Nawal se tenait devant son bureau. Le bruit des claviers qui cliquetaient autour d'elle était réconfortant. Cela faisait plus de deux mois qu'elle avait pris la décision de se reprendre en main et le chemin était semé d'embûches.

Dès le lendemain de sa visite à l'association, elle avait rassemblé sa famille pour leur parler. Face à eux, elle avait expliqué calmement sa décision de suivre une formation et de chercher un emploi. Elle avait également montrer l'importance de reprendre le contrôle de sa vie, évoquant même la possibilité de consulter un avocat si on continuait à la forcer dans une voie qu'elle refusait. Son père, bien que réticent au début, s'était adouci en entendant ces mots. Sa mère avait hoché la tête silencieusement, comme pour lui donner sa bénédiction.

Et le lendemain, elle s'était inscrite à une formation en ligne pour se spécialiser dans la gestion de projet. Dans ces compétences précises, il serait impossible de se faire une place sur le marché du travail. Elle s'était forcée à passer au-delà de ses doutes, à croire que ce qu'elle avait fait jusqu'à présent, ne définissait pas son avenir. C'était un travail en grande partie autonome, mais la satisfaction de se voir progresser, de comprendre peu à peu les termes et concepts qu'elle ne connaissait pas, lui portait une bouffée d'air frais.

Après avoir validé son inscription, Nawal avait commencé à consacrer chaque matin à l'apprentissage, même si elle était épuisée. Les soirs, elle prenait des pauses avec de longues discussions avec Raphaël, qui lui avait conseillé de diversifier ses recherches.

Elle avait ensuite pris le temps de retravailler son profil LinkedIn, en l'ajustant à ses nouvelles compétences.

Elle avait également consulté des forums et des groupes en ligne où des gens dans des situations similaires à la sienne échangeaient des conseils et des expériences. Ces espaces lui avaient donné des idées sur la façon d'adapter ses lettres de motivation et de personnaliser ses candidatures.

Puis un jour, elle reçu une réponse positive, venant d'une petite entreprise de marketing local, qui cherchait un assistant en gestion de projet, un poste qui allait au-delà de ses attentes initiales. Elle avait postulé sans trop y croire, mais cette réponse fut un tournant. Après plusieurs entretiens téléphoniques et une première rencontre, elle obtint le poste.

Nawal se souvint de son premier jour, son cœur battant d'excitation alors qu'elle s'asseyait à son bureau, entourée de collègues qu'elle ne connaissait pas encore. Le sentiment d'être enfin utile, lui apporta une confiance nouvelle. Elle avait encore beaucoup à apprendre, mais ce travail lui permettait de ne plus dépendre financièrement de personnes.

Pendant ce temps, sa famille avait arrêté de lui mettre une pression constante pour se marier. Ils étaient visiblement soulagés de la voir prendre sa vie en main, mais cette nouvelle stabilité ne signifiait pas pour autant qu'ils avaient abandonné l'idée du mariage arrangé.

Alors qu'elle était en train de réviser un dossier pour son travail, Nawal reçut un appel de son père. Cela faisait plusieurs semaines qu'ils n'avaient pas parlé et pourtant, elle sentait une boule se former dans son estomac.

__ Nawal, je peux te parler ?

La vingtenaire prit une profonde inspiration avant de répondre :

__ Un instant papa. Je sors dehors... Bon, maintenant je t'écoute.

Il hésita un instant, comme s'il ne savait pas par où commencer.

__ J'ai rencontré quelqu'un d'autre. Il s'appelle Amir, il a ton âge et il travaille dans le domaine de la finance. Je pense qu'il serait un bon choix pour toi. Lui annonça-t-il, d'une voix calme.

Nawal garda le silence, le téléphone contre l'oreille. Ce n'était pas ce qu'elle voulait entendre, mais au fond, elle connaissait parfaitement son père. Il changerait pas d'avis facilement. Il avait un fort sens du devoir, de la famille et tout ce qui importait pour lui était de s'assurer qu'elle avait un conjoint.

Leïla ferma les yeux, se forçant à réfléchir calmement. Ce n'était pas la première fois que son père la poussait dans une direction qu'elle n'avait pas choisie, mais elle se sentait différente maintenant. Elle avait son propre travail, son propre espace. Et pourtant, la pression familiale était toujours là, lourde comme une chape de plomb.

__ Je vais le rencontrer. Mais c'est à moi de décider si il est ou pas un bon choix .

__ Je comprends.

__ Merci, papa.

La décision n'était pas facile. En acceptant de rencontrer Amir, Nawal savait qu'elle devait faire un compromis. Elle ne voulait pas décevoir son père, mais en même temps, elle ne voulait plus être cette jeune femme passive qui laissait les autres choisir pour elle.

Quelques jours plus tard, elle rencontra Amir. Le dîner fut agréable, et bien qu'il n'y ait pas eu de coup de foudre immédiat, Nawal se sentit plus à l'aise avec lui qu'elle ne l'aurait imaginé. Amir était respectueux, ouvert d'esprit et surtout, il ne semblait pas vouloir forcer quoi que ce soit. Ils parlèrent de leurs vies, et petit à petit, la. jeune femme commença à voir en lui un homme avec qui elle pourrait envisager un avenir, à condition que ce soit sa décision et non celle de ses parents.

Les semaines suivantes, elle continua à avancer dans son travail. Elle se fit de nouveaux amis, prit davantage d'initiatives et la pression de la vie familiale s'éloigna..

Finalement, au bout de trois mois, elle accepta sa demande de mariage. Ce n'était pas le mariage arrangé qu'elle redoutait, ni un mariage imposé, mais une décision qu'elle avait prise en toute conscience, avec la certitude que cet homme respectait son indépendance et sa vision des choses.

Nawal n'était plus la même. Elle avait changé, grandi et désormais, elle pouvait se dire qu'elle avait choisi sa propre voie. Ses parents étaient heureux, mais surtout, elle était heureuse d'avoir enfin le contrôle sur sa vie.