Chapitre 1

« - Monsieur Bakugo, voici les dossiers que vous aviez demandé à monsieur Takahashi.

- Merci, posez-les sur le bureau. »

Les yeux rivés sur son écran d'ordinateur, le jeune homme ignore la démarche ridiculement prononcée de l'assistante de son supérieur, ainsi que la vue qu'offre le décolleté de son chemisier, quand celle-ci se penche pour déposer la lourde paperasse à l'endroit indiqué. 

Visiblement déçue du peu de réaction chez l'homme au physique d'Apollon, qui persiste à ne pas observer un quelconque détail la concernant, elle se retourne avec une moue boudeuse greffée au visage, avant de prendre congé, et sortir de la pièce tout aussi rapidement. Ce n'est qu'après un claquement de porte bien plus audible que d'ordinaire, que le garçon lève un œil, haussant un sourcil, étonné d'un tel comportement. 

Peu impressionné par de telles inepties, il fini par se reconcentrer sur son écran, et vient sauvegarder son travail, avant de tout simplement refermer l'ordinateur portable. Il se saisit des dossiers volumineux déposés quelques minutes auparavant, et se plonge dans leur lecture, à la recherche des informations tant convoitée, à mi-chemin entre le stresse de réussir son projet actuel, et la fierté d'en être arrivé jusqu'ici. 

Katsuki Bakugo, brillant esprit de sa génération, est devenu à seulement vingt-huit ans, l'un des architectes les plus renommés que ce pays ait connu. Sortit majeur de sa promotion, de la plus prestigieuse école d'architecture qui existe sur le sol japonais, il a été longtemps prisés par les grands noms de ce milieux, qui se battaient pour lui proposer un poste. 

Les demandes, toutes plus alléchantes les une que les autres, que ce soit par leurs avantages ou leur place dans cet univers, auraient pu faire saliver n'importe qui sur cette terre. D'ailleurs, les quelques montants prononcés lors des prises de contact avec le jeune homme, s'avéraient être des sommes astronomiques, qui auraient pu l'appâter, lors de sa prise de décision. 

Cependant, Katsuki n'a jamais été quelqu'un d'attiré par la gloire, les paillettes, et les flots de billets. Possédant de réelles valeurs, ainsi qu'une motivation sans faille, ce personnage a préféré prendre son temps, étudier chacune des offres qui se sont présentées à lui, pour ne retenir que quelque chose qui présentait un réel intérêt à ses yeux. Et c'est ainsi, qu'après quelques mois d'essais en tout genre, accompagné d'un mordant aussi intense qu'à la sortie de l'école, fraîchement diplômé, le jeune Bakugo a mit les pieds dans ce cabinet d'architecte. Sensible aux causes environnementales, adepte des méthodes alternatives pour préserver cette chère planète bleue, il a immédiatement trouvé en cette entreprise ce qu'il recherchait. Beaucoup ont rit de lui, lorsqu'ils se sont aperçu qu'il se retrouvait à courtiser la seule boîte qui n'avait pas cherché à lui mettre le grappin dessus, mais qu'importe. Son tempérament hargneux, et sa confiance en lui l'ont accompagné dans cette démarche, et le voici là, à être formé pour devenir l'associé de son patron, qui ne jure désormais que par son jeune poulain, capable selon lui des plus grandes prouesses. 

Katsuki ricane parfois, en repensant à ces quelques mauvaises têtes, qui ne voyaient qu'en lui un rival qu'ils se contentaient de jalouser, au lieu de ce centrer sur leur propre travail. Aucun d'entre eux n'a gardé contact avec lui, se contentant d'observer de loin sa réussite, et pester sur ce mec qui semble tout avoir pour lui.

Parce qu'en plus d'être doté d'une intelligence hors du commun, malgré un caractère un tantinet trop explosif sur les bords, ce jeune homme possède également un physique faisant se retourner toutes les têtes sur son passages, que celles-ci soient féminines ou masculines d'ailleurs. Son corps, sculpté à la perfection, extrêmement bien souligné dans ces costumes noirs taillés qu'il porte pour le boulot, a, à maintes et maintes reprises, prouvé l'effet qu'il peut faire sur autrui. Son regard également, tant la couleur rubis de celui-ci peut s'avérer déstabilisante, en plus des traits froids et durs de son visage. Et puis, il y a le timbre de sa voix. Rauque, et toujours brut de décoffrage par son langage, arrachant souvent quelques rires à ses interlocuteurs, enfin, pour ceux qui ne sont pas choqués de cette façon de parler. 

Oui ce jeune homme s'avère être quelqu'un de très prometteur, avec absolument tout pour lui. Mais est-ce bien suffisant pour obtenir une vie comblée ? 

Malgré la réussite qui lui tend les bras, malgré ces opportunités incroyables qui se présentent à lui,   rien ne vient jamais briser la monotonie de son quotidien. Quand il ferme la porte de son bureau, et met le nez dehors pour affronter le chemin du retour jusqu'à son appartement, tout lui paraît terne, et bizarrement sans vie. 

Ces mêmes routes qu'il parcourt matin et soir, au volant de sa voiture récemment acquise, sont d'un ennui mortel. Rien ne vient rompre le schéma bien défini de ses journées, qui se limitent à : se lever, prendre un café, se rendre au bureau, effectuer ses tâches quotidiennes, puis rentrer chez lui, prendre une douche, et aller se coucher en attendant qu'un nouveau jour se lève. 

Les rares interactions sociales qu'il peut partager, sont uniquement les quelques rendez-vous où il rencontre les clients de ses dossiers en cours, où de potentiels nouvelles personnes avec qui travailler. En dehors de ces temps-là, la solitude semble s'être emparée de lui, et être devenue comme une part de sa personne, qui le suit partout telle une ombre. Un peu comme une vieille amie dont on peine à se défaire, tant elle s'est empêtrée dans notre être, pour se mêler aux fondations du corps, faisant croire qu'elle a toujours été là. 

Lorsque sa présence se fait bien trop pesante, Katsuki ressent le besoin de tout briser autour de lui, comme pour se sentir capable de ressentir quelque chose, au fin fond de son esprit, et de son cœur en miette. Dans ces instants où lui-même ne parvient plus à se reconnaître, il noie son chagrin dans un verre de whisky, cadeau d'un énième client, en regardant la vue à couper le souffle depuis la baie vitrée de son salon, qui ne lui apporte aucun réconfort. Les bris de verres éclatés sur le sol autour de lui, ne lui ont, eux non plus, donné aucune aide, quelle qu'elle soit. Il se retrouvera simplement, le lendemain, avec un énervement supplémentaire, lorsque sera venu le temps de nettoyer les dégâts dans le salon, le tout accompagné d'une migraine carabinée. 

Il y a cependant certains soirs, où une petite lueur se profile à l'horizon, et vient l'arracher à cette routine barbante, pour lui offrir une petite oasis de douceur. Et c'est le cas aujourd'hui, quand Katsuki sort de son bureau, en prenant soin de verrouiller la porte derrière lui, toujours tiré à quatre épingle, malgré la longue journée passée et les réunions à foison. Il sait que cette soirée fait partie de celles qui sont différentes, quand en sortant du luxueux bâtiment aux nombreuses vitres, il aperçoit son acolyte Kirishima, appuyé sur un mur en brique sur le trottoir d'en face, guettant son arrivée. 

Lorsque le jeune homme l'attend de cette manière, il sait qu'il n'a pas le choix, et qu'Eijiro est venu le tirer de son train-train assommant. Mi-épuisé, mi-amusé par la détermination de celui qui s'est auto-proclamé son meilleur ami depuis plus de cinq ans désormais, il s'avance d'un pas rapide pour venir à sa rencontre, un léger sourire sur le visage. Se saluant d'un signe de tête, ils s'engagent à pied sur le petit trottoir, ensembles, d'un comme un accord, en direction d'un bar où ils ont leurs petites habitudes. 

Tellement d'habitudes, qu'ils leur suffit d'entrer et s'avancer jusqu'à leur table attitrée, qui est un peu reculée par rapport au reste de la foule, leur permettant de discuter avec un minimum d'intimité.  Le barman, qui les a repéré dès leur entrée dans le petit bâtiment, hoche la tête dans leur direction, pour leur indiquer qu'il apporte leur consommations dès que possible. La même que toujours. 

« - Alors Kat's, quoi de neuf ? 

- Comme d'habitude tête d'ortie... »

Katsuki laisse tomber la veste, et desserre légèrement sa cravate, espérant retrouver un peu d'air de cette manière, afin d'oxygéner un minimum sa trachée qui semble étrangement obstruée, pour une raison qui lui échappe. 

Certainement la fatigue emmagasinée d'une vie qui lui ressemble bien peu, et qui ne semble même pas à la hauteur de tous les rêves qu'il avait pu en faire, durant son enfance. Ou peut-être juste les conséquences de ce vide trop immense qu'à laissé cette absence dans sa vie. Sûrement.

« - Tu sais que tu me dit toujours la même chose ? À chaque fois que l'on se voit, j'ai le droit à un éternel « comme d'habitude ».

- Peut-être parce que c'est la réalité.

- Mais il y a plus que ça non ? »

Observant son camarade soupirer lourdement, Eijiro retire sa veste en cuir pour l'accrocher au dossier de sa chaise, avant de prendre une gorgée de la bière qui vient d'être déposée devant eux. De ce point de vue, les deux camarades dénotent complètement, l'un endimanché dans un costume de marque, d'une valeur exorbitante, l'autre détendu dans son jeans et son t-shirt à l'effigie d'un groupe de rock des années 90. 

Contrairement à son ami, qui s'avère être une tête, et qui a su pousser loin dans ses études, Kirishima s'est contenté d'un travail manuel qui semblait bien plus dans ses cordes. Plaquiste depuis ses vingt ans, il a apprit le métier sur le tas, quand toutes les écoles s'évertuait à répéter qu'il ne serait jamais capable de rien faire de ses dix doigts. Aujourd'hui chef d'équipe dans une boîte qui tourne plutôt bien, il fait partit de ces personnes qui pourraient se vanter d'avoir inversé la tendance, et l'envoyer dans les dents de ceux qui n'ont jamais su croire en sa personne. Mais ce genre d'attitude, très peu pour lui. 

Pacifiste dans l'âme, et surtout un brin « je m'en foutiste » sur les bords, il se contente de vivre sa vie pleinement, et d'investir cette énergie auprès de ceux qui comptent pour lui, comme par exemple cette tête blonde renfrognée face à lui. 

« - Allez Bakubro, tire pas la gueule, et explique à ton vieux pote ce qui ne va pas.

- Y a strictement rien qui ne va pas, alors contente toi de picoler et fou-moi la paix. »

Ces deux-là se sont rencontrés aux alentours de leur vingt-trois ans. Eijiro s'en souviendra toute sa vie, tant il a été marqué par la détresse de Katsuki ce jour-là.

Il n'avait jamais vu une telle cacophonie, un tel assortiment d'émotion peint sur le visage de quelqu'un. Il a d'ailleurs sincèrement cru que le blond était sur le point de mettre fin à ses jours, en le voyant divaguer sans but précis sur cette route, l'air hagard, et complètement débraillé. C'est sûrement une des seules fois de sa vie qu'il l'a vu habillé d'un sweat-shirt, d'ailleurs, quand il y repense. 

« - T'es toujours hargneux, c'est que tout va bien alors !

- Super, t'iras dire ça a ma mère. Ça l'a rassurera de voir que mes potes estiment que je suis en bonne santé parce que j'ai un caractère merdique.

- Ohhh, t'as dit que j'étais ton pote, c'est émouvant ! »

Et dès le commencement, les choses se sont déroulées ainsi entre eux. Pour une raison qui a toujours échappée à Bakugo, Kirishima s'est fait un point d'honneur depuis ce jour, de s'assurer de l'état de son désormais « ami », et de ne jamais le laisser tomber.

Au début, cette présence inspirait peu l'homme au tempérament explosif, qui s'en trouvait contrarié dès qu'il entrait dans son champ de vision. Et puis, petit à petit, Eijiro a trouvé les mots, et le mode d'emploi pour réussir à se faire une place, dans le quotidien terni par l'amertume, du blond. 

Et bien qu'il ne veuille pas, ou très difficilement l'admettre, Katsuki le sait, la vie serait bien plus difficile sans ses interventions quotidiennes.

« - Arrête de dire n'importe quoi tête d'ortie.

- C'est ça, si tu veux, clame-t-il, en terminant sa bière. Au fait Katsuki, je peux te poser une question ?

- C'est pas déjà fait ? » Le rembarre le cendré, fier de lui.

Kirishima ne se laisse plus impressionner par ce genre de comportement. Il le sait, Bakugo est joueur, et sa spécialité s'avère être plus particulièrement la raillerie, notamment envers sa personne. Alors, il balaye son commentaire d'un revers de main, tout en faisant un signe à leur camarade barman, pour renouveler leur commande. Revenant à leur conversation, il adresse maintenant un léger mouvement de tête en direction de la main de son acolyte, tout en semblant hésiter à aborder le sujet. 

« - Je t'ai toujours vu porter cette chevalière, c'est un bijou de famille ? 

- Pas vraiment non. »

Katsuki souffle bruyamment, prit à la poitrine par une douleur sourde, qui vient lui irradier le corps tout entier en quelques secondes. Son regard se pose sur cet anneau, qui ne le quitte plus depuis des années maintenant. Mais, pour la première fois depuis des mois, il prend sincèrement le temps de l'observer de nouveau, comme si il le redécouvrait. Trop enfermé dans ses habitudes, il se contente désormais de l'enlever et le remettre uniquement lorsqu'il prend une douche, pour éviter de trop l'abîmer, le considérant comme son bien le plus précieux. À l'image d'un talisman qui continue de le protéger avec le temps, il porte cette bague pour la signification qu'elle représente, comme continuant de porter chaque jour, un peu de lui.

« -Tu te sens bien Kat's ? 

- Mmh ? »

Il relève les yeux brusquement vers son camarade, dont le visage est teinté d'inquiétude face à sa réaction. S'en voulant un peu de s'être retiré au royaume de ses songes face à lui, il se mord la lèvre de culpabilité, avant de reprendre sa respiration de manière correcte. Passant les mains dans ses cheveux, décoiffant sa touffe cendrée, révélant ainsi sa nature plus sauvage que d'ordinaire, il vient ensuite joindre celles-ci ensembles, en posant ses coudes sur le plateau de la table, tout en observant l'objet.

« - Désolé si j'ai abordé un sujet sensible, s'excuse son meilleur ami.

- C'est pas... C'est juste que j'y avais pas repensé depuis un moment.

- Qui te l'a offerte ?

- Un mec... on a été amis pendant très longtemps, nos mères se connaissaient aussi, on a passé pratiquement toute notre enfance ensembles d'ailleurs.

- Et vous ne vous voyez plus ? »

Une onde de panique passe dans ses yeux, face à cette question. Les mots restent bizarrement coincés au fond de sa gorge, sans réussir à trouver le passage pour s'élever dans l'espace. Il ne sait pas comment lui dire, comment lui expliquer que c'est là tout le point de départ de ses angoisses. Qu'il ne s'agit là que de la question qui continue de le hanter chaque jours, depuis déjà des années. 

Il aimerait savoir si leurs chemins se recroiseront un beau jour, et si cette hypothèse est seulement envisageable. Oui, il le voudrait sincèrement.

« - Je...

- Oh, Katsuki, laisse tomber. On va changer de sujet. »

Le soulagement remplace peu à peu cette anxiété qui commençait à ronger chaque grain de peau, et son corps tout entier. Il soupire de plus belle, en se laissant retomber contre le dossier de sa chaise, comme si cette simple phrase venait de lui ôter un poids immense.

Et c'est peut-être ce qui vient de se passer après tout. Parce que ce pans de sa vie semble être encore bien trop lourd, pour songer ne serait-ce qu'un instant ouvrir la porte sur le sujet. 

Alors, tout en acquiesçant, il termine sa seconde bière en quelques gorgées, tel un assoiffé qui se jetterait sur une gourde d'eau après une traversée du désert, quémandant un peu d'air frais, avant d'attaquer leur troisième tournée. 

Kirishima approuve, et suit le mouvement en saisissant sa veste. Poussant la porte du bar, se postant sur le trottoir, Bakugo inspire une grande bolée d'air pur, remplissant ses poumons au maximum. D'une main nerveuse, il attrape son paquet de cigarette dans la poche de son pantalon, bien décidé à s'en griller une pour faire passer tout ça. 

Tout en allumant la sienne, il présente son paquet à Eijiro, qui refuse d'un geste.

« - J'essaye d'arrêter. »

Katsuki acquiesce, tout en le rangeant, avant d'aspirer une grande dose de nicotine. L'odeur de la cigarette s'étend autour d'eux, à mesure que la fumée s'éparpille, au grès du vent frisquet, qui s'élève, rendant la soirée très fraîche. 

Appuyés l'un et l'autre sur le mur, à côté de la porte, ils savourent un instant de silence, se contentant d'apprécier ce début de nuit. L'heure avançant petit à petit, quelques étoiles commencent à apparaître, au-delà du crépuscule qui laisse place à la robe foncée de la nuit

Les cendres qui tombent de sa clope, le blond observe d'un œil vide les quelques passants qui se baladent, profitant d'un peu de calme dans cette soirée, ou pour préparer la fête annuelle qui se produira d'ici quelque jours. Intrigué, Eijiro se rapproche du prospectus accroché au lampadaire, et lit rapidement les quelques infos rassemblée dessus.

« - T'as vu ça Kat's ? Ils organisent la fête en hommage à la déesse Tenshi.

- Ouais, encore un attrape-nigaud commercial tiens. On avait pas assez de la Saint-Valentin.

- Dit pas n'importe quoi, tu sais bien que cette célébration est culturelle ici.

- J'en ai surtout rien à cirer Kirishima. »

Il conclut en écrasant son mégot dans le cendrier, avant de mettre ses mains dans ses poches, tout en observant le ciel, et la lune qui commence à se faire plus présente. 

« - Au fait ?

- Qu'est- ce que t'as encore ? Râle Bakugo, usé par les questions incessantes de son ami.

- Rien, juste je me demandais...

- Tu te demandais quoi ?? »

Il réplique plus violemment, sentant la moutarde lui monter doucement au nez. Sa patience arrivant à limite, il le fait comprendre à son camarade, en employant un ton qui se veut plus sec et pressant. Et pourtant, lorsqu'il entend cette question sortir de la bouche de son meilleur ami, il regrette soudainement d'avoir autant forcé, se disant avec le recul qu'il aurait sûrement préféré rester dans l'ignorance.

« - Pourquoi tu t'es jamais mit en couple ? »

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