Bonus : Rencontre entre deux mondes
Petit texte composé pour le concours de L'encre prodigieuse. Il relate la rencontre entre l'auteure et un de ses personnages.
Un bruit étrange retentit entre le murmure des hautes herbes dans le vent et le chant des cigales, semblable à un tonnerre envoyé par les Feys pour exploser sa rancœur sur le sol de l'An'kalara. La silhouette, ombre parmi tant d'autres qui peuplaient le monde nocturne, tressaillit et se figea. Serait-ce Thalya qui lui jouait un tour ? La jeune fille devait pourtant déjà se trouver à l'arène, en train de s'échauffer.
Amara inspira profondément et scanna l'air qui tourbillonnait autour d'elle. L'anomalie dans la pression atmosphérique avait disparu. La jeune blonde se détendit et continua sa descente, se frayant un chemin dans la prairie sauvage. La fraîcheur de la nuit s'infiltrait dans l'étoffe fine de sa robe. Des frissons parcoururent son échine. Le calme des environs contrastait avec l'agitation de la soirée qu'elle venait de quitter.
— Salut !
Amara sursauta, s'accroupit et attrapa le poignard caché sous ses jupons. Une silhouette s'approchait d'elle à grands pas et agitait sa main en guise de salutations.
— Excuse-moi, tu peux m'aider ?
L'obscurité se défaisait lentement du visage de l'inconnue et dévoila un visage avenant grâce au sourire qui le traversait. Amara se redressa, sa lame toujours en main.
— Qui êtes-vous ? lâcha-t-elle.
L'étrangère enleva la capuche, libérant une masse de cheveux sombres, puis elle tendit la main d'une manière enjouée.
— Je m'appelle Lena. Et toi ?
Amara fixa la main, déstabilisée. D'où venait donc cette fille ?
— Amara. Mais que...
— Oh, vraiment ! s'écria l'inconnue. Ouah... C'est vraiment fascinant.
La jeune blonde recula instinctivement d'un pas devant l'observation minutieuse de son interlocutrice.
— En quoi puis-je être utile ?
Lena ne répondit d'abord pas, comme absorbée dans un tourbillon de pensées. Puis, elle sursauta et lui adressa un air piteux.
— Pardon, mon esprit est parti en vacances. Euh... Oui ! J'aimerais savoir où se trouve Istaldel.
— Vous vous moquez de moi, s'étrangla Amara.
L'étrangère n'avait pas pu accéder cette saillie rocheuse sans passer par la ville. À moins qu'elle n'ait longé les falaises, spécula la jeune fille. Bien qu'il n'y ait pas de chemins tracés...
— Non, non, pas du tout. J'avoue que la nuit m'a un peu fait perdre tous les repères. Heureusement qu'il n'y pas de brouillard, ça aurait été pire.
Amara inspira un grand coup, incrédule, et tourna les talons après avoir aboyé un bref ordre :
— Viens, suis-moi.
Le galop de l'inconnue fila dans son sillage. Elles arrivèrent après moins d'une minute à un petit surplomb, près d'un saule pleureur dont les tiges lourdes de feuilles balançaient dans la brise. Istaldel s'étendait en contrebas, baignant dans la lumière bleutée caractéristique des Sijites. Ses quatre Quart rayonnaient, le fleuve qui divisait la ville possédait cette couleur indéfinissable dont seule l'eau au clair de lune portait les secrets.
Amara se retourna vers l'étrange fille, pressée de s'en débarrasser. Elle ravala cependant sa remarque acerbe en remarquant le torrent de larme qui avait envahi le visage de celle-ci. Les perles salées se succédaient, intarissables.
— C'est tellement... beau, chuchota Lena. Je ne l'avais jamais vue, juste... lue. Aucune phrase n'est capable de transmettre cette somptuosité ! Même mon imagination n'était pas à la hauteur.
Ses derniers mots furent engloutis par un sanglot. Elle s'assit par terre et dévora des yeux la cité. Le souffle du ciel s'accrut, le sifflement des insectes nocturnes s'y perdirent. Une fine pluie éclaboussa le nez des deux filles.
— Je... Je dois y aller, murmura Amara, comme gênée de perturber ce moment de grâce.
Lena resserra la cape autour de ses épaules et se releva. Elle passa ses doigts sur le tronc de l'arbre accablé, comme pour vérifier qu'il ne disparaîtrait pas à son toucher.
— J'aimerais beaucoup voir une certaine Thalya. La Championne. Tu pourrais m'aider à la trouver ? demanda l'étrangère.
Iranama se moque de moi ! s'insurgea mentalement Amara. L'attaque de l'armée de gouttes d'eau s'intensifia, mais n'empêcha pas Lena de regarder son interlocutrice avec espoir.
— C'est justement elle que je vais voir. Tu peux venir avec moi.
— Vrai ? Magnifique !
Un rire extatique secoua la poitrine de l'étrangère. Elle paraissait profondément heureuse, mais pas surprise, comme si elle avait prévu la réponse d'Amara. Notant ce fait, la suspicion de celle-ci resta aux aguets.
— On devrait se hâter afin de ne pas se faire prendre par l'averse, viens.
***
Istaldel ne ressemblait pas à l'image que je m'étais faite. Bien que j'aie décrite tous ses recoins, la vue d'ensemble était restée floue dans ma tête. Mon cerveau à la capacité limitée m'avait toujours caché les merveilles de cet endroit, les avait rendus indistinctes tout en, comme dans un rêve, me convainquant de leur réalité.
Les murailles de la ville se dressaient devant moi, nimbées des couleurs de l'océan.
— Les Sijites sont surtout là pour dissiper le brouillard, très fréquent chez nous, m'informa Amara.
Je hochai la tête sans parvenir à effacer un sourire débile. Si les premiers pas dans ma ville me mettaient dans un état second, la présence de la jeune comtesse à mes côtés me rendait hystérique. Je n'arrêtais pas de la fixer avec une admiration nuancée de fierté. Elle semblait si humaine, si familière. Je la connaissais mieux que ma poche – même s'il est vrai que ce n'était pas vraiment difficile, vu le fouillis qui l'encombrait – et me sentais capable de deviner ses pensées les plus profondes.
Amara m'emmena dans le dédale de ruelles qui constellaient la cité. Je la suivis, bien consciente que malgré mon statut de Créatrice, je ne pourrais m'y retrouver. Les dômes des arènes apparurent dans mon champ de vision.
— Le Festival des Brumes est pour quand ? interrogeai-je ma guide.
La jeune blonde me lança un regard agacé et soupira.
— Dans quelques semaines. Thalya essaye de recruter la dernière personne de son Equipe, celle qui va représenter le Quart II lors des tournois, et est en train de tester tous les prétendants.
— Mais... L'Equipe n'est-elle pas complète depuis un certain temps ? Pourquoi changer ?
— Le bras droit des deux Champions a été emmené par les soldats, grogna Amara.
Je n'insistai pas. Elle ne me faisait pas assez confiance pour exprimer sa désapprobation. À mesure qu'on approchait des stades, les rues se remplissaient, les clameurs devenaient plus distinctes. Tout un petit monde s'était rassemblé malgré l'heure tardive pour assister aux différentes activités.
Amara me conduisit à l'intérieur de l'un de ces grands bâtiments ronds qui détonnaient avec le reste de l'architecture. La jeune fille se faufila à travers les méandres de la masse de gens en agitation avec dextérité, adressant quelques signes de têtes aux personnes qu'elle reconnaissait, monta une volée de marche et s'engouffra dans une porte qui menait à une gigantesque salle constituée d'un étagement de gradins hémicirculaires qui se rejoignaient en contrebas sous la forme d'un parterre noir à la matière élastiques.
Une gigantesque voûte maintenue par des colonnes sculptées avec soin nous surplombait tel un dieu protecteur. La pierre dont était composé tout le bâtiment me semblait plus sombre que celle utilisée pour les édifices habituels et semblait absorber la lumière orangée des Sijites incrustées dans la paroi. Les gens assis sur les gradins regardaient avec plus ou moins d'intérêt les combats qui se déroulaient sur le plateau. Je savais pertinemment que ce genre d'endroit servait surtout à la socialisation, plus que pour regarder les entraînements.
Mon cœur fit un bond quand j'aperçus enfin Thalya. La Championne, bien campée sur la scène, se battait contre deux garçons qui semblaient un peu perdu, submergés par la vitesse de la jeune fille. Ses deux sabres fouettaient l'air autour d'elle pour empêcher les prétendants d'approcher. Elle sauta à une hauteur presque surnaturelle pour se retrouver derrière l'un deux. Sa lame le désarma sans effort.
Je fixai cet efficace ballet avec stupeur. Je me rappelais avoir donné aux habitants de l'An'kalara des capacités physiques légèrement plus puis puissantes que sur Terre, mais les constater de la sorte était stupéfiant.
— Thalya est l'une des meilleures épéistes de la région, elle possède un contrôle effarant sur son corps, se rengorgea Amara en m'indiquant de prendre place sur l'une des rangées de pierres.
— Elle a dû beaucoup s'entraîner...
— Ah, c'est certain. Presque à en crever d'épuisement.
Un rictus tordit ses lèvres.
— Tous ces malheureux garçons remplis d'espoir n'ont pas beaucoup de chances... Le successeur de Ryal est de toute façon désigné.
— Ah bon ? Pourquoi ?
Les yeux turquoise de la jeune fille scrutèrent le public et la marée de garçons qui attendaient leur tour. Une expression de contentement se dévoila sur son visage. Elle tendit le doigt vers un garçon assis sur la rambarde, la tête posée sur sa main. Il semblait presque s'ennuyer, mais ses traits ne trahissaient aucune émotion.
— Tu vois le blond aux cheveux emmêlé ? Il a grandi dans un camp militaire de la Reine, ce qui lui a permis d'atteindre un niveau semblable et même supérieur à un bon Istaldéen. Thalya a été vaincue lors de leur dernier combat amical.
Mika... Comment avais-je pu ne pas le remarquer ? Le voir me redonna une bouffée d'oxygène. J'avais tellement travaillé sur sa consistance en tant que personne, ainsi que sur celle de Thalya et Amara... Je les connaissais. Tout ce monde qui s'activait autour de moi, anonyme, me paraissait presque terrifiant. Ils vivaient, mourraient pour une histoire dont ils n'étaient pas les acteurs principaux. Je me demandais s'ils possédaient une âme, une conscience, ou si leur enveloppe ne servait qu'à cacher un vide intérieur.
M'éloignant légèrement d'Amara, qui regardait le combat suivant avec attention, j'interpellai mon voisin.
— Eh, tu tiens pour qui ?
Il me regarda un peu de travers.
— T'es qui toi ? Tu t'habilles vraiment d'une façon étrange.
Je lui souris. La fraîcheur de la pierre sur laquelle j'étais assise me paraissait plus agréable que le ton avec lequel il m'avait invectivée. Un coup d'œil à mon accoutrement me fit grincer des dents. Bon, porter un pull jaune avec une jupe vert bouteille ne s'était peut-être pas avéré être une bonne idée. Mais je n'avais pas eu la moindre idée de la mode actuelle d'Istaldel. Cela ne m'avait jamais intéressée et ne faisait pas partie des centres d'intérêt de mes personnages. Amara appréciait suivre ce genre de chose, mais regardait surtout les tendances chez les aristocrates.
— Je suis de passage à Istaldel. C'est la dernière vogue à Vyadel, tu sais ?
Mon agréable interlocuteur grogna.
— J'tiens pour Ramir, un cousin. Mais il paraît que c'est ce satané Mika qui va gagner. Ça va faire mousser les rumeurs, ça. Il a beau être né ici, c'est presque devenu un étranger.
Je réfléchissais à une réponse correcte quand un remous dans la foule attira mon attention. Une voix déchira le tumulte.
— Des soldats !
Je me retournai et plissa les yeux. La lumière rebondissait sur les légers plastrons de Trylme qui envahissaient les gradins. Les traits d'Amara s'étaient distordus sous l'horreur. Une vague de panique emporta la foule.
Je ne savais pas ce qui se passait. À vrai dire, je ne savais même pas à quel moment de l'histoire j'étais tombée. Quels conflits avaient déjà éclatés ? Quels obstacles surmontés ?
J'appuyai sur le petit bouton rouge pour rentrer dans mon monde. Cette histoire commençait à s'échapper de mes mains. Il fallait remettre un peu d'ordre dans tout ça.
Note de la Créatrice
Vous avez probablement remarqué que j'ai pris une petite pause d'un peu plus un mois...
En plus du besoin de m'éloigner pour mieux revenir, je me suis mis en tête que j'écrirai une nouvelle pour un concours.
...
Elle est devenu trop longue, je ne l'ai pas inscrite. Mais je n'ai donc pas chômé, bien au contraire. Cela fait du bien de pouvoir finir un projet en environ un mois quand on traîne son roman depuis des années. :^)
Mélodie Interdite est une nouvelle science-fiction qui relate les aventures de Killian, un Eveillé dont la société prône la discipline, l'ordre, la rationalité et bannit la musique. La nuit, les Eveillés sont obligés de se terrer chez eux car les Débauchés envahissent les rues.
L'équilibre des choses changera-t-il quand Killian trouve un mystérieux message inscrit sur une vieille cabine téléphonique ?
L'autopub, c'est chouette. ;-)
Je vais essayer de publier le prochain chapitre dans deux semaines, mais vu le concert de chorale (et les répétitions qui vont avec) approchent à grands pas (arriver vers 22h20 tous les jours à la maison) je vais peut-être avoir du mal.
En plus, je crois que je vais un peu plus détaillé l'intrigue des chapitres suivants parce que je dois absolument démêler toutes les intrigues secondaires et les relier ensemble !
Asta luego !
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