Chapitre 13
La période de Feycht avait fini par arriver et cloisonnait les Istaldéens à l'intérieur, les étreignant de son souffle froid transperçant. Les Sylphires acheminaient habituellement l'air humide de la mer jusqu'à ce que celui-ci, en s'élevant vers Istaldel, atteigne son point de condensation et forme le brouillard caractéristique de la ville. Or, pendant cette phase peu agréable, ces vents d'ouest typiques d'Istaldel redoublaient alors d'intensité et de violentes bourrasques filaient dans les ruelles, accompagnées par une pluie fine, mais interminable.
Pour une fois, cela arrangeait bien Thalya qui, confortablement installée dans son lit, lisait le petit ouvrage que Lory avait trouvé. La curiosité avait fini par surpasser l'appréhension due à la mise en garde et, après que la couverture l'ait narguée pendant plusieurs jours, la jeune fille avait finalement mis le grappin dessus pour faire taire les aiguillons de culpabilité qui tordaient son estomac depuis l'incident avec Alrik, la veille.
Introduction
Alors que l'An'kalara sombrait dans le chaos pendant l'Ere de Suie, Elésir a béni l'humanité par les nombreux présents qu'elle nous a octroyé. Dans cette chronique, je traiterai d'un des dons les plus importants pour notre évolution : la communication.
Thalya survola la table des matières qui suivait et commença le premier chapitre.
Ce n'est pas essentiellement à cause des pouvoirs titanesques des uns et des autres que l'An'kalara promettait de devenir un continent sans avenir, mais surtout par faute d'entente, d'accords et surtout d'informations. Les discordes qui régnaient en maître pendant des années reposaient souvent sur un malentendu, sur des idées reçues ou même sur des mensonges si anciens qu'ils tenaient pour vérité. Personne ne réussissait à démêler les nœuds de conflits qui, aidés par la taille de notre continent et par la mauvaise mobilité de ses habitants, s'accumulaient et formaient des feux de violence qui ne s'éteignait jamais.
En réaction à la situation désastreuse, Elésir a introduit le lété, un métal qui permit aux personnes possédant certaines prédispositions que nous aborderons* d'acquérir la perle « Télépathia ». (voir les capacités reliées à la perle au chapitre 2)* Celle-ci permet entre-autre de communiquer quel que soit la distance séparant les Télépathes. Grâce à l'organisation de ceux-ci, le contact et les discussions entre les différents camps devenaient possibles.
Étrange, elle n'avait pourtant jamais entendu parler de ces Télépathes. Ils n'apparaissaient dans aucun manuel d'histoire, et seules les Feys savaient combien Thalya en avait ingurgité sous la tutelle bienveillante de Daya. La jeune fille revint sur la table des matières et trouva le chapitre « Déclin de la guilde ». Les pages s'envolèrent sous ses mains impatientes, puis s'arrêtèrent net en entendant les marches de l'escalier millénaire craquer sourdement les unes après les autres à une cadence de plus en plus élevée.
Seule Lory aimait jouer avec les limites de stabilité de l'escalier et elle devait être en train de dormir à poing fermé dans sa chambre au grenier ; la gamine enchaînait des crises de fatigue intenses ces derniers temps. Thalya avait révélé la cachette de ses clés à Mika, mais le jeune homme ne devait que passer le lendemain matin. Et s'il y avait eu une urgence ? Une descente des soldats malgré la densité de l'atmosphère dans les rues, on s'y enfonçait comme dans un coussin d'eau, ou l'arrivée de l'albinos... Cette pensée la fit frissonner malgré les deux couvertures dans lesquelles elle s'était emmitouflée.
Les pas s'arrêtèrent devant sa porte. Thalya se détendit un petit peu ; Lory pouvait dormir tranquillement. Ses mains tremblaient. L'état dans lequel l'avait mise Alrik ne lui permettrait pas de se battre comme d'habitude. Rien que son nez envoyait des ondes de douleur à chaque respiration. Un grincement retentit et la longue silhouette de Kayrel se profila à l'entrée, un long couteau à la main, le visage caché dans l'ombre. Bien sûr. Elle aurait dû s'en douter.
— Comment es-tu entré ?
Le garçon referma consciencieusement la porte à clé avant de lui répondre, le dos tourné.
— Il m'arrivait de traîner dans les alentours quand tu rentrais chez toi. Je savais où tu cachais tes clés. Endroit ridicule, d'ailleurs. Tu n'es pas très prudente.
Le cœur de Thalya battait de façon rapide, le froid l'enveloppait : elle s'était dégagée d'une de ses deux couvertures pour gagner en mobilité. Effort qui tenait plus de l'orgueil et de l'habitude que réelle nécessité. Elle ferait long feu si Kayrel se décidait à l'attaquer. Le métal de ses Moïras commença la longue danse qui affutait ses pouvoirs, comme s'il devenait vivant.
— Tu es tout mouillé, constata-t-elle.
Le rouquin s'approcha d'elle, le regard, d'ordinaire chaleureux, vide, plongé dans un spectacle invisible à celui des autres. La lame de son arme rebondissait contre sa jambe.
— Est-ce que c'est toi qui l'as tué ?
— Il est donc mort, finalement, murmura la jeune fille, une soudaine vague de tristesse déblayant les restes d'espoir qui jonchaient son âme. Mes condoléances. Je ne voulais pas que cela finisse comme ça.
Kayrel secoua la tête et laissa son doigt couler le long du côté acéré de son couteau. Une perle vermeille éclata contre le plancher.
— Impensable que tu aies si peu à dire, Esteyal. Tu étais la dernière à quitter Alrik avant que je ne retrouve son...– il pâlit – corps. Tu lui as peut-être balancé cette hache à la figure pour te protéger, je n'en sais rien, mais ne mens pas !
Thalya se laissa tomber sur son oreiller et découvrit ses jambes recouvertes de bleus.
— Je ne te mens pas. Regarde-moi. Je me sens comme un petit chaton sans défense, incapable de bouger sans tomber. J'aurai été incapable de le battre. Une hache, tu dis ? Celle qui trône sur le mur ? Ce n'est pas avec ma main cassée que j'aurais pu la lancer.
Une ombre d'épouvante passa sur le visage du jeune homme quand il aperçut les marques profondes qui parsemaient le corps de la Championne.
— Tu sais très bien mener les gens par les sentiments, admit-il. Mais tu me caches quelque chose.
Thalya ferma les yeux, tenta de chasser les images de la veille. Injure, coup. Humiliation. Son ton resta cassant quand elle déclara :
— Quand j'ai enfin réussi à sortir, des soldats semblaient encercler l'endroit. Il n'a pas été assez prudent et les nobles ont dû se méfier. Je n'étais pas vraiment en état de...
Un cri d'exclamation s'échappa de ses lèvres quand le métal entailla la peau de son cou et que le souffle chaud de Kayrel attrapa son visage. Le jeune homme haletait tandis que larme et sueur se croisaient sur ses joues recouvertes d'éphélides.
Quelle idiote ! Elle avait oublié qu'il possédait un talna de vitesse. Un don qui l'épuisait rapidement et qu'il n'utilisait en conséquence pas souvent. Et qu'elle avait oublié ! Thalya se maudit intérieurement. Certaine de connaître le bras droit d'Alrik, elle n'avait pas réussi à identifier la menace.
— On n'avait dit pas de mensonges, Esteyal, la menaça-t-il, la main tremblante. Et je suis très bon pour détecter les mensonges. Tu es plus franche, d'habitude, un côté que j'ai toujours apprécié, même admiré. Mais là, tu ne dis pas tout, hein ? Si effectivement des soldats étaient dans les alentours, Alrik aurait emprunté le passage secret du bastion pour s'enfuir, comme prévu. Mais c'est vrai que tu aurais eu de la difficulté à le mettre hors-jeu toute seule, dans cet état.
La pression du couteau s'accentua et du sang roula paresseusement entre les clavicules de la jeune fille pour s'écraser contre les draps immaculés.
— Alors, Esteyal, je te le demande : Est-ce que tu as livré Alrik aux forces du Grand Conseil ?
Une fissure craqua dans le masque de Thalya. Ses lèvres tremblaient.
— Jamais !
Elle aurait voulu éviter de mentionner le rôle de Mika dans l'affaire, mais se trouvait face à un mur qu'elle ne pourrait escalader.
— Un... Quelqu'un a eu vent de ma visite chez Alrik et, au vu de sa réputation, s'en est inquiété. Cette personne l'a assommé pour m'aider, résuma-t-elle succinctement. Ne me demande pas son identité, je ne te la donnerai pas.
Les yeux marron de Kayrel frémirent, se portèrent un instant sur les stigmates de la violence d'Alrik qui s'étalaient, nombreux, comme dans une galerie d'art. La poitrine de la jeune fille se soulevait avec labeur sous son poids, les battements effrénés de son cœur résonnaient à travers la fine chemise de nuit. L'effroi qui s'afficha sur son visage, le temps d'un souffle, le sortit de sa transe. Il s'écarta d'un coup, recula jusqu'à heurter le mur.
Thalya ferma les paupières, exténuée. Des larmes de soulagements affluaient et se faufilaient à travers la prison de ses cils. Elle n'avait pas eu complètement tort au sujet du jeune homme, finalement. Pas complètement.
— C'est de ma faute, réalisa soudain Kayrel.
Réfugié dans un coin, il fixait la lucarne sur laquelle s'écrasait des gouttes d'eau, imperturbables.
— Les Feys ont voulu me donner une leçon. J'aurais dû me dresser contre les actions d'Alrik. Même si... – les mots se troublèrent, restèrent accrocher dans sa gorge, comme enracinés – je... Ô Elésir, pourquoi me punir si cruellement ? Et, alors que je croyais être le plus heureux des hommes... Il était là, avec toute ma famille réunie autour lui sur le plancher dans une mare de sang. Et maintenant, j'ai...
Il s'arrêta net. Ses yeux s'écarquillèrent. Thalya se redressa avec difficulté et le contempla avec pitié. Ce garçon perdu dans un monde violent alors qu'il n'aspirait qu'à la chaleur humaine lui ressemblait. C'était des gens comme lui qu'elle devait protéger.
Une onde de douleur remonta de la plante du pied lorsqu'elle le posa avec prudence sur le bois rugueux du sol. Elle serra les dents et avança, pas à pas, les jambes flageolantes jusqu'au rouquin, s'accroupit à son niveau. Kayrel ne broncha pas, la tête dans les bras, les épaules secouées par les pleurs. Mais il sursauta quand Thalya le fit basculer dans ses bras.
— Ne t'inquiète pas, lui chuchota-t-elle. Tout va bien se passer.
Note de la Créatrice
Des avis, des réactions ?
(Je sens que je vais me faire incendier pour un certain point, peu logique scénaristiquement parlant, mais bon...)
Et nous voilà partis pour un lonnng chapitre *soupire*
Sinon, je suis arrivée vers le milieu de l'avant-dernier chapitre de ce premier tome/première partie, même s'il s'allonge beaucoup trop à cause de mon fichu style de narration "pas à pas" dont j'ai du mal à me défaire. Vu que j'ai tendance à lire à vitesse éclair, c'est plus confortable pour de lire/écrire comme cela, mais les scènes deviennent beaucoup trop chronophage et ça me frustre, surtout que j'aimerais finir ce premier tome avant le début de l'université (Ainsi, je peux corriger/réécrire à mon aise pour continuer une publication régulière)
... Je parle trop.
Ah, et les Pouvoirs des Perles a atteint les 12k vues ! Encore merci à tous ceux qui m'accompagnent dans les périples qui secouent Istaldel, it means a lot to me.
À la semaine prochaine ! *>*>*>*>
Publié le 04.09.19
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