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J'ouvris difficilement les yeux, faut croire que j'avais réussi à m'endormir finalement. Par la fenêtre, les faibles premiers rayons du soleil, encore hésitants à se dévoiler, ne tardèrent pas à m'indiquer que mon sommeil ne fut pas de longue durée.
J'essayai tant bien que mal de me redresser sur mes coudes, mes bras dont la largeur rivalisait avec celle d'un pauvre bout de bois tremblaient sous l'effort. La rue ne m'offrait qu'une scène vide, les pavés sales de la ville n'avaient pas encore été piétinés.
Je soupirai et m'assis, mon dos posé contre un coussin. Je tournai la tête, jusque-là fixée en direction de la fenêtre, vers ma chambre sombrant encore dans l'obscurité ambiante. Le peu de lumière qui régnait dans la pièce sobrement meublée provenait non pas du timide soleil qui commençait peu à peu à apparaitre mais des machines reliées à mon corps fébrile. Le bruit constant que produisait l'une d'elle brisait le silence, maintenant quotidien, de la chambre.
Mon regard se perdit sur la porte qui n'était utilisée que par mes parents pour m'amener mes repas mais qui se refermait aussitôt le plateau posé sur la table de nuit qui bordait mon lit. Je passais mes interminables journées et soirées seule dans cette misérable prison où résidaient tout de même une armoire et un bureau qui m'était inaccessible, clouée dans mon vieux lit. Mes géniteurs ne me faisaient jamais l'honneur de leur présence si elle n'était pas nécessaire à leurs yeux, c'est-à-dire tant qu'ils n'avaient pas besoin de m'apporter à manger. Mais le travail leur prenait beaucoup de temps et d'attention.
Ça, c'était leur excuse qui revenait en boucle, le travail... Mais c'était peut-être mieux comme ça au fond, mieux pour eux. Au début ce n'était pas pareil, ils étaient doux et aimants, essayant toujours de masquer leur crainte bien que – fort souvent – une lueur dans leurs yeux les trahissait. Mais ils avaient changé après la dernière visite du médecin, celle où il leur avait annoncé la nouvelle, brutale et tranchante, j'étais incurable. J'étais condamnée à croupir dans cette pièce, que j'ai fini par haïr, jusqu'à ma fin, une fin qui ne semblait pas loin. Perdre un enfant est une souffrance que je ne souhaitais à personne, personne ne devrait enterrer son propre enfant. Pourtant, mes parents, eux, devraient le faire un jour et je dirais même avant la fin de cette année. Alors je comprenais leur comportement, prendre leur distance pourrait peut-être refermer la plaie béante que la mort d'un proche pouvait causer.
Je contemplais mon bureau, je me demandais à quoi il servait au fond. Il devait être tellement vieux que même si je le pouvais je ne m'approcherais pas de lui par peur qu'il ne s'effondre. J'aurais bien aimé avoir une télé mais mes parents n'avaient pas assez d'argent pour tout ce qui me concernait, les médocs et les toubibs coûtaient assez cher selon eux. Si j'avais eu une télé, j'aurais pu regarder les matchs de volley, j'aimais bien le volley j'avais vu un match une fois sur le téléphone d'un des médecins qui le suivait en direct. Je ne connaissais pas les règles mais rien que de les voir bouger me faisait les envier. Qui sait ? Je pratiquerais peut-être du volley dans une autre vie.
Je détournai à nouveau le regard vers l'extérieur. Le soleil commençait gentiment à s'imposer dans le ciel. Je n'avais aucun moyen de connaître l'heure mais je supposai qu'il n'était pas loin de six heures du matin. Une heure plus tard ma mère viendrait me faire ingérer cette chose infecte qu'elle appelait médicament si indispensable et dirait que c'est pour mon bien. Je savais très bien que ça ne me sauvera pas, moi j'avais juste envie qu'on me laisse mourir en paix, qu'on me laisse tranquille.
Quelques lève-tôt marchaient dans la rue, se rendant sûrement au travail. Tous avaient la tête haute, fixant l'horizon, ils défiaient leur avenir du regard, un avenir que je ne verrais jamais. Je fermai un instant les yeux, j'admirerais les passants plus tard, ce n'était pas comme si je devais faire autre chose.
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