•Chapitre 8•

— Et c'est cette détermination qui vous permettra de vous entendre j'en suis certain. De toute manière, vous n'aurez pas le choix, donc je vous conseille de prévoir immédiatement de régler vos différends autour d'une bonne séance de révisions en prévision de l'examen de Guide.

Son regard s'était nettement noirci, il avait délaissé son air avenant pour bien leur faire comprendre qu'il ne plaisantait pas. Les adolescents s'entreregardèrent avec une moue contrariée, comme pour jauger dans quelle mesure l'autre risquait de contrecarrer leurs plans. Réviser ensemble... Il ne devait pas bien se rendre compte des relations qu'ils entretenaient. Proposer une telle chose équivalait à peu près à demander à deux requins-tigres de se partager un minuscule thon : cela finissait en bain de sang.

Le visage du Prêtre se radoucit quand il perçut l'animosité qui électrifiait l'air entre les deux jeunes gens.

— Étant donné que vous allez réussir le concours de Guide, vous êtes d'ores et déjà intégrés au gouvernement. Les treize Guides seront sélectionnés en plus de vous car vous ne rejoindrez pas leurs rangs. Vous deviendrez Théosiras. Vous serez formés pendant deux semaines auprès des anciens Guides tout comme vos camarades puis vous intégrerez vos pleines fonctions à mes côtés.

L'homme aux yeux tempête était soumis au feu du regard des adolescents. Il sentait leurs pupilles étudier son visage à la recherche de l'entourloupe. Aliéna était sceptique, peu sûre de comprendre ce qu'il impliquait. Comment ça ils faisaient déjà partie du gouvernement ? Comment ça ils ne seraient pas Guides ?

Voyant qu'il n'obtenait aucun retour sur l'annonce qu'il venait de faire, le Prêtre reprit où il s'était arrêté.

— Vous serez mes conseillers personnels, vous m'assisterez dans toutes les décisions, vous m'accompagnerez dans mes voyages. Les Guides pourront se référer à vous si jamais je ne suis pas disponible, et vous aurez un pouvoir de décision sur eux.

Raides dans leurs fauteuils, Aliéna et Tion s'empêchaient de trépigner. Une relation si rapprochée avec cet homme leur permettrait d'obtenir tellement d'informations, offrirait tellement de savoir ! Et ouvrirait tellement de portes pour changer les choses.

Les pensées de Tion s'emballaient comme un troupeau de moutons à la vue d'un loup. Il commençait à imaginer tout ce qu'il pourrait réaliser auprès du dirigeant, tout ce à quoi ce nouveau statut lui donnerait accès. Tout ce qu'il pourrait offrir au peuple.

— Qu'en pensez-vous ?

L'interrogation curieuse les sortit soudainement de leurs pensées de grandeur. Il leur demandait vraiment leur avis ? Lui, le dirigeant qui ne se préoccupait jamais de ce que son peuple ressentait ? Aliéna n'en revenait pas, et son étonnement souleva de nouvelles questions au sujet de cet homme qu'elle ne parvenait définitivement pas à cerner.

Tion n'était pas en reste de surprise. Il ne comprenait pas pourquoi cet homme pouvait bien leur demander leur avis. Cela faisait-il partie de son plan ? Cherchait-il à les amadouer comme il le faisait avec le reste de la population ? Il ne pouvait pas parler pour Aliéna, mais cela ne fonctionnerait pas sur lui. Pour l'instant, il devait essayer de leur paraître sympathique et crédule pour mieux les manipuler ensuite, il ne voyait que ça. Malgré toutes ses réticences, et en constatant qu'Aliéna ne semblait pas vouloir répondre à la question, il prit la parole, la voix sérieuse et posée.

— C'est étonnant et très inattendu, je dois l'avouer. Vous voulez confier une mission d'une extrême importance à deux adolescents inexpérimentés, et je ne le comprends pas. Vous nous demandez d'être vos seconds, de jouer un rôle qui n'a jamais été pris auparavant, de prendre des décisions difficiles pour un peuple qui croit en Vitam et en vous depuis toujours. Je suis certain que le programme de l'académie est une excellente initiation aux enjeux du Théosis, néanmoins, il paraît évident que deux semaines de formation ne sont pas suffisantes pour accéder à un rang d'une telle stature.

Lorsque le jeune homme se retourna vers le dirigeant après les avoir laissé son regard glisser sur Olympia derrière la baie-vitrée, il trouva ce pli de sourire sur les lèvres du Prêtre. Cette courbure qu'il leur renvoyait depuis qu'ils avaient quitté la Salle Supérieure. Il les regarda tous les deux, comme pour les inclure dans son contentement. Une fois son observation silencieuse terminée, sa voix se fit calme dans le silence du Bureau.

— Voilà la preuve que vous êtes prêts. Quiconque aurait sauté sur l'occasion pour pouvoir habiter au Bâtiment des Dieux, pour sortir de la masse, pour ne plus aller aux champs... Mais vous, vous vous êtes d'abord étonnés de la proposition, avant de penser que vous n'en étiez pas dignes.

Il laissa une petite pause marquer l'importance de ses mots.

— Vous êtes bien plus matures que la majorité des gens de votre promotion alors que vous êtes plus jeunes qu'eux, bien plus intelligents que tous les élèves jamais passés par Véga et vous semblez animés d'une volonté sans faille de devenir Guides pour contribuer à la prospérité de Vitam. À mes yeux, il n'existe pas en dehors de cette pièce quelqu'un de plus qualifié que vous deux.

La joie de Tion accompagna mon sourire. Heureusement que je me trouvais à deux pas d'eux, il aurait subi mes représailles s'il ne m'avait pas incluse. J'avais sans doute transmis malgré moi puisqu'il me lança un regard à l'espièglerie discrète par-dessus l'épaule de Tion.

— Alors c'est décidé, vous deviendrez Théosiras lors de la Cérémonie de Nomination et après avoir réussi votre concours de Guide. D'ici là, prenez ceci. Vous pourrez y noter toutes les questions qui vous passent par la tête, même celles qui vous semblent farfelues.

Il leur tendait deux minuscules carnets à la couverture de cuir havane. Quand ses doigts se déposèrent dessus, Aliéna s'étonna de la texture de ce matériau qu'elle ne connaissait pas : c'était du véritable cuir et celui-ci était absent à Vitam, on avait depuis longtemps découvert des matériaux plus efficaces pour le remplacer.

— Je vous communiquerai les modalités exactes de votre travail lors de la Cérémonie. D'ici-là, je reste joignable par le biais de la direction de Véga ou ma secrétaire mais seulement en cas d'urgence extrême. Personne en dehors de ce bureau ne doit avoir vent de votre avenir, est-ce bien clair ? Vos parents, vos amis, votre petit-copain ou petite-copine, je n'en ai que faire. C'est un secret qui reste entre ces quatre murs.

Les jeunes gens hochèrent la tête tout en glissant les petits objets dans les poches de leur toge.

— Nous allons maintenant rejoindre le reste de la population pour assister au banquet. J'espère que vous êtes prêts à me supporter encore un peu : vous êtes tous les deux assis à ma droite.

Sur ce trait d'humour, il leur indiqua la porte de la main gauche, faisant scintiller sa chevalière dans un éclat de lumière.

Les deux étudiants se dressèrent sur leurs pieds comme si un ressort était brusquement apparu sur leurs fauteuils. Ils se dirigèrent vers la porte d'un pas identique : silencieux et noble. Alors qu'il allait déposer ses doigts sur le bouton doré, une réflexion sembla foudroyer l'esprit du jeune homme.

— J'ai juste deux petites questions monsieur.

Le Prêtre l'invitait à poursuivre du regard. Aliéna avait croisé les bras en levant les yeux au ciel. Il allait les retarder avec ses questions débiles l'intello !

— Premièrement, comment allons-nous retrouver notre chemin ?

L'interrogation présente dans la voix du jeune homme montra qu'il avait longuement réfléchi à la manière dont il allait s'exprimer. L'homme esquissa un sourire.

— Ouvre la porte.

Il avait accompagné ses mots d'un léger mouvement du menton qui témoignait d'une assurance espiègle dans son comportement. Ce monsieur était bien trop enfant pour que je ne me retienne de sourire à mon tour.

Tion s'exécuta.

Un long couloir parfaitement droit s'étendait devant les deux jeunes gens. Il était tapissé de tentures représentant des scènes mythologiques, se terminait sur une autre porte très similaire à la première.

Aliéna, placée derrière Tion, et qui ne voyait donc rien de ce qui provoquait cette moue surprise sur le visage de son Némésis, s'impatienta en croisant les bras.

— Bon tu avances ?

Le léger énervement qu'elle tentait de refouler pour faire bonne impression avait transparu dans sa voix. Lorsqu'elle comprit qu'il ne bougerait pas d'ici moins de trois secondes, elle le contourna pour se placer devant l'embrasure.

À vrai dire, elle aurait préféré s'y engouffrer, mais le choc l'avait elle aussi clouée sur place. Entrer dans une pièce en suivant un certain chemin et découvrir qu'il n'existait plus en revenant sur ses pas était tout de même perturbant.

Elle se retourna vers le Prêtre avec un air mi-indigné mi-perplexe sur le visage. Elle pointa du doigt le couloir qui était miraculeusement devenu droit.

— Comment ?

Son ton était froid. Il claqua dans mes oreilles tel une bourrasque hivernale. Elle ne supportait pas de ne pas comprendre ce qui se tramait. Ses pensées tourbillonnaient pour tenter de trouver une explication rationnelle, en vain.

Tion s'était légèrement avancé pour satisfaire lui aussi sa curiosité. Il étudiait le chambranle de ses yeux minutieux, faisait glisser ses doigts dans les interstices du bois, sur les murs et les broderies des tapisseries.

— C'est un des grands mystères irrésolus de l'humanité.

Le Prêtre sourit de plus belle après avoir fini sa phrase. Une vague d'émotion se propagea violemment dans mes veines. Aliéna avait une soudaine envie de mettre une claque à son dirigeant. Elle n'eut cependant pas le temps de s'exercer à la combustion spontanée par regard noir plus longtemps puisque l'homme, toujours assis dans sa chaise, se tourna vers Tion.

— Ta deuxième question ?

Le jeune homme s'arracha à son observation avec une réticence visible.

— Ma deuxième question oui.

Pour évacuer son trouble, il épousseta compulsivement son épaule gauche et remonta légèrement le pan doré qui lui barrait la poitrine. Quand il releva le regard vers le Prêtre, son visage était figé.

— Quel est votre nom ?

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Et bijour tout le monde ça fait longtemps x)

Ce début d'année a été compliqué avec les cours et tout et j'arrivais pas à me dégager du temps de cerveau pour écrire. Mais là, je me suis rendue compte que j'en avais très besoin donc voilà. 

Je pense qu'on va garder l'idée de 1 dimanche sur 2 parce que je vais avoir beaucoup cours quand même et même si j'ai un peu d'avance faut que je me relance. 

Sur ce, j'espère que ça vous a plu.

Bonne soirée à vous <3

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