Le Pouvoir d'un Simple Message


Adriana

Parfois, un simple message peut changer le cours des choses, le cours d'une vie. Nous avons tous entendu des histoires merveilleuses fondées sur ce principe. Quand cela vous arrive, au début, vous n'y croyez pas, mais quelque chose finit par vous donner envie d'y croire.

Lorsque, pendant des années, personne ne vous voit, même pas votre propre famille, il arrive un moment où vous pensez que plus rien ne vous retient, que rien ne vous empêche de faire l'irréversible. Cependant, une part de nous espère toujours un signe pour ne pas abandonner, une petite lueur dans une obscurité sidérale.

Mais est-ce que cette petite flamme peut vraiment tenir ?

Je m'appelle Adriana, et j'aurai bientôt dix-huit ans. Je vis avec mes parents et je suis en terminale. Je m'en sors plutôt bien au niveau des cours ; je travaille dans mon coin, la petite intello aux lunettes. Ai-je des amis ? Cela dépend de votre définition de l'amitié. Si ce sont « des personnes qui se côtoient dans le seul but d'obtenir de bonnes notes », alors oui, j'en ai plein. Mais si ce sont « des personnes présentes l'une pour l'autre dans les bons comme les mauvais moments », alors non, je n'ai personne.

Savoir que l'on existe seulement par l'intérêt que les autres nous portent est très dur à supporter. La lettre que vous allez lire aurait dû être lue il y a quelques mois si je n'avais pas reçu CE mail :

De : inconnu

À : [email protected]

Salut,

Alors voilà, je me jette à l'eau ! Je te croise chaque matin devant le lycée et tu ne me vois pas. Mais moi, je te vois bien. Pire, je ne vois que toi. J'aimerais qu'il se passe entre nous autre chose qu'un échange de regards. Et encore, ce n'est pas vraiment un échange puisque je suis le seul à te regarder.

Bref. Fais-moi signe, s'il te plaît.

Je t'embrasse.

Ma lettre :

« À vous tous, ceux qui voient mais ne regardent pas, comme ceux qui entendent mais n'écoutent pas. Mais aussi à vous, ceux qui sont vus mais pas regardés, et entendus mais pas écoutés. Pour certaines personnes, il est trop tard pour agir, mais pour d'autres, il est encore temps. Je fais partie des premières, à une chose près : vous pouvez encore faire quelque chose pour moi si vous avez des regrets.

Ce que j'ai toujours voulu, c'est qu'on prête attention à moi, aux autres, que tout le monde s'entraide. Je suis sûre qu'autour de vous, il y a une personne qui souffre en silence. Cette personne n'osera jamais demander de l'aide, même si elle en a grandement besoin. Vous n'êtes pas obligés de lui dire « tiens, je t'offre mon aide », mais le simple fait d'être là, vraiment là, et avec de bonnes intentions, sera un grand début.

Ensuite, vous, les personnes dans le silence, osez le briser. L'humain est né avec la force de pouvoir parler, car oui, parler est une force, et vous pouvez le faire de toutes sortes de manières, alors faites-le. Vous aurez peur, vous vous méfierez, mais mot après mot, vous serez libérés. Pour pouvoir avancer, il faut retirer le poids du passé, tourner une page, ou changer de chapitre, voire même de livre.

À vous tous, vous voulez ne plus être la personne que vous étiez avant ? Alors endossez un costume, un rôle, celui de ce que vous voulez être, et vivez chaque instant dans ce rôle, et tôt ou tard, vous finirez par devenir cette personne.

Bien sûr, je suis consciente en écrivant cette lettre que tout le monde ne le fera pas, mais à tous ceux qui le feront, MERCI. Merci pour vous, pour nous, pour eux.

À tous ceux qui en ont besoin, je veillerai sur vous de là-haut.

Divinement,

Adriana »

Me voilà dans ma chambre à l'internat, en train de travailler mes cours. En fait, non. Absolument pas. Après des mois de réflexion, ma décision est prise, j'ai tout ce qu'il faut. Je pose la lettre sur mon ordinateur, et au moment où j'allais me retourner, une notification de mail apparaît sur l'écran. Je l'ouvre et constate avec grand étonnement qu'il ne s'agit pas d'un mail demandant de l'aide. Curieuse, je réponds à ce mail et mets mes plans en suspens. Je range la lettre dans un tiroir et le reste dans le placard. Je m'installe au bureau, prête à discuter avec cet inconnu, mais tout aussi prête à ressortir les affaires aussi vite que je les ai rangées. Mais après tout, qui sait, cette personne est peut-être différente des autres...

Voilà deux semaines que j'entretiens une communication quotidienne avec cet inconnu. Enfin, il n'est plus si inconnu que ça puisqu'il s'appelle Peter, et que pendant ces deux semaines, nous avons appris à nous connaître.

À travers l'écran, il semble effectivement différent des autres, et le simple fait qu'il m'ait remarqué sans avoir besoin d'aide pour ses devoirs est un bon point. Il est nouveau au lycée, il est arrivé cette année et il est en terminale aussi, mais pas dans ma classe. Je ne sais pas à quoi il ressemble, mais plus pour très longtemps, car aujourd'hui mercredi, il veut que nous nous voyions après les cours et il m'attendra devant le lycée quand tous les élèves seront partis.

Est-ce que je stresse ? Totalement. Et s'il se moquait de moi et qu'au final, il est comme les autres ? Nous serons vite fixés de toute façon.

Alors voilà, je suis devant le lycée et je le vois de dos. Je m'approche de lui et lui tape sur l'épaule.

« Oh salut Adriana, je ne t'avais pas vue.

Salut Peter. Je dois te dire que je ne t'imaginais pas comme ça.Et tu es déçue de ce que tu vois ?Non, absolument pas.Parfait alors. Que souhaites-tu faire ?Je peux te proposer d'aller chez mes parents, j'ai un beau jardin et c'est juste à côté.D'accord, allons-y alors. Mais si tu habites à côté du lycée, pourquoi être à l'internat ?Parce que mes parents ne sont pas souvent à la maison et encore moins en semaine, alors ils m'ont mise à l'internat pour que je ne sois pas seule.Ah, je vois. Et tu aurais préféré quoi ? Être seule ou être à l'internat.La seule différence, c'est qu'à l'internat, je n'ai pas besoin de faire à manger.C'est vrai que c'est un bon argument. »

Nous voilà arrivés chez mes parents. Nous avons préparé de quoi manger et nous nous sommes installés dans le jardin, au soleil. Nous avons discuté tout l'après-midi, nous avons bien rigolé aussi. Cela faisait très longtemps que je n'avais pas passé autant de bon temps en bonne compagnie.

Cela fait bientôt deux mois que nous parlons et que nous nous voyons tous les mercredis après-midi. Et pour être honnête avec vous, je commence à avoir des sentiments pour lui. Lesquels ? Je ne sais pas trop, mais il y a quelque chose.

Aujourd'hui, nous nous voyons cet après-midi, vu que c'est mercredi. Il fait un temps de chien aujourd'hui. Excusez-moi pour le vocabulaire, mais c'est le cas, il pleut à torrent.

Je remarque Peter devant le lycée avec son groupe d'amis, je ne les aime pas trop, mais ce n'est pas si grave. Je m'avance discrètement et je capte leur conversation :

« Mec, tu comptes lui dire quand que c'était un gage ? Tu n'es plus obligé de passer du temps avec elle maintenant. »

Je n'y crois pas. En fait, il est comme tous les autres. Je cours vers eux, les bouscule, jette mon parapluie et cours chez mes parents. Plus rien ne me retient cette fois-ci...

Peter

Sérieusement, mais qu'est-ce que j'ai été con de ne pas lui avoir dit la vérité plus tôt ? Maintenant que je suis certain de mes sentiments pour elle, je ne peux pas la laisser partir. Même si elle ne peut pas vivre pour moi, elle doit vivre pour elle-même, elle doit vivre tout court.

Alors je cours, je cours plus vite que je n'ai jamais couru. Si vite que l'air a du mal à entrer dans mes poumons. Je vois sa maison, à moins de cent mètres. J'accélère encore, j'ouvre la porte d'entrée, je monte les escaliers en courant, manquant de tomber à chaque marche. J'ouvre la porte de sa chambre et je la vois, les pieds dans le vide. Mon cœur s'arrête un instant, mais mon cerveau me fait me précipiter vers elle, la porter et défaire le nœud. Je l'allonge sur son lit et commence le massage cardiaque. Je ne peux pas la perdre, pas maintenant. En commande vocale, je demande à mon téléphone d'appeler les pompiers. Ils arrivent quelques minutes après. Je les laisse faire et m'éloigne pour leur laisser de la place. Je vois une enveloppe sur son bureau. Je la prends et au moment où j'allais l'ouvrir, j'entends un des pompiers dire « On a un rythme, on l'emmène ». À ce moment-là, mon cœur se remet à battre lui aussi. Je les suis dans l'ambulance et pendant tout le trajet, je lui tiens la main.

Cela fait une semaine, une semaine qu'elle est dans le coma. Je suis à ses côtés tous les jours, je lui parle en espérant qu'elle m'entende. Sa lettre, je ne l'ai pas encore lue. Elle est là, sur le meuble à côté de son lit, mais je n'ai pas encore eu la force de la lire. Peut-être qu'elle y a inscrit son souhait le plus secret. Alors je la prends, l'ouvre, tiens sa main et commence ma lecture...

Voilà, j'ai fini et je pleure. Cette fille est vraiment incroyable. Je relève la tête vers elle et elle me regarde. Elle a les yeux ouverts. D'un geste rapide, j'essuie mes larmes tout en tenant sa main. Elle me regarde toujours. Elle aussi a les larmes aux yeux. Je me lève, la serre dans mes bras, essuie les larmes qui ont coulé et je lui dis « Je suis tellement désolé ». Pour seule réponse, elle relève sa tête et m'embrasse.

Adriana

Je peux maintenant modifier la fin de ma lettre :

« [...]

À tous ceux qui en ont besoin, je suis là, la preuve qu'on peut s'en sortir et qu'il y a du bon en chacun. Je vais vous aider. Je ne cesserai de me battre pour vous aider. Battez-vous vous aussi.

Adriana »

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