Des années s'étaient écoulées depuis cette journée ensoleillée dans les jardins de Camelot. Arthur avait grandi, tout comme Merlin, mais la promesse tacite scellée entre eux restait intacte. Pourtant, la vérité pesait lourd sur leurs épaules, une vérité que Merlin ignorait encore qu'Arthur connaissait.

À présent, Merlin travaillait comme serviteur personnel du prince. Bien qu'ils aient gardé une amitié teintée de taquineries et de disputes, les responsabilités d'Arthur et les secrets de Merlin rendaient leur relation plus complexe qu'ils ne l'admettaient.

Ce matin-là, Camelot grouillait d'activité. Les chevaliers s'entraînaient, les domestiques allaient et venaient, et Arthur, comme à son habitude, observait tout cela d'un œil critique. Assis sur son trône temporaire dans la salle d'entraînement, il surveillait les combats, une expression de commandeur gravée sur son visage. Merlin, quant à lui, s'affairait à ramasser les armures laissées çà et là, ronchonnant tout bas.

— Tu pourrais m'aider, au lieu de jouer au roi, grogna Merlin en ramassant une épée qui semblait deux fois plus lourde que lui.

— Je suis le prince, Merlin. Superviser, c'est mon rôle. Le tien, c'est de nettoyer après mes chevaliers.

Merlin roula des yeux, ce qui arracha un sourire discret à Arthur. Mais le prince redevint sérieux en observant les traits tendus de son serviteur. Depuis quelques jours, il avait remarqué quelque chose d'étrange. Merlin semblait fatigué, plus distrait qu'à l'accoutumée.

Quand le dernier chevalier quitta la salle, Arthur se leva et referma la porte derrière lui. Merlin, accroupi pour ramasser un bouclier, releva les yeux.

— Quoi ? demanda-t-il en voyant l'expression du prince.

— Tu es différent ces derniers jours, répondit Arthur en croisant les bras. Qu'est-ce qui se passe ?

Merlin détourna le regard, visiblement mal à l'aise.

— Rien. Tout va bien.

Arthur soupira, s'approchant lentement.

— Merlin, je ne suis pas idiot. Enfin, pas autant que tu le penses.

Merlin esquissa un sourire malgré lui, mais il baissa rapidement les yeux.

— Je... j'ai fait un cauchemar, murmura-t-il enfin, presque à contrecœur. Un rêve où Uther découvrait...

Il ne finit pas sa phrase. Il n'en avait pas besoin. Arthur comprit immédiatement.

— Un rêve, ce n'est qu'un rêve, dit-il doucement, son ton inhabituellement sérieux. Tant que tu fais attention, personne ne saura.

Merlin releva la tête, surpris par la sincérité dans la voix du prince. Il fronça les sourcils, hésitant.

— Comment tu peux être si sûr ? Tu ne comprends pas ce que c'est... de vivre avec ça, chaque jour, de me demander si aujourd'hui sera le jour où tout s'écroulera.

Arthur serra les mâchoires. Oh, il comprenait bien plus qu'il ne voulait l'admettre. Depuis des années, il portait ce secret comme un fardeau. Il voyait la peur dans les yeux de Merlin, mais il voyait aussi sa force, sa loyauté, et cette lumière en lui qui ne pouvait être réduite à une simple interdiction.

— Je comprends plus que tu ne crois, Merlin, murmura-t-il finalement, son regard se faisant plus intense.

Merlin ouvrit la bouche, prêt à répondre, mais la porte s'ouvrit brusquement. Un chevalier entra, interrompant le moment.

— Sire, votre père vous demande dans la grande salle.

Arthur se détourna, reprenant immédiatement son masque de prince indifférent.

— Très bien. Merlin, ramasse ce foutu bouclier et ramène-le au dépôt.

Le ton était redevenu moqueur, mais Merlin savait qu'il y avait autre chose sous cette façade. Il resta un moment immobile, son esprit tourbillonnant. Quelque chose dans les mots et l'attitude d'Arthur sonnait différemment, comme une promesse silencieuse.

Alors qu'il se penchait pour ramasser le bouclier, Merlin murmura à lui-même, un sourire en coin :

— Parfois, tu es plus mystérieux que moi, Arthur.

De son côté, Arthur, en traversant les couloirs de Camelot, sentit un poids étrange sur sa poitrine. Garder ce secret devenait de plus en plus difficile, mais il savait qu'il ne pouvait pas se permettre de faillir. Pour Merlin, pour Camelot, et peut-être pour lui-même.