Mon lit était trop confortable -bien plus que celui de l'hôpital- je ne voulais pas me lever. J'avais bien dormi cette nuit contrairement à ce que je pensais. Pas de cauchemars ni de montée de souvenirs, même si dans un sens ça m'aurait aidé avec mon enquête.
Mon ventre gargouillait m'incitant à me lever du lit pour aller prendre le petit déjeuner. Je pris mon carnet de communication qui était sur ma table de nuit, et un stylo au hasard dans le tiroir.
L'odeur des œufs vint me chatouiller les narines.
Comme d'habitude c'était maman qui cuisinait, elle bougeait les hanches et chantonnait tandis qu'elle remuait quelques choses dans la poêle.
Papa, comme toujours, lisait le journal en buvant son café, une réaction par-ci par-là, ça allait du rire au froncement de sourcils.
D'habitude, je leur aurais dit bonjour en baillant mais cette fois-ci je frappe à la porte de la cuisine pour leur faire part de ma présence. Tout d'un coup je comprends ce que voulait dire le médecin lorsqu'il avait dit que je devais retrouver une vie normale.
- ah ! Salut Harley ! Lance ma mère gaiement en tournant la tête pour me regarder
Mon père quitte ses yeux du journal et me fait un signe de main. Je leur réponds avec un sourire.
- j'ai fait des œufs aujourd'hui, tu en veux ?
J'acquiesce et elle ramène la poêle près de mon assiette avant de verser le contenu dessus.
- merci maman
Ma mère me sourit en guise de réponse puis mit la poêle dans l'évier.
Et normalement, c'est à cet instant que je demande à ma mère si elle avait bien éteint le feu et qu'elle panique pour aller vérifier.
Lorsque j'entrouvre la bouche dans l'objectif de lui demander, je me rappelle soudainement que je ne peux plus parler. Je baisse la tête. Je me rends compte aujourd'hui que je veux retrouver ma vie d'avant.
- ça va Harley ? Demande mon père avec inquiétude
- maman, le feu. Ecrivis-je sur mon carnet pour le montrer à la concernée
Elle panique en disant : " ah ! Mince j'ai failli oublier !" avant de se lever pour éteindre le feu. Au moins ça, ça n'a pas changé.
- dites je peux vous demander quelque chose ?
- oui oui vas-y ! Dit mon père
- est-ce que je vais rester muette toute ma vie ?
- ça chérie, je suis vraiment désolée, on l'ignore, dit ma mère, mais si tu veux on demande au docteur
- oui je voudrais savoir
- d'accord, dit mon père, on va prendre rendez-vous avec lui
-merci beaucoup
Mes parents ont contacté le médecin et on a pu avoir un rendez-vous aujourd'hui dans l'après-midi.
J'étais dans la voiture, sur la banquette arrière, je regardais la route à travers la fenêtre. J'aimais observer mon entourage, la vie des gens, ça m'évitait de penser à la mienne. Du moins, c'était avant. Là, c'était l'effet inverse qui se produisait.
J'observais les piétons, j'avais remarqué que la plupart d'entre eux étaient des lycéens qui allaient peut-être en direction du lycée étant donné l'heure qu'il était.
Je me suis mise à me demander comment j'allais faire pour le lycée. J'avais raté environ 7 mois de ma scolarité, est-ce que je vais devoir redoubler ? Attendre que cette année scolaire soit finie pour ensuite redoubler en 1ère ?
Ça s'annonçait horrible, mes amis seront en classe supérieure, en plus du fait qu'ils sont peut-être fâchés contre moi, ils seront loin de moi et je ne pourrais pas me faire pardonner. Je ne vais pas supporter ça, je le sens.
Je sentais une crise d'angoisse venir, j'essayais de contrôler ma respiration et de me calmer.
- tout va bien Harley ? S'inquiète ma mère qui était sur le siège passager
J'acquiesce d'un signe de tête.
Il était un peu tôt pour sortir de la maison, après tout le rendez-vous était prévu dans l'après-midi, je ne comprends pas pourquoi mes parents voulaient sortir ce matin, j'aurais préféré rester dans mon lit.
On s'arrête et je découvre qu'on s'est arrêté dans le parking du centre commercial. On sort de la voiture.
- qu'est-ce qu'on fait là ?
- on s'est dit avec ton père qu'il te fallait de nouveaux vêtements donc ce sera matinée shopping !
Que ce soit avant ou après mon hospitalisation, j'ai toujours détesté le shopping.
- je n'ai pas besoin de nouveaux vêtements, merci, donc si vous voulez y aller, allez-y mais je reste dans la voiture
- aller Harley ! Ce sera super !
- je suis désolée mais c'est stupide de m'emmener au centre commercial !
- pourquoi ce serait stupide ? Demande mon père en soupirant
- je ne peux pas parler ! Les gens vont me prendre pour une folle ! Je serai toujours obligée d'écrire si un truc me plaît ou non, si je veux entrer dans une boutique ou non, en bref, je vais devoir toujours écrire pour m'exprimer ! Ça vous a traversé l'esprit au moins ?!
- Harley, tu dramatises !
- vous m'énervez
- on dira à la vendeuse que tu es muette et c'est réglé !
- vous pensez à ce que je pourrais ressentir ? Il ne suffit pas de dire "c'est réglé"!
- bon essaie au moins et si ça ne va vraiment pas, on s'en va. Il faut que tu retrouves une vie normale !
Je sais qu'il faut que ma vie redevienne normale mais ce n'est pas en me bousculant qu'ils vont réussir.
Je finis par céder. On était entrés dans le centre commercial. Les rires étaient omniprésent, les enfants criaient en courant partout, une musique douce résonnait en arrière plan. Il y avait du monde, beaucoup, comme dans tous les centres commerciaux.
Des filles, pas loin, riaient -gloussaient- sans doute en discutant du dernier potin. Deux gars pas loin d'elles, les regardaient -les mataient- tout en se disant sûrement laquelle ils préféraient.
Le gens ici sont heureux et gaies. Ils étalent leur bonheur au grand jour. Quoi de pire sensation que d'être entouré de gens heureux alors qu'on ne l'est pas ?
Depuis que je me suis réveillée, dans cette sombre et froide chambre d'hôpital, j'ai ce vide ancré dans mon être. Je pouvais être heureuse sans l'être, être triste sans le savoir, être désespérée sans le montrer, être morte de l'intérieur et puis... l'oublier.
Comment pourrait-on oublier la douleur ? Est-ce possible ? C'est étrange quand même de se dire : "ah mince, j'ai oublié que j'avais mal".
Je retins un rire face à cette pensée, inquiétant mes parents qui marchaient devant moi. Ils tournent la tête afin de me regarder, mon père me demande :
- ça va ?
Je l'imaginais plutôt me demander si ça n'allait pas, histoire de me dire que je suis bizarre.
J'acquiesce d''un signe de tête.
Ils s'arrêtent devant une boutique qui a l'air de ne vendre que des robes.
- ça te dit ? Me demande ma mère
Je soupire. Rien ne me donne envie. Ce ne sont pas de nouveaux vêtements qu'il me faut, mais la vérité sur ce qui m'est arrivé. Les connaissant, même si je disais non, ils entreraient quand même dans cette boutique. Je fis un sourire forcé en guise de réponse.
- super ! Se réjouit ma mère
Ils passent le pas de la porte et je les suis. La boutique est sympa mais je ne suis pas d'humeur à chercher ce qui me plaît.
- alors, qu'est-ce qui te plaît ? Demande mon père
C'est ironique quand même. Au moment où je me dis que je ne veux pas chercher ce dont j'ai envie, il me demande ce qui me ferait plaisir. Et comme si ce n'était pas assez, la vendeuse arrive et s'approche de nous.
- bonjour, que puis-je faire pour vous ? Demande-t-elle puis sans attendre de réponse elle me dit : ah ! J'ai une robe qui t'irait très bien ! Tu veux l'essayer ?
Je reste perplexe. Je secoue la tête en esquissant un sourire forcé pour dire que je n'en avais pas envie mais elle insiste :
-aller ! Ça irait parfaitement avec ton teint et ta coupe de cheveux ! C'est quoi ta couleur préférée ?
Si je pouvais parler, est-ce que j'aurais osé lui crier de me laisser tranquille ?
En ce moment, j'ai juste envie d'être seule, dans mon lit, sans réfléchir, oublier ma douleur et mes soucis.
Ma mère pose une main sur mon épaule et s'adresse à la vendeuse :
- en vérité, ma fille ne peut pas parler.
Le sourire de la vendeuse disparaît. Elle était mal à l'aise.
J'ai déjà vu de la tristesse à mon égard dans les yeux d'une personne, de la colère également, de la déception assurément mais jamais de la pitié mais aujourd'hui j'en ai fait l'expérience.
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Voilà le chapitre 6 😄 ! J'espère que ça vous a plu ! Sorry pour les fautes d'orthographes ! J'ai déjà publié 2 chapitres donc vous pouvez tout de suite lire 😉 !
Lilicorn 🦄
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