demander à Verince, si tu veux. Attends un instant.

Amara se retrouva face à face avec le bois rempli d'écharde qui lui interdisait le passage. Une sainte colère bouillait en elle. Il la traitait comme une moins que rien, comme une admiratrice hystérique, comme... comme une étrangère ! Normal, après tout, Mika ne la connaissait pas vraiment, ne savait pas ce qui la liait à Thalya. Verince remettrait de l'ordre dans tout ça. Forte de cette conclusion, elle parvint à contenir son impatience.

Le Champion du Quart II prit son temps. Amara cilla quand il se présenta enfin, la mine sombre. Aussi obscure que les cumulonimbus qui s'amoncelaient au-dessus de leur tête.

— Tu n'es pas la bienvenue, Amara.

— Quoi !

La jeune fille le regarda de la tête au pied – ce qui lui valut un torticolis – et grimaça, abasourdie.

— Depuis quand est-ce que tu décides à la place de Thalya ? demanda-t-elle sans réussir à contrôler sa voix qui atterrit dans les hauteurs après des divagations dans les basses. Pourquoi est-ce que je ne peux...

Sa phrase se brisa en mille morceaux qui allèrent se réfugier dans la gorge comme mille petites lames aiguisées. Comment Verince osait-il se dresser ses prérogatives ? Une chaleur naquit dans sa poitrine, le nœud phéringiens le plus important de son organisme. Une flammèche crépita dans sa paume. Amara fixa Verince. Les yeux durs de ce dernier ne pliaient pas et ne transparaissaient aucune sympathie. Le feu s'éteignit un instant sous l'effet de la désillusion. L'interruption de Mika, qui passa la tête par l'embrasure de la porte, interrompit le combat de regard.

— Thalya a dit qu'elle voulait la voir, souffla-t-il avant de s'éclipser, non sans lancer un clin d'œil compatissant à la jeune fille.

Verince grinça des dents face à la mine triomphante d'Amara et s'effaça pour la laisser entrer. En entrant dans le hall sans fenêtre, une haleine chaude glissa quelques mots à son oreille, qui la firent frissonner.

— Ne crois pas qu'on ne t'a pas à l'œil.

Elle arqua ses sourcils d'un air méprisant et, la mine enjouée, demanda où se trouvait son amie. Le colosse ne répondit pas.

— Dans sa chambre, elle vient de se réveiller, affirma Mika depuis les escaliers pour combler le mutisme troublant de Verince.

Amara avala de travers et monta les marches à grands pas précipités. Elle essaya de ne pas se démonter face à l'attitude défiante de Verince, mais des larmes lui montaient aux yeux.

Pourquoi est-ce que je mets dans tous ces états ? Ce n'est qu'un plébéien comme les autres, après tout, tenta-t-elle de se convaincre.

Thalya était dans son lit, assise, la tête levée vers la grande lucarne sur laquelle des gouttes d'eau commençaient à tomber.

— Tu es arrivée juste à temps, commenta la Championne en se retournant vers Amara, accueillante.

Une énergie vivace brillait dans ses yeux verts, malheureusement contrastée par les traits tirés, la respiration difficile et surtout par le bandage qui recouvrait la moitié de la tête.

— Je... Je suis contente de te voir, avoua la jeune comtesse, hésitante. Tu vas... bien ? Comment ça s'est passé ?

Thalya se détourna pour contempler l'afflux dru d'eau sur la vitre. Le clapotis prenait de plus en plus de place dans la petite chambre.

— Tu devrais le savoir mieux que quiconque, non ?

De l'acide moulait les mots. Amara se hérissa face au reproche.

— Tu ne peux pas dire que je ne t'avais pas prévenue, fit-elle remarquer d'un ton sans cacher son agressivité.

L'expression de Thalya resta indéchiffrable. Des ombres causées par la pluie dansaient sur ses joues creusées, contournaient son nez pointu et relevaient ses pommettes avec art.

— Je ne regrette rien.

— Et pourtant...

— Tu n'as pas remarqué que quelque chose avait changé quand tu es arrivée en ville ? l'interrompit la Championne. Avant, il n'y avait que de la peur. Les gens se croisaient sans se voir, se terraient chez eux. Et maintenant... – elle fit un geste ample vers la fenêtre, prononcé par la longue manche de sa robe de nuit – un vent d'espoir souffle sur la ville. La révolte existe, ensemble on arrivera à renverser ces tyrans !

Elle lui sourit. Amara ne put s'empêcher de le lui rendre, bien qu'elle soit troublée et se laissa tomber sur une chaise. Une douce flamme naquit dans son cœur et l'enveloppa d'une enveloppe réconfortante.

— Quelqu'un pourrait te dénoncer, objecta-t-elle toutefois.

— Ah ! Avec quelles preuves ? Et même, en supposant qu'on arrive à m'inculper sur des bases à peu près solides, qui le ferait donc ? Il ne ferait que perdre au change : je crois que les Istaldéens n'accepteraient pas un traître en son sein. Non, j'en suis certaine. Le statut de Championne me protège.

Amara n'aimait pas ce revirement de situation, son ventre se tordait à l'idée que Thalya se remette en danger. Elle commença à ronger l'ongle de son index, pensive, jusqu'à ce que le regard averti de Thalya lui fit tomber la main sur sa cuisse. Quelqu'un entra en trombe dans la chambre. Amara se retourna et quelle ne fut sa surprise quand, à la suite d'un Mika échevelée, arriva la maigre silhouette de Kayrel.

Le grand roux jeta un coup d'œil surpris à la jeune comtesse et se retourna vers Thalya.

— J'ai transmis ton message. T'as l'air mal au point. Tu y seras, hein ? Alrik voulait s'en assurer.

Amara s'attendit à une réplique cinglante de son amie pour remettre l'insolent à sa place. Kayrel, le bras droit d'Alrik, ne portait pas la Championne dans son cœur et ne l'avait jamais caché. Un sentiment de jalousie la taraudait : pourquoi l'avait-on laissé entrer directement, alors qu'elle avait dû poireauter pendant une demi-heure ? La réponse de Thalya la prit au dépourvu.

— Dit-lui de ne pas s'inquiéter, je viendrai. Je suis capable de me déplacer sans trop de problème.

Amara se retint une énième exclamation de frustration. Elle garda la tête baissée, les lèvres serrées. Kayrel ne fit pas attention à elle, ce qui l'énerva, hocha sèchement de la tête et sortit de la pièce.

— Qu'est-ce qu'il fait là, lui ? demanda Amara, l'air de rien.

Le regard de Thalya se fondait à nouveau dans celui de la vitre transpirante.

— Je ne peux pas trop en dire, je ne suis même pas sûre de ce qui va se passer, dans les jours à venir.

Sa réponse était distante, volontairement floue. La jeune comtesse, au bord de la crise de nerf, se souleva de sa chaise, salua Thalya et se dirigea vers la sortie.

— Je dois y aller, on m'attend pour une soirée. Contente que tu ailles bien, je me suis inquiétée pour toi.

Thalya ne releva pas le ton sec et ne fit pas un geste pour l'arrêter. Amara dévala les escaliers, se jeta vers l'extérieur et s'arrêta net quand la douche s'abattit sur elle. Il pleuvait toujours et avec une force incroyable. Ses habits prirent l'eau et leur nouvelle lourdeur pesa sur les épaules de la jeune fille à l'image de celle qui oppressait son cœur.

Sa fierté l'empêchant de revenir s'abriter chez Thalya, elle entreprit de rentrer à petits pas rapide jusqu'au passage. Quand Amara arriva dans sa chambre, le mot trempé prenait une nouvelle dimension pour elle. De la boue tachait le bas de ses pantalons et ses semelles encrassées marquaient le sol à chaque pas.

Et, assis dans un fauteuil, les jambes croisées, Alexey lisait. Ses longs cils battaient au rythme de la lecture d'une lettre qu'il tenait avec fermeté.

— Que me vaut l'honneur de ta visite, cher frère ?

Les épaules de son jumeau tressaillirent. La plume qu'il gardait dans sa main tomba sur la moquette. L'encre se dilua dans le bleu de celle-ci.

— Tu es déjà de retour ? Je croyais devoir attendre la fin de la pluie avant pouvoir espérer te voir.

Amara ne voulait qu'une chose : qu'il décampe le plus rapidement pour la laisser tranquille. Elle lui tourna le dos pour enlever ses sandales imbibées.

— Tu veux quoi, des informations ? siffla-t-elle entre ses dents.

— Oui. Tu as vu Thalya ? Elle va bien ?

La jeune comtesse grimaça face à la préoccupation qu'elle devinait fausse que manifestait Alexey. Les pupilles de son frère la fuyaient, il humectait ses lèvres avec fébrilité. Il lui cachait quelque chose.

— Pas mal. Qu'est-ce que tu veux ?

— Pourquoi es-tu sur la défense ? Tu pourrais essayer de m'aider, non ?

Amara soupira. Elle ne se débarrasserait pas de lui en louvoyant entre les questions. Une idée délicieuse s'immisça dans ses pensées.

— Thalya ne sait pas qui a ordonné l'infraction de hier soir, si c'est là que tu veux en venir. Mais elle m'a parlé de rumeurs...

— Ne me fais pas languir !

Amara chercha quelques robes de son placard et les étala sur son énorme lit.

— Comme quoi, le Champion du Quart I, Alrik, un de ses rivaux, aurait joué un rôle dans tout ça. Je n'en sais pas plus.

Le goût de la revanche glissa sur les papilles d'Amara. Elle savait que son comportement était digne d'une gamine, mais il apaisa ses nerfs à vifs. Alexey joua pensivement avec la plume qu'il avait ramassée.

— Ça se tiendrait... marmonna-t-il. Merci, petite sœur.

Un frisson parcouru le dos d'Amara, alors que ses doigts palpaient la douce soie de ses vêtements. Avait-elle fait une bêtise ? Elle secoua la tête. Prendrait-elle la robe bleue, couleur qu'elle affectionnait tout particulièrement, mais qui pêchait par sa simplicité, ou bien la rouge, plus agressive au regard ?

— Ah, et, Amaryllis...

— Oui ? grogna l'intéressée, absorbée par son dilemme.

— Félicitation pour ton mariage.

La jeune fille se figea.

— Mère va te le dire, d'un jour à l'autre. Je pensais te prévenir.






Note de la Créatrice

Des avis, des réactions ?

D'après vous, qui dans cette situation est le plus en tort ? Car, une chose est sûre, la frustration règne des deux côtés.

Est-ce que une situation semblable avec un.e bon.ne ami.e vous est déjà arrivé ? Comment avez-vous réagit pour gérer l'affaire ?

Par ailleurs, "Le Pouvoir des Perles" a atteint les 10k vues !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

*fait la samba*

*commence à sentir les courbatures*

Merci beaucoup ! C'est grâce à tous les petit.es et moins petit.es lecteur.ices qui m'ont suivi jusqu'ici que j'arrive à trouver la motivation de continuer !

Cuicui   *>

*distribue des cookies*

À la semaine prochaine !

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