Chapitre 9.1

Amara en avait marre. En plus d'être d'une humeur de chien, la chaleur tapait à travers les fenêtres et le bourdonnement incessant des nobles autours d'elle ne cessait tout simplement pas. Qu'est-ce qu'elle ne ferait pas pour rejoindre Thalya dans la clairière près de la cascade ! Sa mauvaise humeur remonta à cette pensée. L'accueil que lui réserverait son amie la refroidirait probablement avec beaucoup d'efficacité. Surtout qu'elle devait être en train de préparer son coup pour sauver la garce trop maquillée.

— Amaryllis, ne pourrais-tu donc pas nous donner quelques informations sur cette horrrible – les r roulaient dans la gorge de la noble comme si elle avait avalé les perles de son fichu collier – intrusion de hier soir ?

La jeune comtesse se retourna vers une de ses « amies », surprise. L'autre prit ses aises dans le fauteuil vert et découvrit un sourire de requin.

— Tiens, tu ne parais pas plus au courant que nous... Cela s'est pourtant passé la nuit dernière. Alexey serait-il plus apte à me donner des réponses satisfaisantes ?

Son ton innocent ne trompait personne. Un air affamé l'avait trahi au moment de nommer l'héritier de la maison. Amara se leva, épousseta la longue robe bleuté, une de ses créations, et entreprit de saluer tout le monde – elle se sentait mal. Un léger grésillement nerveux couvrait le son des exclamations regrettant sa prochaine et subite absence. Thalya serait donc déjà passé à l'acte ?

Pitié, faites qu'elle aille bien !

Quelle imbécile. Amara ne savait pas qui l'énervait le plus, sa meilleure amie, ou sa propre passivité. Elle monta les escaliers qui menaient à ses quartiers. Son ongle devint rapidement une proie pour ses dents nerveuses, bien qu'il ne possédât plus beaucoup d'attributs à grignoter.

Thalya n'avait pas été prise. Sa force dépassait de loin tous ceux qu'Amara connaissait. Mais, par Elésir, pourquoi possédait-elle un sommeil si profond, elle aurait peut-être pu l'aider ! Dans le couloir, elle tomba sur son frère. Le maquillage poudré qu'il revêtait cachait mal les grands cernes étalés sur son visage.

— Alexey, il y a une demoiselle là-bas qui veut te parler à propos de cette nuit dans l'espoir que tu lui en accordes une. Franchement, cela ne me dérangerait pas, c'est l'empoisonneuse de service. Tu pourrais un peu jouer.

— Ah, elle ? Ça me ferait du bien, un peu de distraction...

Une lueur brilla un instant dans ses yeux éreintés. Amara profita de ce moment de connivence, devenu si rare, puis se lança :

— Je suis aussi assez curieuse, je dois dire. Ta prisonnière...

— A été transférée à temps. Je dois justement en parler au commandant Ollyver. Laisse-moi, beaucoup de travail m'attend. Cette nuit a été fastidieuse.

— Mais...

Son frère la toisa de toute sa hauteur et plissa ses yeux perçants.

— Ne devrais-tu pas être en meilleure compagnie que ton vieux frère fatigué ?

Amara passa une main dans ses cheveux vénitiens, hésita et ouvrit la porte de sa chambre.

— Je vais à Istaldel.

— Il n'en est pas question ! réagit son frère, l'air tout d'un coup bien réveillé.

La jeune fille, la main sur la poignée, resta interdite. D'où lui venait donc cet engouement subi ?

— Et pourquoi ? le provoqua-t-elle.

— Je... Cela pourrait être dangereux. Un mouvement de révolte vient de rater son coup, mais un autre pourrait arriver à tout instant. La ville est sous état d'alarme jusqu'à ce qu'on retrouve les responsables des dégâts de cette nuit.

Amara inclina la tête et haussa les épaules. Une légère suspicion traversa son esprit.

— Ce n'est pas l'albinos qui t'a dit ça ?

— Ne l'appelle pas ainsi ! Cet homme est l'un des plus puissants et respectés de l'An'kalara.

La jeune fille abandonna sa porte entrouverte et vint se planter sous son frère.

— Je l'appelle comme bon me chante ! Depuis quand es-tu devenu si obséquieux ?

— C'est certain que tu n'as pas besoin de ça, toi. Mademoiselle gradée. Mais vas-y, va faire tes affaires, mais ne revient pas en pleurant !

Il tourna les talons avec vigueur et, juste avant d'obliquer, déclara :

— Et tant que tu y es, ouvre l'œil ! Même si je pense qu'une demoiselle de ton rang devrait avoir autre chose à faire de sa vie.

Abasourdie, Amara lui tira la langue et rentra définitivement dans sa chambre. Depuis quand ce crétin essayait-il de lui donner des ordres ? Alexey semblait insinuer que les intrus n'avaient pas été arrêtés, mais vu le grabuge qu'il y a dû avoir, les intrus n'avaient dû s'en sortir sans dommage. Et au vu des tendances quasi-suicidaire de Thalya, elle devait avoir tout ramassé. La panique figea la comtesse, accéléra les battements de son cœur.

Inspiration. Calme-toi, Amara.

Et si Thalya succombait à ses blessures, et si elle était retrouvée, et si elle disparaissait de sa vie...

Expiration. N'y pense pas !

Quand un sanglot transperça l'agréable calme de la pièce, Amara se sentit terriblement stupide, mais elle n'arrivait pas à combler le vide de la pensée d'une vie sans sa meilleure amie. Les autres Istaldéens l'accepteraient-ils ? Probablement, toutefois...

Rien ne serait pareil.

Amara enfonça un poing dans sa bouche pour arrêter ces hoquets irrépressibles, en vain. Rien de tout cela ne serait arrivé si elle avait réussi à l'empêcher de...

Ou si tu avais consenti à l'aider.

La jolie blonde ouvrit son armoire avec rage, trouva des habits convenables pour son excursion – des pantalons marrons avec une tunique à peine plus foncée – les enfila et activa le passage secret qui menait à l'extérieur. Ses mouvements frénétiques ne respiraient pas la productivité et cela l'exaspérait. Dans ces cas-là, elle ne pouvait rejeter la faute que sur elle-même !

— Allez, Amara, tu vas y arriver et Thalya t'attendra, en pleine forme, pour te demander d'aller te baigner dans le fleuve glacial, tu vas voir ! marmonna-t-elle pour se donner la force d'entrer dans le souterrain.

Elle franchit au pas de course le boyau avec la nette impression qu'il se refermait sur elle et arriva finalement à la sortie. Elle quitta avec un certain soulagement le sombre couloir en pierre pour retrouver le ciel enchan...

Par la Grande Traîtresse ! jura la jeune fille.

La voûte céleste, auparavant si immaculée, s'était recouverte d'orage gris et menaçants. Amara frissonna. Même dehors, le plafond du monde menaçait de lui tomber sur la tête. Le vent hurlait et l'encerclait. Les grandes herbes de la prairie tremblaient sous son inflexion autour des jambes d'Amara, comme pour l'enjoindre à ne pas avancer plus loin.

La jeune fille se fraya un chemin à travers la prairie devenue vivante sous les éléments avant d'arriver au petit sentier qui menait à Istaldel. La ville se profilait au loin, grandiose.

Contrairement à ce qu'avait prédit son frère, elle n'eut aucun mal à franchir les lourdes portes du Quart III qu'elle traversa rapidement pour arriver au Quart II. L'ambiance qui y régnait lui paraissait étrange.

Une masse incroyable de personnes longeait les rues et ruelles malgré le mauvais temps qui arrivait. Amara ne voyait une telle foule que lors de la période du Festival de Brume, généralement. Mais contrairement à cette phase durant laquelle rire et bonheur humeur coulaient à foison avec une nuance de tension due à la compétition le calme régnait. Du moins, en apparence.

Les gens s'interpellaient avec des signes discrets, s'isolaient et parlaient à voix basse. Leur corps restait calme, mais leur visage s'animait alors d'une ferveur profonde et saine. Les mains se touchaient, des murmures étaient alors échangés dans des oreilles attentives et des sourires apparaissaient. On s'inclinait alors, se saluait et continuait son chemin jusqu'à croiser une nouvelle connaissance.

— Eh, ma petite, tu veux une orange ?

Amara sursauta. Un petit vieux, assis accoudé à une canne en bois lui tendait le fruit qu'il venait de proposer. Elle refusa, mais il insista avec bienveillance.

— Aujourd'hui est un jour spécial, mon enfant. Je serai heureux que tu l'acceptes.

Les tâches de rousseurs de la jeune fille disparurent dans le rougissement de sa figure quand elle finit par céder. Après avoir remercié le vieillard, elle reprit sa route pour arriver au Quart II. La route devenait plus bancale, des tapis de mousses recouvraient les pavés de manière désordonnée, comme si un troupeau de mouton vert était passé par là en laissant leur laine au passage. Amara se dirigea vers la demeure de Thalya, peu certaine du chemin à suivre, elle n'allait pas souvent chez elle : la Championne ne restait pas à l'intérieur et préférait la rencontrer dans la forêt.

Amara reconnut soudainement la petite rue parallèle à la principale qu'elle cherchait. Alors qu'elle s'avançait vers la demeure de son amie, elle entendit des pas. La jeune fille se figea et balaya les alentours du regard. La lumière de la lanterne, qui s'était allumée à cause de l'obscurité subite due aux nuages sombres et menaçants, n'éclairait rien de suspect. Le tonnerre gronda, au loin. Un éclair déchira le ciel en deux. Une fois devant la porte, Amara se retourna à nouveau avec l'impression persistance d'être observée. Elle secoua la tête ; elle devait se faire des idées.

Elle toqua et la porte s'ouvrit bientôt sur une silhouette blonde et harassée qui semblait surprise de la voir.

— Amaryllis ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

Elle pouvait lui retourner la question, pensa la jeune fille. Depuis quand Mika accueillait-il les visiteurs à la place de la maison ? Elle lui adressa un sourire poli et essaya de se faufiler. Le jeune homme l'arrêta net.

— Je ne suis pas sûr de pouvoir te laisser entrer.




Note de la Créatrice

Je suis régulièreuh, je suis régulièreuh *chantonne*

Réactions, avis ?

Pourquoi Amara ne semble-t-elle pas la bienvenue chez Thalya, d'après vous ?

Vous préférez la plage ou la montagne ?


À la semaine prochaine, petites étoiles !


Publié le 10.07.19


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top