Chapitre 3

Severus avait deviné que Potter était allé à l'infirmerie, sous sa cape d'invisibilité. Il maudissait Dumbledore de lui avoir restitué l'artefact magique venant de son père, ne comprenant pas comment ce vieux fou pouvait mettre en danger l'imprudent Gryffondor de cette façon... Il était évident compte tenu de ses antécédents que Potter s'en servirait pour fouiner et désobéir à tous les ordres qui lui avaient été donné.

Lorsque le Maître des potions était venu rendre visite à Drago, son filleul semblait moins désespéré. Il y avait cette lueur étrange dans son regard, qu'il ne pouvait attribuer qu'à Potter. Il n'y avait toujours eu que Potter pour le faire réagir avec autant d'intensité.
Cependant, son filleul ne semblait pas avoir retrouvé la mémoire, pas encore. Avec un peu de chance, ça ne serait pas le cas avant la fin de la guerre...

Lorsque Potter s'était présenté à sa retenue, il s'était montré inhabituellement docile. Il avait juste refusé de dire où il avait trouvé le sort qu'il avait utilisé, restant muet, et se justifiant en jurant qu'il ignorait l'effet qu'il aurait. Le professeur de potions avait abandonné en voyant le regard vert hanté par la culpabilité.
Severus l'avait donc réprimandé pour sa stupidité, répétant encore et encore qu'on ne testait pas un sort inconnu de cette façon. Encore moins un sort noir lorsqu'on était le symbole du bien.

Potter ne s'était pas révolté. Il avait juste baissé la tête, s'était excusé, et avait demandé des nouvelles de Drago. Et lorsqu'il parlait de son rival de toujours, il y avait un éclat dans son regard qui n'était pas présent quelques jours plus tôt. Un éclat étrange, indéfinissable, qui n'était ni de la haine, ni de l'amour. Juste une preuve d'un intérêt presque obsessionnel.

Severus aurait pu lui relancer un Oubliettes. Le forcer à oublier tout ce qui n'était pas leurs disputes stupides d'enfants. Mais Potter allait vers un avenir bien sombre, et il aurait besoin de tout ce qui pourrait lui donner l'envie de se battre. Y compris une rivalité idiote avec son filleul.

*


Moins d'une semaine plus tard, Severus, fou de rage, parcourait une fois de plus les couloirs à la recherche de Potter et de Drago. Le Serpentard venait juste d'être libéré de l'infirmerie et Pomfresh l'avait pris à part pour lui dire que le jeune garçon était visiblement tourmenté par quelque chose et qu'il ne mangeait pas assez.
Severus n'avait pas répondu, sachant parfaitement ce qui n'allait pas dans la vie de Drago. La marque sur son bras... et la mystérieuse mission qui lui avait été confiée.

Il avait voulu trouver son filleul pour essayer de lui arracher une fois encore ses secrets et le convaincre qu'il pouvait l'aider, mais le gamin avait filé comme une anguille.
Bien qu'agacé de remettre la conversation délicate à plus tard, le professeur ne s'était pas inquiété. Il était son Directeur de maison, il finirait bien par le retrouver.

En arrivant à l'heure du repas dans la Grande Salle, Drago n'avait toujours pas refait surface. Personne à la table des verts et argent ne semblait inquiet de son absence, signe qu'il n'avait pas prévenu de sa sortie de l'infirmerie. Depuis qu'il était marqué, l'adolescent s'était volontairement isolé de ses camarades de toujours, et son caractère difficile avait convaincu tout le monde de le laisser en paix.


Avec un soupir, Severus décida de laisser un peu de temps au garçon. Après tout il était passé près de la mort et il avait la vie de ses parents entre les mains... S'il échouait en temps que Mangemort, les Malefoy seraient froidement tués pour servir d'exemple.
Cependant, il se crispa en voyant une agitation inhabituelle à la table des rouge et or.

Potter forcément. C'était toujours Potter.
Cependant, ce n'était pas sa présence qui posait problème mais son absence.

Severus plissa les yeux, suspicieux. Il tourna les yeux vers Dumbledore, et s'adressa à lui sèchement - plus qu'il ne l'aurait voulu.
- Qu'avez vous fait de votre petit prodige, Albus ?

De l'autre côté du directeur, Minerva émit un glapissement outré, prête à défendre son élève bec et ongles. Cependant, Albus eut un petit sourire mystérieux et il haussa les épaules calmement.
- Et bien... il devait avoir envie de calme. Ou il n'avait pas faim. Peu importe. Ce garçon a besoin parfois d'un peu de... solitude pour se sentir mieux.

Le cœur battant, pris d'un soupçon terrible alors qu'il se souvenait de son départ précipité d'un repas dans les mêmes conditions quelques mois plus tôt, il montra les dents.
- Vous n'avez pas peur qu'il fasse écrouler l'école livré à lui même ? Après tout il est le spécialiste des stupidités du genre !

Dumbledore gloussa et se pencha vers lui, les yeux brillants.
- Ne soyez pas si... dur avec lui, Severus. Harry est un gentil garçon, il n'y a que vous qui ne voulez pas le voir.
Vexé, le professeur de potions marmonna que le gosse avait assez d'admirateurs pour qu'il en fasse partie et il repoussa son assiette, hésitant sur la conduite à tenir.

Finalement, l'agitation des deux âmes damnées de Potter le décida. Si même eux ne savaient pas où il était passé, alors il y avait de quoi s'inquiéter. Jusqu'à présent, ils avaient été de tous les mauvais coups... sauf ceux impliquant son filleul.
Il se leva brusquement mais Dumbledore le retint un instant par la manche.
- Severus ?
Il se dégagea d'un geste sec, ses yeux noirs flamboyants d'agacement.
- Je n'ai pas faim et j'ai du travail qui m'attend.
Le Directeur le fixa de longues secondes, avant de soupirer.
- Très bien. Nous nous verrons plus tard dans ce cas.

Sans répondre, le Maître des potions quitta la pièce à grands pas, laissant sa cape voler autour de lui.


*

Il vérifia en premier lieu les toilettes de Mimi Geignarde, mais elles étaient désertes. Un instant, le souvenir de son filleul étendu au milieu de son sang lui revint en mémoire, et une petite voix lui chuchota désagréablement que ce ne serait pas arrivé s'il ne leur avait pas lancé un Oubliettes au début pour les séparer.

Il laissa échapper un grognement agacé et reparti rapidement, essayant de trouver où les deux gosses pouvaient se trouver. Il avait le sentiment qu'il les trouverait une fois de plus ensemble, comme toujours. Ces deux là n'avaient jamais été capable de rester à l'écart l'un de l'autre après tout. Ils en revenaient toujours à se tourner autour.

En arrivant devant la salle de classe où tout avait basculé, il failli laisser échapper un ricanement mauvais et désabusé. Bien évidemment, ils étaient là. Se fixant. Imperméables à ce qui les entourait, plus rien d'autre n'existait pour eux que l'autre.

Ils venaient de se parler visiblement, sans animosité. Sans cris. Il leur manquait un moment de leur histoire commune, et ils en avaient conscience, ne comprenant visiblement pas.

Caché derrière la porte, Severus ferma les yeux. Ce qu'il craignait était en train d'arriver... juste sous ses yeux, encore.

Conscient qu'il allait devoir recommencer, les séparer une fois de plus, il réprima une vague de nausée. Le professeur leva sa baguette, mais à l'instant où il allait prononcer le sort, une main se posa sur son bras.

Dumbledore. Évidemment.

Severus se dégagea et toisa froidement son supérieur.
- Ça doit être fait. Pour les protéger.
Le vieil homme gloussa, les yeux pétillants.
- Ne comprenez vous pas que ça ne fonctionnera pas, Severus ? Vous ne pourrez pas les forcer à s'éloigner l'un de l'autre.
- Albus...
- Vous avez déjà tenté votre chance, mon garçon. Ça a échoué. Laissez les explorer cette relation et s'entraider.
- Dois-je vous rappeler qui ils sont ? La marque sur le bras de Drago et cette foutue cicatrice sur le front de votre protégé ? Nous savons tous les deux ce que ça signifie...

Albus jeta un œil dans la pièce, et secoua lentement la tête. Il y avait une pointe d'incertitude dans son attitude, mais il ne comptait apparemment pas intervenir.
- Severus... N'oubliez pas la prophétie. Elle mentionne un pouvoir que le Seigneur des Ténèbres ignore.


Le Maître des potions grogna, montrant les dents, furieux.
- De quoi parlez-vous encore vieux fou ? Je ne compte pas laisser Drago être la victime de vos théories !

Une ombre passa dans le regard bleu - probablement alors qu'il se souvenait des erreurs qu'il avait faites autrefois - mais le Directeur se reprit rapidement, et montra les deux garçons.
Face à face, ils s'étaient rapprochés, et murmuraient, les yeux dans les yeux. Ils ne se touchaient pas encore, mais il était évident qu'ils étaient attirés l'un par l'autre comme des aimants.
- Vous les avez déjà vus ensemble, Severus, n'est-ce-pas ? Je me suis rendu compte que Harry avait reçu un Oubliettes... Oh quelque chose de parfaitement maîtrisé, qui portait votre signature magique. Je suppose que si j'examinais le jeune Malefoy je trouverais la même chose. Que faisaient ils pour que vous interveniez ? Qu'avez vous voulu effacer ?


Severus pinça les lèvres, mécontent. Mais Dumbledore insista doucement, visiblement sûr de ce qu'il avançait.
Le Maître des potions finit par avouer à contrecœur ce qu'il avait surpris.
- Ils s'embrassaient ! Ça vous va ? Ils étaient en train de s'embrasser et je ne pouvais pas les laisser risquer leur vie de cette façon ! Ils devenaient vulnérables ! Si quelqu'un s'en était rendu compte... La faiblesse de votre élu est un foutu Mangemort, Albus !

Albus sourit et lui tapota le bras, d'un air apaisant.
- C'est là que vous faites erreur mon cher ami. Ce que vous appelez faiblesse est probablement ce qui leur donnera suffisamment de force pour s'en sortir.
- Et comment ? Quand le Seigneur des Ténèbres le découvrira, il lui suffira d'appeler Drago au travers de l'immonde marque qu'il a sur le bras et de le torturer à mort pour faire plier Potter.

Le Directeur sourit doucement.
- Le pouvoir que Harry a, celui que Voldemort ignore... C'est ça Severus. L'amour. C'est l'amour de sa mère qui l'a sauvé lorsqu'il était bébé, et c'est l'amour qu'il partage visiblement avec le jeune Malefoy qui le poussera à se dépasser et à faire ce que nous attendons tous de lui. Même si je dois avouer que c'était totalement inattendu.

Severus renifla, mais il manquait de conviction. Il jeta un œil dans la pièce et vit Potter attraper la main de Drago, essayant visiblement de le convaincre de quelque chose. Son filleul secouait la tête, résistant visiblement, mais son regard perdu indiquait sa reddition prochaine.

Il ferma les yeux, refusant encore d'accepter. Dumbledore insista.
- Vous êtes un sorcier puissant, Severus. Je suis certain que vos Oubliettes était parfait. Et pourtant... ils sont de nouveau ensemble, prêt à succomber une fois encore. Ce n'est pas juste une passade ou une plaisanterie de l'un ou de l'autre. Ce n'est pas un piège. Il fallait qu'ils soient sincères dans leurs sentiments pour que le sort d'oubli ne soit contourné de cette façon.
- C'est ce que vous direz au gamin quand Drago aura été torturé ou tué pour l'affaiblir ? Il a déjà perdu son parrain, et même si je n'aime pas Potter, je ne peux pas lui souhaiter de revivre ça. Perdre un être aimé sous ses yeux.

Dumbledore soupira.
- C'est un risque. Mais vous savez que Harry ne laissera jamais celui qu'il aime être blessé. Et vous savez qu'il ne l'abandonnera pas, malgré la marque sur son bras ou son nom de famille.

Le Maître des potions ferma les yeux et comprit que ça ne servait à rien de lutter. Dumbledore avait pris sa décision, et il ne pouvait que plier.

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