Chapitre 8.3
La porte béante la narguait. Thalya serra les poings, la respiration lourde et donna un coup dans celle-ci en jurant.
— Je suis désolé, je..., commença Mika, les sourcils froncés.
La jeune fille l'interrompit d'un signe autoritaire et s'accroupit sur le sol pour mieux réfléchir. Que faire à présent ? Le sang bouillonnait dans sa tête, effet de l'adrénaline qu'elle avait pourtant activé intentionnellement et qui l'empêchait de se concentrer. Crystal avait peut-être tout simplement été transférée dans une autre cellule. Quel manque de chance ! Thalya passa une main sur son front dégoulinant de sueur froide. Ou alors Alrik avait été plus réactif qu'elle ne le pensait et avait déjà tout raconté à ses supérieurs, qui auraient pris leurs précautions. Un torrent de colère s'empara de son esprit.
— Bon sang, on était si proche ! marmonna-elle, frustrée.
Indifférente aux regards interrogatifs de ses deux amis, elle garda la tête baissée. D'un revers mental dont elle avait l'habitude, elle chassa les violentes émotions qui l'empêchaient de scruter la situation. Oui, elle avait trouvé une solution.
— Mika, tu vas...
Un choc sourd au loin la figea sur place. Suivit par un tumulte de cris qui semblaient se bousculer pour arriver en premier dans les oreilles des intrus. Les pupilles de Thalya s'agrandirent légèrement. Par réflexe, elle déverrouilla les vannes d'énergie de son organisme et apposa sa main sur la pierre humide.
Sa conscience se propulsa hors de son corps pour travers la roche froide, monta le long des escaliers et finit par arriver à l'endroit où devait se trouver Verince. La signature de nombreux pas était encore restée dans le sol et témoignait de la masse de personnes présente à ses côtés.
— Verince est cerné, murmura la Championne, déconcertée, de la sueur coulant sur son front.
Mika s'agenouilla près d'elle, leva la main pour la poser sur son épaule, hésita, puis la laissa tomber, comme se souvenant de la réaction agressive de son amie quand il l'avait touchée, auparavant.
— C'est le Corbeau Noir qui te dit ça ? Il est avec lui ? la questionna-t-il, la voix grave. Est-ce que tu es capable de continuer ?
— Quelle question !
Thalya se redressa. Ses mains impatientes dansaient sur les manches des deux sabres. Amelya recula d'un pas quand son amie la fixa : ses yeux brillaient d'une lueur presque surnaturelle, malsaine.
— Amelya, tu restes avec Mika. Vous continuez ce couloir pour voir si Crystal n'y est pas. Je vais retourner sur mes pas et...
— Le Corbeau Noir protège Verince, non ?
La voix pâle d'Amelya passa sur Thalya sans l'atteindre.
Une nouvelle salve de cris résonna dans les couloirs, ricocha contre les parois du tunnel. La Championne inclina la tête.
— Je vais m'en assurer, rétorqua-t-elle. Ne prenez surtout pas risque et ne m'attendez pas.
Sans leur laisser le temps de réagir, elle tourna les talons et se mit à courir le chemin qu'ils venaient d'emprunter.
Faites qu'il ne soit rien arrivé à Verince !
La jeune fille ne se reposait pas sur beaucoup de personnes, dans la vie, considérait cela comme une faiblesse ; on était toujours mieux servi par soi-même. Mais Verince n'était pas n'importe qui. Elle avait supporté les pires des épreuves à ses côté, il était devenu la falaise sur laquelle elle poussait pour se hisser dans les hauteurs. Ses dents grincèrent. Elle ne pouvait pas le perdre, ne pouvait pas se le permettre !
Thalya accéléra, les mains occupées à réajuster la cagoule qui obstruait sa vue. Le mur gris uniforme défilait à ses côtés et aboutissait, après un tournant qu'elle survola, à la salle où ils avaient mis les soldats hors d'état de nuire. La soudaine lumière l'éblouit. Thalya plissa ses yeux, le souffle soudainement coupé.
Personne. La grande salle ronde au plafond haut se démarquait par l'absence des deux ligotés. La jeune fille fit un bon en arrière, puis se mit en position de défense, sa main traînante frôlait le sol. Où étaient-ils passés ? La logique lui expliquait une situation qui lui fit froid dans le dos. Quelqu'un était passé et les avait libérés. La présence des intrus avait probablement déjà été découverte.
***
Lory, les fesses posées sur le parquet élimé du grenier de l'Ecole, bouillonnait. Alors comme ça, on n'avait pas besoin d'elle ! Elle était trop faible, peut-être ? Moins que Tristan, pourtant, et lui avait reçu le droit de participer à la mission.
— Elle m'saoule ! THALYYAAAA !
Sa voix criarde résonna contre les étagères où était entassé le reste d'un passé scolaire glorieux. Toute la pièce était remplie de ces piles de cahiers remplis de gribouillis incompréhensibles et enfouis sous la poussière qu'avaient affectionné des élèves plus ou moins studieux. Des petites mansardes perchée plusieurs têtes au-dessus de Lory laissaient entrer les quelques rayons de lune assez impétueux pour se faufiler à travers la couche de nuage indolents.
La petite fille frappa une fois contre le bois rempli d'écharde, qui sursauta, avant de déplier ses longs membres fins. Alors comme ça, elle était trop jeune, pas assez mûre pour amener son Quart à la gloire ! Elle allait montrer à sa sœur de quoi elle était capable.
Les sourcils froncés, Lory tourna la tête pour essayer de trouver le chemin le plus adéquat pour accéder à la tant espérée liberté. Thalya avait probablement eut la tête un peu ailleurs en l'enfermant ici sans se douter que la gamine arriverait à s'enfuir.
Lory détecta une marée de bibelots plus ou moins intacts qui menait à une des fenêtres, mais se résigna à chercher autre part quand l'un des objets s'effondra sous ses mains.
— Roh, ça pue le vieux, ici.
Elle avisa ensuite une rangée de bibliothèques sur roulettes de grandeur différentes qu'elle arrangea de telle sorte à monter graduellement jusqu'à son objectif. Après quelques jurons et égratignures, elle finit par y arriver.
— J'espère qu'ils n'ont pas déjà fini, s'inquiéta-t-elle.
Elle se mit en indien sur un tapis à frange qu'elle avait déniché dans une commode et se concentra sur le Flux qui battait dans ses veines. Après chaque inspiration, les particules énergétiques glissaient dans son œsophage, puis se propageaient dans chaque cellule de son être. Enivrante, salvatrice, elles s'accumulaient dans ses nœuds phéringiens ; au creux de sa poitrine, à la naissance de ses mains et de ses pieds ainsi qu'au milieu de son front, palpitantes.
Lory ne possédait pas de perle, et n'avait, de ce fait, jamais expérimenté la vague de puissance du Flux extérieur qui s'engouffre à travers les pores de la peau. Elle était cependant consciente que la concentration du courant magique dans son sang était bien supérieure à la moyenne et s'en délectait. Bridée par la puissance des Détecteurs, Thalya n'osait plus activer son pouvoir de peur de dépasser les limites sans s'en rendre compte. Lory soupira. Pourquoi ne pas avouer que sur ce coup, elle pouvait être plus utile que sa grande sœur ?
— Parce que Thalya a un égo surdimensionné, grommela la gamine en soufflant une des mèches bouclées qui la distrayait.
Après avoir chassé les pensées inutiles qui fusaient dans son cerveau, passé sa langue sur ses lèvres craquelées, – l'air du grenier semblait être resté aussi longtemps dans cet endroit que les vieilleries qui s'y accumulaient – elle visualisa son animal fétiche.
Lory se sentit aspirée dans un tourbillon familier ; sa peau frémit comme parcourue par des décharges électriques. Ses yeux noisette se fermèrent un instant. Quand elle les rouvrit, ses mains s'étaient recouvertes d'une douce fourrure miellée et ses ongles en de redoutables griffes.
— À moi la liberté ! couina-t-elle avant de s'élancer dans la suite de saut calculée au préalable.
Emportée par son élan, les muscles tendus, prêts à encaisser les secousses, la gamine remarqua soudainement qu'elle n'avait jamais franchi une distance comparable à celle entre le dernier meuble et la mansarde. Elle rassembla néanmoins ses dernières forces et attendit d'arriver au coin pour bondir. L'étagère sur laquelle elle prenait appuis s'effondra.
Elle n'y prêta pas attention. Le rebord de la porte de sortie s'approchait à vue de nez. Lory écarta ses pattes poilues pour mieux planer, ancra une griffe dans le bois.
— Ouf, réussi.
Mais la fillette n'était pas arrivée au bout de ses peines. Un crissement assourdissant l'informa que sa prise ne tiendrait pas longtemps. En ultime recours, elle se retransforma en humaine, dont les bras seraient plus aptes pour se hisser. Le détail que des ongles ne pouvaient supporter la même charge que les griffes ne parvint pas directement à son esprit.
Les yeux agrandits sous l'effarement, elle glissa et s'effondra contre le sol dans un bruit sourd. Une douleur sourde se propagea dans la colonne vertébrale.
— Rahh, ça fait mal, gémit-elle, le visage juvénile tiré en une vilaine grimace.
Elle resta un instant sur le sol, immobile, avant de se redresser ; sa clavicule s'était encastrée contre un livre tombé de la dernière étagère. De mauvaise humeur, elle s'en empara et la jeta contre le monticule de grimoire entraîné dans sa chute. Une faible lueur s'en dégagea.
— C'est quoi c'te lumière verte ?
Poussée par la curiosité, Lory fit fi de la souffrance et se traîna jusqu'à la source intrigante. Elle fouilla un peu, avec un plaisir malsain à jeter les antiquités dans tous les sens, – Thalya ne serait pas contente – puis tomba sur un bouquin à l'aspect usé dont la couverture était incrustée d'une sorte de Sijite qu'elle n'avait jamais vu auparavant.
Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Fascinée par la beauté de la pierre, Lory la caressa. Un courant électrique naquit au bout de ses doigts et remonta le long de son bras. Des filaments d'énergie pure dansèrent sur sa peau et s'approchèrent langoureusement de sa tête. La gamine ne retint pas son cri, terrorisée.
— À l'aide ! À l'aide ! Thalyaaa ! Thalyaaaaa !
Elle se crispa, plissa ses paupières mouillées par les larmes et attendit le choc. Un mince sursaut s'empara de ses épaules. Puis rien. La poitrine secouée de sanglots, elle osa entrouvrir un œil. La Sijite brillait toujours autant, mais aucun démon électrique ne jouait avec elle. Avait-elle été victime d'une hallucination ? L'atmosphère poussiéreuse ne devait pas aider son cerveau à s'oxygéner correctement.
Après une hésitation, elle entreprit d'ouvrir le grimoire sur ses genoux et commença la lecture. Lory souffla, abasourdie, et sourit de toutes ses dents. Thalya sera fière d'elle quand elle lui racontera ce qu'elle avait trouvé ! Une bouffée de bonheur l'envahit. Oui, tout le monde la félicitera ! La fillette releva alors la tête et se mordit les lèvres, la mine piteuse devant le grenier dévasté par ses soins.
Peut-être qu'elle devrait d'abord un peu ranger tout ça.
Note de la Créatrice
*essaye de s'esquiver en douce*
Bwi, ça fait longtemps. J'ai enfin fini mes examens (yeaay), le rythme de publication devrait donc reprendre (avec trois mois de vacance devant soi...), probablement une fois par semaine.
Et vous ? Aussi sorti des exams (#le bacc'estchouette) ?
Un avis sur le chapitre ?
Profitez de la vie et du beau temps (beaucoup trop chaud, humhum) ! ;-)
J'vous aime fort,
Elly
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