Chapitre 19.4
Une rumeur sourde s'était coincée au fond de sa tête. Thalya, la respiration désordonnée, les pupilles affolées, avançait aussi vite que possible dans le passage. Elle tituba contre ses propres pieds, s'écorcha le coude. Tout était fichu, et c'était de sa faute. Faute de son propre orgueil. Elle devait sortir d'ici au plus vite. Aider les autres. Aider Lory.
La rumeur s'intensifia. Son cerveau allait exploser. Un mouvement imprécis de sa part et la fière Championne rebondit entre les deux murs pour s'étaler contre le sol. Elle mit une main devant sa bouche pour empêcher le son qui lui déchirait la poitrine de traverser ses lèvres.
Puis, elle reconnut la source du chaos dans sa tête. Ce n'étaient pas les Voix qui remontaient, mais Lory. Lory...
Grande-sœur ! S'il te plaît, reste avec moi !
La jeune fille sentait le tentacule mental qui s'enfonçait dans ses neurones. Ses épaules ricochèrent contre la paroi alors qu'elle glissait un peu plus vers le bas, incapable de résister à la gravité. Elle ne supporterait pas accompagner sa sœur dans ses derniers instants. Elle ne pouvait pas.
Tout son corps fut secoué de spasme. Une attaque de panique. Non ! Elle s'était promis de ne plus jamais flancher. Alors, elle baissa les barrières de son esprit, le front déjà couvert de sueur, prête à affronter cet ultime obstacle.
Lory, je suis là.
Au lieu de la terreur attendue, il n'y avait qu'une sensation de soulagement qui relâcha chacun de ses muscles.
Je vais bien.
La voix de sa sœur l'envahit tel un raz-de-marée et emporta tout sur son passage.
Thalya, concentre-toi. 38293128040730402. Je répète. 3. 8. 2...
La Championne se redressa brusquement. Le code. Le fichu code. Amara avait donc réussi... ? Ses doigts caressèrent la paroi, rendu fébriles par l'espoir soudain. Elle se mit à courir en crabe, tant bien que mal, enjamba le corps évanoui d'Amelya allongé contre le sol, jusqu'à retrouver l'endroit qu'elle avait repéré auparavant. Le mur éclata en morceau. Elle s'extirpa du passage dans lequel elle s'était dissimulée et s'approcha de la porte argentée qui la mènerait droit vers son but. Le passage s'écroula derrière elle. Son amie devrait être en sécurité pour le moment.
Le premier garde qui l'aperçut le regretta rapidement. Elle para sa première attaque avec le brassard en cuir qui entourait ses avant-bras et en profita pour lui admonester un coup de pied dans le ventre qui l'envoya à l'autre bout de la salle circulaire. Les autres n'eurent pas plus de chance ; la matière même de la Ruche s'était mise au service de la jeune fille. Des blocs de roches se délogèrent des murs et les précipita dans l'inconscience.
Un flot d'énergie l'enveloppa lorsque la perle Terra se révéla sur les Moïras. La jeune guerrière n'en avait cure ; la diversion gigantesque qui devait avoir lieu en ce moment même sur la place principale occuperait trop les soldats pour qu'ils se rendent compte de ce qui se passait ici.
Les pupilles encore dilatées, les mains tremblantes, elle se posta devant la porte et tapa le code que Lory continuait de murmurer en boucle. Puis, elle apposa sa main sur le piédestal qui s'évasait devant elle. Des dizaines d'épines s'enfoncèrent dans sa peau. Ses épaules tressaillirent lorsqu'un flot d'adrénaline incontrôlé accompagna la douleur.
Un éclair parcourut le battant. Une fine ligne dorée jaillit du sol et s'entrelaça en de longues boucles sauvages sur le bois renforcé. Enfin, comme après avoir reconnu les dons qui pulsaient dans le sang de sa quémandeuse, il s'ouvrit sans un bruit. Soulagée, Thalya se jeta dans l'ouverture. Elle ne possédait pas beaucoup de temps et les documents dont Alrik avait parlé ne seraient pas forcément facile à trouver.
La jeune fille n'avait pénétré cette pièce qu'une seule fois dans sa vie ; lors de son introduction au rang de Championne. Ce jour-là, elle avait peine prêté attention à l'ensemble architectural tordu de la pièce, ni au teint légèrement brillant qu'arborait les murs lisses de trylme, comme poli par la main des Feys. Le plaisir non dissimulé d'entrer dans le sacro-saint sanctuaire d'Istaldel et de signer en lettres de sang le Grimoire Gheti avait prévalu toute autres observations.
La relique si chère aux Istaldéens se trouvait toujours là, mais avait été repoussé dans un des coins de la pièce pour faire place à des lignées d'étagères en lévitation. Un effleurement convainquit Thalya de la constitution de celles-ci : encore du trylme. Pourquoi les gens s'obstinaient-ils à construire des objets dans une matière qu'elle ne pouvait pas manipuler ?
Une fois plantée au milieu de la pièce, Thalya scruta les alentours avec la frénésie d'un animal tombé dans un piège. Alrik avait parlé d'un sceau vert bouteille et d'illustrations de ronces... Si les documents rangés avec soin se succédaient de manière chronologique, les plans devaient se trouver...
Des voix retentirent au loin. Thalya fit volte-face, sortit du tombeau de métal et se pencha vers le couloir pour deviner l'avancée des gardes. Sa main caressante sur le mur, son esprit fila dans la structure sillonnée de la Ruche, trouva les fondations et les laissa s'écrouler. Des cris résonnèrent au loin. Cela lui donnerait un peu de répit.
Entretemps, elle avait analysé la conformation de rangement de la salle coffre-fort et ses yeux surentraînés des longues heures passées à la bibliothèque du Manoir dévoraient en diagonale les différents rapports et documentations.
— Le Grand Conseil a décidé de mettre toute sa biographie dans ce tiroir ou quoi ? maugréa-t-elle en tentant de contrôler ses traîtresses de mains flageolante.
Pour l'arrêter, il suffisait de fermer la porte derrière elle et la salle tant convoitée se transformera en une prison que même elle ne pourrait pas déjouer. Après d'haletantes secondes, elle mit la main sur ce qu'elle cherchait, un demi-sourire triomphant sur les lèvres. Ce parchemin aux airs de vieillard lui semblait une récompense bien dérisoire face à tous les obstacles qui l'avait séparé d'elle.
Sans perdre de temps, la jeune fille saisit le sac de tissu qui pendait à sa ceinture et y jeta en pêle-mêle tout le contenu de l'étagère. Nombres de secrets devaient tenir compagnie à ces brûlants documents. Les compartiments attenants subirent le même sort. Des feuilles libres, des dossiers, une Sijite aux reflets rouges, et même une courte lame.
Une détonation. Elle sursauta. Le livre qu'elle tenait tomba par terre. Sans prendre le temps de le récupérer, la jeune fille se rua hors de la salle, puis s'arrêta net. Une file de soldats sortaient d'un tournant de couloir. Ses doigts s'emparèrent d'une fiole qui dormait dans la poche de sa tunique et la lancèrent sur l'ennemi. Le liquide instable explosa au contact avec le sol. Un nuage de poussière se souleva. Thalya remonta son col devant sa bouche et recula jusqu'à toucher la paroi de terre cuite. Une simple impulsion mentale et un pan entier s'affaissa. Une gorgée de Flux s'engouffra dans ses Moïras surexcitée. Thalya éclata de rire et le regretta aussitôt lorsque qu'une bouffée de débris coupa sa respiration.
— Au plaisir de ne plus vous croiser, mesdames et messieurs, croassa-t-elle tout de même avant de sauter dans l'air libre, les bras ouverts.
Note de la Créatrice
Qu'en avez-vous pensé ? Des avis, des conseils ?
D'après vous, que contiennent donc ces précieux documents ?
...
Et voilà le chapitre final qui se clôt. Certes, il reste l'épilogue, et surtout une deuxième partie qui narre le tournant prit à Istaldel, mais l'émotion d'avoir enfin terminé cette scène qui dort depuis longtemps dans mes cahiers de notes me laisse toute chose.
Je voudrais tout d'abord remercier mon dino d'ordi, qui a (pour l'instant) accepté de ne pas supprimer d'un coup tous mes documents.
Ensuite, @Amara2804, qui se fait discrète sur la plateforme, mais qui est toujours là à mes côtés pour m'écouter déblatérer de tout et n'importe-quoi pendant des heures, tout en signalant avec sadism... hrm intelligence les améliorations/innovations possibles. Elle vous dira que je suis d'un naturel trop gentil avec mes personnages et que c'est elle qui a dû m'éduquer un peu pour remonter la barre à la hauteur des autres. Qui est très haute, si j'en crois mon expérience... (hrm, les défis sur Discord pour les connaisseurs)
*un ange passe, Elly se redresse dans son fauteuil*
Mais surtout, j'aimerais vous remercier vous, qui pointez votre nez à chaque publication, qui laissent une douce étoile accompagnée des fois (toujours pour certain.es) d'une flottée de commentaires qui ont le don de m'apporter le sourire. Je ne sais franchement pas si j'en serai là sans votre soutien, pour le meilleur et pour le pire (ah, on ne sait jamais quelle nouvelle métaphore complètement ratée je peux pondre, je les laisse toujours dans l'espoir qu'elle passe... Mais certains regards semblent surentraînés et les massacrent sans pitié)...
Bref, z'vous adore. *distribue des cookies au chocolat belgo-suisse*
Du coup, j'vais vous assommer de questions (Sophisme très clair, je ne le nie pas). Libre à vous de prendre celles qui vous inspirent et... d'en faire ce que vous voulez.
Existent-ils encore des points sur le monde, les personnages ou sur l'intrigue qui ne sont pas encore clairs pour vous ?
Avez-vous des attentes pour la suite ? Des pressentiments ?
Y a-t-il un personnage secondaire qui a vous a particulièrement marqué, que vous aimeriez que je développe ? (tant dans la deuxième partie que dans la réécriture)
Une scène du même gabarit ?
Et pour finir : des conseils généraux pour la suite ?
Bref, ce fut une aventure folle, qui ne fait que commencer. C'est une joie de pouvoir la vivre à vos côtés.
Check de coude,
Elly.
Publié le 31.05.2020
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