Chapitre 1

Où suis-je ? Que s'est-il passé ? D'où vient cette obscurité aveuglante ? Et mon corps, pourquoi ne répond-il plus ? Je ne comprenais rien. Mes souvenirs les plus récents m'apparaissaient flous. La seule chose nette dans mon esprit était l'appel que m'avait passé ma mère.

La raison de son coup de fil restait un mystère à part entière. Quel était donc cet évènement qui lui avait fait perdre son sang-froid légendaire? C'est une femme forte, ne se laissant pas abattre par les difficultés de la vie. Elle est celle qui m'a servi de pilier pour me relever après sa mort. Personne n'aurait imaginé qu'elle nous abandonnerait ainsi. Toute ma famille avait été plongée du jour au lendemain dans un état de souffrance intense. Mes sœurs ne comprenaient pas, de leur jeune âge, ce qui se passait. Selon elles, elle était seulement partie en voyage et allait bientôt revenir. Je n'avais pas eu le courage de leur avouer la vérité que j'acceptais déjà avec beaucoup de difficulté.

Soudain, j'entendis une voix. Elle semblait venir d'une autre dimension tant son timbre était faible. Était-ce un homme? Une femme? Je l'ignorais et n'y accordais pas d'importance. Seules les paroles proférées comptaient à cet instant.

- Pars, susurra-t-elle, quitte cet endroit avant qu'il ne soit trop tard. Ta place ne se trouve pas dans le monde des ténèbres... Tes proches t'attendent!

Que voulait-elle dire par « monde des ténèbres » ? Je n'eus pas le temps de lui poser cette question. Elle s'était déjà évaporée. Je devais donc trouver cette réponse par moi-même. Je décidai de procéder par étapes. Tout d'abord, le lieu ne laissait filtrer aucune lumière. Ainsi, je ne détenais aucune information sur l'heure qu'il était. Dans quelles circonstances avais-je atterri ici ? Une hypothèse qui me paraissait pourtant déjantée m'apparut comme la seule plausible. Quelqu'un m'avait kidnappée! On m'a ensuite transportée dans une cave. Mon corps était ankylosé par la drogue qu'on m'avait administrée et la voix que j'avais entendue était le produit des effets hallucinogènes de celle-ci. À moins que quelqu'un ne soit venu me libérer...

Je réalisai alors que tout ce que j'avais entrepris dans le passé serait sans doute vain. Je n'obtiendrais probablement jamais mon diplôme. Ceux qui m'avaient enlevé ne me relâcheraient pas, il faudrait que je me débrouille seule. Un sordide destin m'attendait: viol, torture, violence, ... Comme je regrettais de ne pas avoir profité de chaque instant avec mes proches: les fous rires avec mes sœurs, les sorties du dimanche en famille, les débats avec mes parents. Cela me manquait tellement!

J'entrevis au loin une lueur blanche. Elle se rapprochait de moi à une vitesse élevée. Vu mon état, je ne pouvais qu'attendre qu'elle m'atteigne et prier pour rester en vie. Je n'ai jamais réellement cru en Dieu mais à cet instant précis j'espérais qu'il me sauverait.

Elle était là, devant moi. Elle arrivait. Je n'avais plus de peurs, plus de craintes. Tout disparaissait à son passage. Elle m'offrait sa protection, à moi, simple mortelle, minuscule goutte d'eau dans l'océan immense.

...

J'ouvris les yeux. J'étais allongée sur un lit, recouverte par un drap bleu. Tout mon corps me faisait souffrir, de la plante de mes pieds à ma tête. Était-ce de nouveau une hallucination de ma part ? Non, j'avais enfin rejoint la terre ferme. Les effets de la drogue s'étaient sans doute dissipés. Mes yeux se posèrent sur ce qui était le plus proche de moi, soit le plafond. Puis, je tournai la tête. Ou du moins, j'essayai. Tout ce que je récoltai fut une douleur atroce me faisant renoncer à bouger. Je balayai ensuite du regard la pièce. À ma droite, un cardio monitoring émettait des sons réguliers; à ma gauche, plusieurs seringues et autres instruments médicaux reposaient sur une table roulante. De toute évidence, je me trouvais dans un hôpital mais la raison pour laquelle j'y avais été admise m'échappait encore. Soudain, la porte s'ouvrit et un infirmier vint à moi. D'après l'étiquette sur sa blouse, il se nommait Arthur.

- Je vois que la petite demoiselle est enfin réveillée. Vous en avez mis du temps, vos proches se sont beaucoup inquiétés, s'exclama-t-il.

Ses yeux espiègles se posèrent sur le calendrier derrière lui. J'y jetai un coup d'oeil. Nous étions le trente-et-un octobre. Or, mon dernier souvenir remontait au vingt du mois. Étais-je donc restée plus de dix jours dans le coma ? Je tentai de lui répondre mais ne pus esquisser le moindre mot . Une espèce de tuyau était enfoncé jusque dans ma gorge et gênait également ma respiration. Arthur sembla remarquer mon trouble.

- Je suis désolé mais vous allez devoir attendre un tout petit peu avant qu'on vous le retire. Seul un médecin en a l'autorisation, me dit-il d'un air contrit, c'est le règlement. J'ai appelé ma collègue, elle ne devrait plus tarder.

Comme pour confirmer ses dires, une femme d'un mètre soixante à peine passa la porte. Son apparence excentrique attira tout de suite mon attention. Ses cheveux roses bonbon étaient attachés en une queue-de-cheval brouillon, ses yeux bleu électrique auraient pu griller quiconque s'approcherait trop d'elle et ses lèvres rouge sang invitaient clairement à céder à la tentation. Je la regardai avec un mélange de fascination et de peur. Elle prit la parole.

- Bien ! Les constantes sont bonnes, la patiente respire bien. On va pouvoir procéder à l'extubation, déclara-t-elle, les yeux rivés sur ses papiers.

Elle s'approcha de moi et m'enleva le tuyau entravant ma bouche. À peine eut-elle fini qu'elle était déjà partie. Quelle froideur ! Pas une fois elle ne m'a adressé la parole le temps de sa présence. Je ne pouvais cependant pas demander à l'infirmier quelle mouche l'avait piqué. Ma gorge m'élançait dès que j'esquissai la moindre bribe de parole.

- Tu viens de rencontrer Alycia, même si "rencontrer" est un bien grand mot, s'amusa l'infirmier. Elle semble un peu spéciale au premier abord mais on s'y habitue à force. Bref ! J'ai prévenu tes parents de ton réveil. Ils sont en route mais n'arriveront pas avant une bonne heure. Profites-en pour te reposer, cela te fera le plus grand bien. Tu risques d'avoir des nausées, des maux de gorge et avoir du mal à parler pendant un certain temps. N'hésite pas à m'appeler en cas de problème. Je repasserai plus tard.

Arthur franchit le pas de ma chambre. Mes paupières se firent lourdes. Trop de choses s'étaient déroulées en si peu de temps. Un petit somme ne me ferait pas de mal, après tout. Sur ces pensées, je me dirigeai de nouveau vers le pays des songes...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top