La dernière vague

   Ce jour là, c'était la Saint-Valentin. Comme à peu près chaque année depuis ma naissance, je savais que j'allais rester célibataire, encore et toujours. En revanche, Estelle était en phase avec un première depuis déjà quelques semaines. Certaine qu'il allait lui demander de sortir avec elle, j'étais à peu près autant excitée qu'elle à cette idée. Cela amusait mes amies qui se sentaient obligées de me préciser que ce n'était pas moi qui allais me mettre en couple. Sans blague. Bref, la journée s'annonçait pleine de rebondissements !

   Je sortais de chez moi pour aller prendre mon bus quand quelqu'un se matérialisa juste à côté de moi, me faisant sursauter.

   -Hello Justine ! Aujourd'hui devine quoi, c'est le 14 février ! Je suis sûre que Corentin va me demander ! On se rejoint au lycée !

   Et bien sûr, elle disparut avant que j'ai pu ouvrir la bouche. Noémie dans toute sa splendeur. Mi-exaspérée, mi-amusée, je songeai qu'Anaïs n'avait pas intérêt à se caser, hors de question de rester la seule célibataire du groupe !

   Ce midi nous avions enfin un horaire commun pour manger entre nous quatre. Nous parlions tout en regardant distraitement la télévision ou les élèves autour de notre table. Noémie ne cessait de jeter des coups d'oeil à droite à gauche, si bien que ses belles boucles cuivrées s'agitaient en tout sens. Comprenant qu'elle cherchait Corentin, Estelle commença à la taquiner joyeusement sur le jeune garçon qui ne s'était toujours pas montré.

   Je m'apprêtais à glisser un commentaire à Anaïs quand une clameur soudaine focalisa mon attention. Quelqu'un monta le son de la télévision et nous pûmes tous entendre l'information : il s'agissait de la Liste. Elle avait recensé une nouvelle et apparemment dernière vague de pouvoir !

   Le bruit des conversations enfla démesurément, tant qu'il fut impossible de continuer à suivre. Échangeant des regards entendus, Anaïs et moi prîmes nos plateaux, les debarrassâmes et nous ruâmes à l'extérieur pour sortir nos téléphones et obtenir de plus amples informations. Quand nous vîmes de quoi retournait cette dernière vague, nous fûmes simplement ébahies. Seule une personne était touchée, du nom de Kita, elle vivait à Haïti.

   -Anaïs, je sais pas lire ou il y a bien écrit fée à côté de cette fille ?

   -Vu que je vois la même chose, on doit être bigleuses toutes les deux...

   Éclatant de rire, nous réalisions à quel point cela semblait incongru. Nous dire que quelque part il y avait une jeune fille qui apprenait qu'elle était une fée nous faisait retourner illico en enfance.

   Durant quelques jours, le monde entier se pencha sur l'haïtienne, l'engouement des foules en fit une sorte de mascotte alors que celle-ci ne semblait désirer que l'anonymat. D'un côté, je la plaignais, cela devait vraiment être dur pour elle d'être catapultée au rang des célébrités sans avoir rien demandé. Mais, en même temps, comment ne pas l'envier ?

   Étant donné que les premières vagues avaient mis près d'un mois à toucher toutes les personnes concernées, j'étais presque sûre que d'autres gens allaient devenir des fées. On en rêvait tous un peu au fond, à part peut être les garçons qui avaient peur pour leur virilité. C'est sûr que les imaginer avec des ailes multicolores et des paillettes autour d'eux ne collait pas trop à l'image qu'ils voulaient donner ! Parallèlement, nul ne savait quel pouvoir fantastique cela pouvait débloquer que d'être une fée, Kita ne l'avait pas dévoilé.

   Et en effet, quatre jours à peine après l'haïtienne, un nouvel individu apparut sur la Liste. Sauf que ce n'était pas une fée mais un métamorphe ! Et ainsi, de manière assez régulière, de nouvelles espèces se déclarèrent pour le plus grand bonheur des foules : un sorcier, une vampire, une caméléon et enfin, un loup-garou.

   Au lycée, la nouvelle mode était de faire croire que l'on serait le prochain à être touché et à devenir célèbre. Je ne participais pas à ce mouvement que je trouvais relativement puéril, en plus, je ne voyais pas trop ce que l'on pouvait trouver cool à être un vampire ou un loup-garou. De toute façon, tous les nouveaux de la quatrième vague étaient soit des protecteurs, soit des vengeurs, soit des chasseurs. Je ne pensais pas que cela puisse être une coïncidence.

   Ce soir-là, je retrouvai Estelle chez elle où je devais l'aider à rattraper son retard dans certaines matières. Bien entendu, je m'étais préparée à l'entendre me parler amoureusement d'Elmood Hoàng, le lycanthrope. Depuis qu'elle avait été jetée comme une vulgaire chaussette par son petit ami, elle passait son temps à fangirliser sur tout un tas de célébrités. Malheureusement pour  moi, j'étais sa cible préférée pour toutes ses élucubrations.

   Alors que je lui expliquais la résolution d'équations particulièrement complexes, je voyais Estelle regarder sans cesse son téléphone. Je finissais par me demander si je n'allais pas devoir le lui confisquer, tout en sachant que lui faire cela reviendrait pour elle à lui confisquer son âme. Sa dépendance à cet objet était ahurissante.

   Cependant, elle se leva d'un bond, renversant violemment sa chaise au sol, et me fixa, les yeux ronds comme des soucoupes. Surprise, je ne comprenais  pas sa réaction jusqu'à ce qu'elle me colle son portable à la figure.

   Je faillis tomber à la renverse tant mes émotions furent violentes. Mes pensées se bousculaient dans ma tête tandis qu'une phrase résonnait en boucle : comment cela était-il possible ?

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